2023 en images
2 janvier 2024
2023. Une année durant laquelle les drames se sont enchaînés en Méditerranée, avec le plus grand nombre de disparitions depuis 2017, soit 2 756* personnes. Une année marquée, jusqu’à son dernier jour, par les détentions arbitraires de navires d’ONG, les tirs répétés des garde-côtes libyens et des injonctions des autorités maritimes à rejoindre des ports éloignés sans délai. Une année, enfin, durant laquelle 2 299* vies de femmes, d’hommes et d’enfants ont été sauvées par l’Ocean Viking, grâce à la solidarité de milliers de citoyen.ne.s et à la mobilisation de nos 550 bénévoles dans une vingtaine d’antennes. Douze images pour douze moments marquants en 2023.

* Chiffres au 29 décembre 2023

JANVIER

Première mission de l’année pour l’Ocean Viking sous le « décret Piantedosi » : 37 personnes secourues débarquent dans le port éloigné d’Ancône

Crédit photo : Michael Bunel / SOS MEDITERRANEE

Le 2 janvier 2023, le « décret-loi Piantedosi » entre en vigueur en Italie. Il stipule entre autres que les navires d’ONG doivent rejoindre le port assigné par les autorités maritimes sans délai pour y débarquer les personnes rescapées, et expose tout contrevenant à la détention du navire et à de lourdes amendes. Le décret est assorti d’une nouvelle politique d’attribution de ports éloignés qui vide la zone de détresse des moyens de sauvetage déjà insuffisants et fait exploser la note de fioul des navires humanitaires. Ainsi, pour cette première mission de l’Ocean Viking en 2023, le navire sera contraint de naviguer jusqu’au port éloigné d’Ancône pour débarquer les 37 personnes secourues le 7 janvier d’une petite embarcation en détresse, les exposant aux souffrances inutiles d’un trajet de plusieurs jours alors que la tempête fait rage.

Février

Sauvetages et naufrages en Méditerranée : 84 personnes secourues en région libyenne, 98 disparues en Italie sans assistance

Crédit photo : Nissim Gasteli / SOS MEDITERRANEE

En ce 14 février, l’équipe à bord de l’Ocean Viking porte secours à 84 personnes dont 58 mineur.e.s non accompagné.e.s. d’une embarcation pneumatique surchargée dans les eaux internationales au large de la Libye. Les vagues atteignent trois mètres et les rescapé.e.s sont traumatisé.e.s tant par la traversée que par leur séjour en Libye et l’angoisse d’y être ramené.e.s. Joseph raconte : « J’ai eu peur quand j’ai vu les horreurs qu’ils font subir aux personnes capturées par les garde-côtes libyens ». La semaine suivante, le 26 février, un naufrage survient en Méditerranée centrale près de Cutro, en Italie, lors duquel au moins 98 personnes parties de Turquie quatre jours plus tôt sont mortes ou disparues, dont des bébés et des femmes.

Mars

L’Ocean Viking à nouveau menacé par des tirs des garde-côtes libyens.

Crédit photo : Jérémie Lusseau / SOS MEDITERRANEE

Dans la matinée du 25 mars, les garde-côtes libyens, financés, équipés et formés par les États membres de l’Union européenne, menacent, au moyen d’armes à feu, les équipes de l’Ocean Viking avant d’intercepter brutalement environ 80 personnes en détresse dans les eaux internationales. Il s’agit de la deuxième fois en 2023 que les équipes sont l’objet de menaces armées des garde-côtes. En juillet pourtant, il faudra faire face à de nouveaux tirs. SOS MEDITERRANEE dénonce ces pratiques dans un communiqué de presse.

AVRIL

Quatre jours en mer dont deux sans eau ni nourriture

Crédit photo : Lucille Guenier / SOS MEDITERRANEE

Parmi les huit sauvetages effectués par l’Ocean Viking pour ce seul mois d’avril 2023, l’une des trois embarcations secourues le 28 avril était en mer depuis quatre jours, dont 48 heures sans eau ni nourriture. À bout de force, Noura, une Syrienne de 56 ans, ainsi que sa fille et ses deux fils, doivent être pris en charge par l’équipe médicale en raison d’une déshydratation importante.

MAI

Tribune : une centaine de collectivités territoriales réclament « un espace humanitaire en Méditerranée » à l’UE

Crédit photo : Stefano Belacchi / SOS MEDITERRANEE

Le 8 mai 2023, soit la veille de la Journée de l’Europe qui marque également l’anniversaire de la création de SOS MEDITERRANEE à Berlin en 2015, une centaine d’élu.e.s signent une tribune dans le quotidien Le Monde appelant les États et les institutions européens à « garantir un espace humanitaire en Méditerranée » et à « faire respecter les règles applicables au sauvetage en mer ». Cette initiative et bien d’autres, comme la visite virtuelle de l’Ocean Viking pour les élu.e.s et agent.e.s des collectivités partenaires, la soirée de mobilisation des collectivités coorganisée avec la Ville de Bordeaux au Musée d’Aquitaine ou le webinaire sur la mission de témoignage de notre association, sont mises en place dans le cadre de la Plateforme des collectivités territoriales solidaires avec SOS MEDITERRANEE qui réunit plus de 100 collectivités locales réparties sur l’ensemble du territoire français fin 2023.  

JUIN

SOS, le concert solidaire pour sauver des vies en mer

https://www.youtube.com/watch?v=epo-HGQ31hs

Le 24 juin, alors que l’Ocean Viking patrouille au large de la Libye, à Marseille, une quarantaine d’artistes des scènes rap, reggae, kuduro ou électro livrent un concert inoubliable à quelque 8 000 personnes, avec en tête d’affiche le rappeur Zamdane et ses amis : « En tant que musicien, j’ai toujours voulu lier mon projet artistique à une cause qui me dépasse, et en l’occurrence c’est celle qui se rapproche le plus de mon histoire.»  La Fédération des Mutuelles de France, à l’initiative de cet événement, a ainsi pu reverser la somme de 110 000 € à SOS MEDITERRANEE. Un défi hors norme qui mobilise de nombreux partenaires et artistes et devrait être reconduit en 2024.

JUILLET

L’Ocean Viking détenu en Italie durant 10 jours après avoir essuyé des coups de feu

Crédit photo : Claire Juchat / SOS MEDITERRANEE

Le 11 juillet à Civitavecchia, les autorités maritimes italiennes mènent une 7e inspection de l’État du port (PSC) en quatre ans à l’endroit de l’Ocean Viking. Longue de sept heures, l’inspection extrêmement minutieuse a lieu après le débarquement de 143 personnes secourues entre le 27 juin et le 7 juillet. Elle se solde par la détention du navire humanitaire durant dix jours au terme de laquelle les autorités italiennes reconnaissent que le navire est conforme à toutes les réglementations applicables. L‘immobilisation est levée sans aucune correction. Fait gravissime, lors d’un des sauvetages, des coups de feu sont tirés par les garde-côtes libyens à proximité de notre canot de sauvetage (la troisième fois en 2023). Dans un communiqué de presse conjoint, SOS MEDITERRANEE et la FICR dénoncent à la fois la détention du navire, alors même que les taux de mortalité depuis le début de l’année sont alarmants, mais également les risques répétés qui pèsent sur la sécurité de nos équipes et de notre navire.

AOUT

15 opérations de secours en deux jours, dont 14 sur l’axe Tunisie-Lampedusa : la plus vaste opération de sauvetage jamais réalisée par l’Ocean Viking

Crédit photo : Camille Martin Juan / SOS MEDITERRANEE

Le 10 août 2023, les équipes à bord de l’Ocean Viking portent secours à 55 personnes d’une barque en fibre de verre surchargée et impropre à la navigation puis font route vers le nord. Mais arrivées à hauteur de la Tunisie dans la nuit, l’horizon est parsemé d’embarcations en détresse, les départs s’étant multipliés depuis la politique de mauvais traitements à l’encontre des migrants subsahariens du président tunisien Kaïs Saïed. Les autorités italiennes, débordées, demandent alors aux ONG sur place de secourir toutes les embarcations qu’elles pourront. Après 36 heures non-stop d’opérations, 623 naufragé.e.s sont en sécurité à bord de l’Ocean Viking. En parallèle, les nouvelles de noyades et d’interceptions par les garde-côtes libyens se multiplient, les effectifs de secours étant nettement insuffisants. Dans une vidéo tournée à bord, Dominika, responsable de l’équipe médicale, évoque des « barques en métal improvisées qui se remplissaient d’eau, beaucoup d’entre elles sur le point de chavirer (…) et des corps flottant à la mer. »

SEPTEMBRE

À Marseille, le pape adoube le combat de SOS MEDITERRANEE pour sauver des vies en mer.

Crédit photo : AFP / Handout

« Les personnes qui risquent de se noyer, lorsqu’elles sont abandonnées sur les flots, doivent être secourues. C’est un devoir d’humanité, c’est un devoir de civilisation ! »  Tout le long de sa visite à Marseille dans le cadre des Rencontres méditerranéennes les 22 et 23 septembre, le pape François a placé au cœur de ses discours la question des naufrages en Méditerranée et a tenu à remercier SOS MEDITERRANEE pour son action salvatrice. Lors d’une séance privée, Ralph, marin-sauveteur sur l’Ocean Viking, a remis au souverain pontife un gilet de sauvetage pour enfant ayant servi à secourir des centaines de bébés. Ce même mois, l’association remportait le « Prix Nobel alternatif de la paix », leRight Livelihood award.  

OCTOBRE

Les bénévoles de SOS MEDITERRANEE dénoncent « 10 ans de honte »

Alors que l’association continue de s’élever contre 10 ans de dégradation du contexte en mer, les bénévoles dans nos antennes partout en France et en Italie sont mobilisé.e.s pour souligner le tristement célèbre anniversaire du naufrage de Lampedusa, survenu en Italie le 3 octobre 2013. La tragédie, dont les images sont transmises dans le monde entier, constitue l’une des pires catastrophes maritimes jamais signalée avec 368 morts. Et pourtant depuis, un climat délétère grandit en Europe, avec la criminalisation des ONG de sauvetage et une indifférence qui gagne chaque jour plus de terrain. C’est pourquoi le 3 octobre 2023, nos bénévoles ont rappelé à la société civile son devoir de mémoire et de solidarité en rendant hommage aux 368 victimes du naufrage de Lampedusa. Témoignage d’un survivant, intervention d’un marin-sauveteur, procession à la bougie, minute de silence, projection-débat, veillée funèbre ou encore lecture ponctuée d’une corne de brume ont permis de sensibiliser le public à « 10 ans de honte ».

NOVEMBRE

L’Ocean Viking porte secours à 75 personnes en détresse à bord d’un voilier parti de Turquie alors qu’il fait face à une tempête en mer Ionienne.

Crédit photo : Lucille Guenier / SOS MEDITERRANEE

Survenu la nuit du 2 au 3 novembre, ce sauvetage inédit en mer Ionienne d’un voilier permet de secourir 75 personnes dont 23 femmes et 17 enfants. Elles ont passé au moins sept jours en mer et avaient épuisé leurs réserves de nourriture et d’eau depuis deux jours. La plupart des rescapé.e.s viennent d’Afghanistan, et fait plus rare, d’Iran et d’Ouzbekistan. « J’ai protesté pour la liberté des femmes en Iran. Le gouvernement m’a arrêtée et m’a condamnée à quatre ans de prison et 75 coups de fouet. Sept de mes ami.e.s sont mort.e.s lors des manifestations. J’ai dû fuir pour sauver ma vie. J’ai vécu l’enfer dans ce bateau, mais je préfère être emportée par la mer que par le gouvernement » explique Marina*, 19 ans.

* Le nom a été changé pour préserver la sécurité de la rescapée.

DECEMBRE

Alors que les ONG sont immobilisées pour avoir sauvé des vies, les naufrages mortels se succèdent en l’absence de navires de sauvetage

Crédit photo : Alisha Vaya / SOS MEDITERRANEE (Sauvetage du 13 décembre après la libération de l’Ocean Viking.)

Le 6 décembre, après 20 jours de détention administrative et l’attribution d’une amende de 3 300 euros par les autorités italienne en vertu du « décret Piantedosi », notre navire de sauvetage obtient enfin le feu vert pour reprendre la mer. L’Ocean Viking avait répondu à deux appels de détresse à quelques milles nautiques de sa position alors qu’il faisait route vers le port d’Ortona avec 33 personnes rescapées à son bord. Le navire sera immobilisé pour 20 jours à son arrivée le 15 novembre, bien que l’équipe ait rempli son obligation légale incontestable de secourir des personnes en détresse en mer alors que la communication avec les autorités maritimes libyennes était virtuellement impossible. Ce décret-loi du 2 janvier 2023 est à l’origine de 13 immobilisations de 9 navires humanitaires cette année, privant ainsi la Méditerranée centrale de ressources essentielles pour le sauvetage lors de l’année la plus meurtrière depuis 2017 selon l’Organisation internationale pour les migrations. Encore ce jeudi 14 décembre, un naufrage a fait au moins 61 morts dans les eaux internationales au large des côtes libyennes. Malgré les multiples alertes reçues par les autorités compétentes, aucun secours ne leur sera apporté avant plusieurs heures, ne laissant que 25 personnes survivant.e.s qui seront ensuite été ramené.e.s illégalement en Libye, où le cycle de violence les attend. 

Malheureusement, le 30 décembre les autorités italiennes décident d’une nouvelle détention pour l’Ocean Viking après le sauvetage de 244 femmes, hommes et enfants alors qu’il avait reçu des instructions claires et l’autorisation explicite des autorités maritimes libyennes et italiennes pour ces opérations. Ces mêmes autorités italiennes accusant l’Ocean Viking de ne pas avoir respecté l’instruction « de se diriger sans délai, à la vitesse maximale et en suivant une route directe vers le lieu sûr assigné » par leurs soins pour le débarquement des personnes rescapées. Nous ne pouvons que supposer que le « non-respect » du « décret Piantedosi » dont on nous accuse consiste en un changement de cap mineur lorsque l’Ocean Viking a reçu une alerte concernant au moins 70 personnes en détresse à bord d’une embarcation de fortune à seulement 15 milles nautiques de distance. Une mise à jour de la position de l’esquif en détresse a ensuite montré qu’il se trouvait plutôt à 60 milles nautiques plus au nord que ce qui lui avait été d’abord communiqué. Puisque l’Ocean Viking n’était plus en mesure de porter assistance, il a alors immédiatement repris sa trajectoire vers le port sûr assigné à Bari, qu’il a atteint sans délai supplémentaire.

Alors que le 16 décembre, un terrible naufrage avait couté la vie à 61 personnes dans cette région maritime, punir les organisations de la société civile d’avoir effectué le travail de sauvetage que les États européens ne font pas en Méditerranée centrale est une criminalisation inacceptable de l’aide humanitaire.

En 2024…

Nous retournerons en mer sauver des vies en dépit des obstacles. Rejoignez-nous !

Crédit photo : Claire Juchat / SOS MEDITERRANEE


Crédit photo haut de page : Michael Bunel / SOS MEDITERRANEE