Retour sur le sauvetage de trois embarcations en 12h : 900 rescapés
30 décembre 2016

Nous avions vu juste en prévoyant quune courte accalmie permettrait aux bateaux de fuir la Libye après Noël. Après quelques jours d’une mer agitée et de fortes vagues, la météo s’améliora mardi et mercredi. Mais le beau temps ne devait pas durer, d’après les prévisions.

 

Mercredi, à 00h20 le MRCC de Rome demande à l’Aquarius de porter secours à deux embarcations en bois en détresse, à l’ouest de Tripoli. La distance qui nous sépare des embarcations est inférieure à dix mille nautiques, nous sommes sur place en 30 minutes. Mais aucun bateau de bois à l’horizon.

 

« Pas facile de repérer des bateaux en pleine nuit, surtout une nuit sans lune », précisa Yohann, coordinateur SAR. « Nous avons poursuivi les recherches pendant près de deux heures, au bout desquelles on finit par apercevoir une embarcation en bois bleue et tout à côté, une autre embarcation en bois blanche ».

 

Le sauvetage commença mercredi à 2h15 du matin. Nous ignorions à ce moment-là que ce serait une opération longue et compliquée pour nous.

 

« Notre premier canot de sauvetage sapprocha du bateau en bois bleu et recueillit les premières informations auprès des rescapés. Nous les avons calmés et leur avons distribué les gilets de sauvetage. Cette opération nous prit 30 minutes car il y avait plus de 500 personnes réparties sur les différents ponts de cette embarcation », dit Nicola, le coordinateur SAR adjoint. Un médiateur arabophone de MSF se trouve sur le premier canot de sauvetage. « Ils mont dit quil y a des femmes et des enfants sous le pont. On a eu du mal à les calmer » ajouta Aali, le médiateur.

 

Lors de la première navette effectuée à partir du bateau bleu, nous transférons 18 femmes et deux très jeunes enfants vers lAquarius. Lorsque tout à coup, la situation bascule. « On nous informe que le second bateau, plus petit prend l’eau. Après vérification, nous constatons que lembarcation est instable et pourrait chavirer », dit Anthony, membre de l’équipe SAR des RHIBS.

 

« Nous avons donc immédiatement décidé d’évacuer également les personnes qui se trouvaient sur le bateau blanc » dit Yohann, le coordinateur. Il faisait encore nuit, heureusement il ny avait pas de vent et peu de vagues. Un navire de la Marine britannique se trouvait à 20 milles de distance et pourrait avec un peu de chance atteindre la zone de sauvetage en moins dune heure. Un gazier qui passait près de nous tenta de nous prêter main forte, mais leur canot de sauvetage était trop petit.

 

Puis changement de situation : « On nous informe quil y a une personne inconsciente sur le bateau de bois bleu puis une deuxième sur le bateau de bois blanc » annonça Yohann. Il nous faut donc évacuer d’urgence ces personnes malades. Les hommes respiraient mais étaient inconscients. Et le bateau blanc continuait à prendre l’eau.

 

Les malades sont pris en charge à bord par MSF et rapidement leur état s’améliore. Le navire de la Marine britannique arrive et le centre de coordination de Rome décide alors de lui confier cette opération de sauvetage. Cela faisait déjà un moment que SOS MEDITERRANEE était en pleine opération de sauvetage, près de 200 personnes étaient déjà à bord de lAquarius.

 

« On a décidé de répartir les rescapés sur les deux navires. Les rescapés qui se trouvaient sur le bateau blanc seraient transférés sur lAquarius et ceux du bateau bleu sur le navire de la Marine ».

 

Les équipes de SOS MEDITERRANEE ont poursuivi le sauvetage pendant des heures, transférant les rescapés, navette après navette sur lAquarius et vers le navire de la Marine.

 

« C’est alors quon a aperçu un troisième bateau de bois. Il était plus petit. Mais il nous fallait également le prendre en charge. La situation était à nouveau périlleuse car lembarcation était surchargée et prenait leau. Nous avons réagi très vite car elle pouvait chavirer dune minute à l’autre.», ajouta Yohann.

 

Les 40 personnes sur ce bateau ont pu être sauvées. L’ensemble de l’opération de sauvetage des trois embarcations a pris plus de 12 heures. Ce nest quen fin d’après-midi que tous les rescapés pure être installés sains et saufs sur lAquarius et sur le bateau de la Marine.

Nous faisons maintenant cap vers la Sicile, dans des conditions extrêmes.  D’après les prévisions, le temps va encore empirer, alors que les vagues atteignent déjà 4 mètres et que le vent hurle. Un grand nombre de nos hôtes ont le mal de mer. Les équipes de MSF et SOS MEDITERRANEE ont fort à faire pour prendre soin des malades et pour distribuer aux autres de leau, de la nourriture, des couvertures et des médicaments.

Crédits photo: Kevin McElvaney / SOS MEDITERRANEE