Elles s’appellent Camille, cheffe de l’équipe de protection, Manon, référente bénévole à Marseille, Luisa, coordinatrice des sauvetages sur l’Ocean Viking, Sophie, co-fondatrice et directrice de SOS MEDITERRANEE, ou Camille, photographe à bord. Mais aussi Mercury, Marina et Hiyab qui, portées par une détermination extraordinaire, ont affronté les pires épreuves durant leur parcours migratoire. Des femmes dont l’histoire diffère, mais que le courage a rassemblées en pleine mer, sur le navire de SOS MEDITERRANEE.
Avertissement : certains récits de vie comprennent des scènes violentes qui sont très explicites. Nous préférons vous en avertir.
14% des personnes secourues par SOS MEDITERRANEE depuis 2016 sont des femmes, 5919 femmes au courage, à la détermination et à la résistance hors du commun. Mercury, Hiyab et Marina en sont des exemples.
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Du courage, il en a fallu à Mercury*, cette Éthiopienne qui a vu sombrer dans la folie de nombreuses personnes enfermées dans les centres de détention libyens, rouées de coup, violées, affamées… Grâce à une résilience exemplaire, elle a enfin réussi à quitter cet enfer : « Quand j’ai pris la mer, je n’avais pas peur de mourir, je craignais seulement que les garde-côtes libyens nous trouvent ».
Hiyab*, 17 ans au moment de son sauvetage, a quitté le Soudan en guerre à 14 ans et a parcouru des milliers de kilomètres seule avant d’être à son tour capturée et enfermée en Libye. Sa détermination a finalement porté ses fruits à sa quatrième tentative de traversée. « Lorsque j’ai traversé la mer la première fois, j’étais enceinte. La deuxième fois, j’étais également enceinte, et j’ai accouché en prison**. La troisième fois, j’ai essayé de traverser avec ma petite fille, mais nous avons été renvoyées en prison ».
Marina, jeune Kurde militante, a voulu s’ériger contre l’oppression des femmes dans son pays, l’Iran, mais c’est par le fouet qu’on lui a répondu. Les épreuves qui ont jalonné sa route n’ont fait que conforter sa capacité de résistance et son désir de liberté. « Je proteste pour mes droits, pour ma liberté, pour les femmes en Iran. La situation des femmes dans ce pays est insupportable ».
Des femmes de convictions à terre et en mer
« On ne peut pas laisser une personne blessée sur le bord de la route sans rien faire ! – de la même manière, on ne peut pas laisser des femmes, des hommes et des enfants se noyer en détournant le regard ! ». C’est le cri du cœur d’une humanitaire française, Sophie Beau, qui, en 2015, enjoignait la société civile à rejoindre SOS MEDITERRANEE pour sauver des vies en mer Depuis, elle a rallié à sa cause des milliers de personnes, et l’association qu’elle dirige compte trois quarts de femmes, parmi les salariées comme les bénévoles !
Parmi elles, Manon, 25 ans, qui depuis plusieurs années, déploie toute son énergie pour témoigner de la situation en mer auprès du public. Aujourd’hui co-référente de l’antenne bénévole de Marseille – mais également engagée auprès de Pilotes volontaires, association active dans la recherche aérienne en Méditerranée centrale -, elle se réjouit de la part que prennent les femmes dans ce combat : « Nous sommes nombreuses à nous mobiliser pour qu’aucune vie ne finisse au fond de la mer. L’engagement de toutes ces femmes est rempli de sincérité, d’humanité, de colère et constitue la force d’action solidaire et bienveillante de l’association ».
« Les femmes sauveteuses permettent de démanteler les stéréotypes qui veulent que l’espace maritime soit un espace masculin. »
Camille, photographe à bord
En mer, l’association développe une politique de ressources humaines qui cherche à équilibrer le ratio femmes-hommes, traditionnellement plus masculin. « Je pense que les femmes sauveteuses permettent d’effacer les carcans du genre, de démanteler les stéréotypes qui veulent que l’espace maritime soit un espace masculin. Par leur présence en mer, elles éclairent l’existence d’autres femmes, celles qui traversent la Méditerranée, et qui sont souvent invisibilisées de la réalité migratoire en général » témoigne Camille Martin Juan, photographe à bord. Elle rêve d’un monde où règnent « l’altruisme et la solidarité ».
Plusieurs femmes occupent d’ailleurs des postes-clés, comme Luisa ou Mar, coordinatrices de la recherche et du sauvetage à bord. Responsables de la mission sur le navire, elles dirigent l’opération, l’équipe et communiquent avec les autorités maritimes depuis la passerelle. Luisa est animée par une profonde indignation : « Les États abdiquent leur responsabilité de coordonner les opérations de recherche et de sauvetage, laissant les acteurs privés et la société civile combler le vide mortel qu’ils laissent derrière eux. Nous pouvons voir le résultat de cette inaction délibérée dans la mer autour de notre navire ».
Guidée par la bienveillance et une profonde empathie, Camille, cheffe de l’équipe de protection à bord, a notamment pour mission de déceler les personnes rescapées particulièrement vulnérables et de veiller à ce qu’elles puissent bénéficier d’un suivi adapté à terre. « En fin de compte, si je suis ici, c’est pour partager tout mon amour avec ces personnes afin de les aider à retrouver confiance en elles, à se sentir à nouveau des êtres humains dignes, ce sentiment dont on les a souvent privées durant ce terrible périple. »
* Le prénom des femmes rescapées a été changé pour conserver leur anonymat.
** Les centres de détention en Libye, officiels ou clandestins, sont habituellement désignés comme « prisons » par les personnes secourues par SOS MEDITERRANEE
Crédit photo : Laurence Bondard/SOS MEDITERRANEE