Deux sauvetages ont eu lieu à la mi-décembre 2024, dont celui de Suad* et de 33 autres personnes qui se trouvaient à bord d’une embarcation pneumatique en détresse au large de la Libye. Les personnes rescapées, essentiellement originaires de Libye et de Gambie, ont expliqué à nos équipes qu’elles étaient parties de Garabulli, en Libye, le 11 décembre vers minuit.
Suad* a voyagé avec trois autres jeunes femmes syriennes. À bord de l’Ocean Viking, elles apprécient particulièrement de prendre un thé chaud sur le pont, à bâbord, à l’abri des regards, et d’observer les vagues en silence. Elles ne s’éloignent jamais trop de l’abri réservé aux femmes et aux jeunes enfants.
Suad* s’est mariée en Syrie. Son mari ayant refusé d’effectuer son service militaire** dans ce pays, il a été déchu de sa nationalité et contraint à l’exil : « Je veux rejoindre mon mari qui vit en Allemagne depuis deux ans », explique-t-elle. « J’ai fait plusieurs demandes de regroupement familial, mais elles ont toutes été rejetées. »
La jeune femme a alors pris la décision de se rendre en Europe en traversant la Méditerranée. « Ma famille a eu beaucoup de mal à accepter cette décision. Ils ne voulaient pas que je prenne la mer, pas plus que mon mari. Ils me disaient que c’était trop dangereux. Finalement, mon mari a accepté. Il a emprunté de l’argent à un ami et m’a envoyé de quoi partir. Il a fait toutes les démarches pour moi. Il nous a fallu cinq mois pour préparer le voyage. »
Suad* a quitté Damas, en Syrie, pour se rendre à Benghazi, en Libye, avant de traverser le désert et enfin atteindre la capitale, Tripoli. « Ce voyage de trois jours était épuisant. » Puis elle est restée en Libye pendant sept mois, avec son beau-frère.
« En Libye, en tant que femme, vous ne pouvez pas sortir, même avec un hijab : tout votre visage doit être couvert et seuls vos yeux doivent être visibles. J’avais constamment peur pour ma vie, il y avait beaucoup d’armes dans les rues et des rumeurs d’enlèvements. »
Lorsqu’on lui demande ce qui lui manque le plus de la Syrie, Suad* mentionne sans hésiter sa mère, avec les larmes aux yeux. « Tout ce que je veux maintenant c’est une vie paisible avec mon mari en Allemagne. »
Suad* et 162 autres personnes rescapées ont été débarquées à Ravenne le 17 décembre 2024.
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* Le nom de la rescapée a été modifié pour préserver son anonymat.
** En dehors des périodes de guerre, le service militaire en Syrie dure en moyenne deux ans. En période de conflit, il n’y a pas de limite : les hommes enrôlés peuvent être réquisitionnés pour une durée illimitée.
Crédit photo : Morgane Lescot / SOS MEDITERRANEE