« Mon grand-père m’a enseigné l’égalité et la dignité » – Massimo, chef de pont
En tant que chef de pont sur notre navire, Massimo a pour principale mission l’évacuation des personnes secourues depuis les canots de sauvetage pour les mettre en sécurité sur l’Ocean Viking. À bord, il a célébré une naissance, mais a aussi fait face à la mort. Avant d’embarquer comme marin-sauveteur en 2018, Massimo travaillait sur des cargos. Il a assisté, impuissant, au refus d’assistance opposé à des embarcations en détresse.

Massimo est né dans la ville de Gorizia, en Italie, à la frontière de la Slovénie. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, son grand-père a fui le territoire qui allait devenir la Yougoslavie. À l’époque, une famille lui est venue en aide. L’aïeul de Massimo est alors tombé amoureux de leur fille et l’a demandée en mariage. Elle allait devenir la grand-mère de Massimo. « Mon grand-père n’en voulait pas à ceux qui l’avaient fait fuir. Il m’a enseigné l’égalité et la dignité », explique-t-il.

À 14 ans, Massimo a quitté la maison pour poursuivre des études maritimes à Venise. À 20 ans, il travaillait déjà sur des pétroliers et voyageait à travers le monde. « Un jour, alors que le navire sur lequel j’étais embarqué traversait le détroit de Gibraltar, j’ai aperçu un point minuscule sur la mer. En tant que cadet, j’ai appelé le capitaine ; nous nous sommes approchés. Il s’agissait d’une embarcation pneumatique avec quelques personnes à bord. Je les ai vues nous faire signe. Le capitaine a dit : « Nous ne nous arrêtons pas ». Il y avait beaucoup de navires dans le détroit, ils ont certainement vu le bateau, mais personne ne s’est arrêté. À l’époque, je ne savais rien de la situation migratoire en Méditerranée ».

Après des années de travail en mer, Massimo est épuisé et décide d’arrêter. Il ne voyait plus aucun intérêt à s’échiner sur des cargos en pleine mer. « J’ai entendu parler des ONG de recherche et de sauvetage. Je me suis dit que j’aurais peut-être la chance d’utiliser mes compétences professionnelles pour aider d’autres personnes ». En 2018, il monte à bord de l’Aquarius, l’ancien navire de sauvetage de SOS MEDITERRANEE, pour sa première mission de sauvetage.

Crédit : Flavio Gasperini/SOS MEDITERRANEE

« Lors de ma première rotation, l’une des femmes rescapées était enceinte. Elle a accouché sur le navire, et nous avons organisé une grande fête pour célébrer l’événement. Je n’avais jamais vu une telle joie à bord d’un navire, j’étais habitué aux marins grincheux. Lorsque j’ai demandé le nom du bébé, l’équipage m’a dit qu’il commençait par la lettre M. J’ai pensé qu’il s’agissait peut-être de Massimo, mais la mère avait appelé le nouveau-né Miracle », raconte-t-il en souriant.

Lors de la mission suivante, alors que l’Aquarius navigue par très gros temps, l’équipe repère l’épave d’une embarcation pneumatique. « Ce jour-là, plusieurs personnes sont mortes. Elles se sont noyées et nous ne les avons jamais retrouvées. En quelques jours, je suis passé de l’excitation de la naissance d’un bébé à la tristesse d’être témoin de la mort ».

En décembre 2018, face aux attaques incessantes dont l’Aquarius et ses équipes font l’objet, le navire est rendu à son armateur. C’est l’Ocean Viking qui le remplace. Massimo réintègre l’équipe de recherche et de sauvetage sur le nouveau navire. En tant que chef de pont, il a pour mission, pendant le sauvetage, de hisser à bord les personnes secourues, transférées par les marins-sauveteurs sur les canots de sauvetage rapides. Une main tendue pour monter à bord, ce geste symbolique qui permet la mise à l’abri des personnes en détresse.

« Sur ce navire, il y a des membres de l’équipe qui ont travaillé sur des pétroliers, des bateaux de pêche, mais aussi des secouristes et des médecins, qui ont réussi à construire quelque chose de puissant. »

Massimo est marin depuis 27 ans et a passé six années au sein de l’équipe de secours de SOS MEDITERRANEE. « Ce que vous avez fait avant n’est pas important ; ce qui est important, c’est ce que vous faites maintenant », témoigne-t-il.

Photo : Flavio Gasperini/SOS MEDITERRANEE

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