3 questions à Michel Bussi : « Les migrants ne sont pas des criminels, ce sont des héros »
1 août 2024
Ancien professeur en géographie, Michel Bussi est un écrivain engagé, soutenant SOS MEDITERRANEE. Il utilise sa plume pour sensibiliser les lecteurs à travers plusieurs récits mettant en lumière les drames humains liés à la migration et aux naufrages. 

SOS – Votre livre On la trouvait plutôt jolie et votre nouvelle J’ai dix ans… demain traitent de la migration et des naufrages. Pensez-vous que l’émotion suscitée par ces histoires peut éveiller les consciences face aux naufrages en mer ? 

MBOn la trouvait plutôt jolie raconte le parcours d’une femme qui quitte le Sahel pour rejoindre la France avec ses enfants, traversant la Méditerranée sur une embarcation pneumatique. J’ai voulu écrire un roman volontairement engagé, justement pour toucher des lecteurs qui d’ordinaire ne seraient pas allés sur ces thèmes. J’ai eu beaucoup de réactions de gens qui effectivement ont été sensibilisés à cette question, ou qui en tous cas ont appris des choses sur cette question. 

Dans J’ai dix ans… demain, une nouvelle pour le recueil Treize à table, j’évoque le naufrage d’une enfant dans la Manche. Cette nouvelle a beaucoup marqué les lecteurs, et ça me conforte dans l’idée que quand on fait appel à l’émotion des gens, ils sont en parfaite adéquation avec l’idée qu’on ne peut laisser mourir personne en mer. Je n’ai eu que des réactions de personnes qui m’ont remercié, parce qu’elles ont appris des choses à travers cette nouvelle, notamment sur les migrants. 

J’ai du mal à accepter que cette mer auprès de laquelle j’ai grandi puisse devenir un cimetière pour des milliers de migrants qui font la traversée pour aller en Angleterre, tout comme celles et ceux qui vivent près de la Méditerranée [n’acceptent pas ces morts aux portes de l’Europe].  

SOS – Quel message souhaitez-vous faire passer dans vos romans ?  

MB – Le message que j’essaie de faire passer dans mes romans et dans ce que je défends, c’est que les migrants ne sont pas des criminels, ce sont des héros. Ils n’ont commis aucun crime, ils veulent juste une vie meilleure. Et dans n’importe quel roman, ces femmes, ces hommes, ces enfants seraient des héros qui vont simplement croire en leurs rêves et sont capables d’aller au bout de ces rêves.  

Et je suis persuadé que, encore dans quelques années, nous aurons en France des célébrités – des sportifs, des artistes, des acteurs, des prix Nobel ou autres – qui diront moi, mes parents, ils sont venus en France dans une embarcation pneumatique et aujourd’hui je leur rends hommage. 

Il faut admettre que quelqu’un qui a fait preuve d’autant de volonté, de détermination, de force, mérite d’être accueilli. Je crois que c’est faire preuve non seulement d’humanité, mais aussi de bon sens.  

Environ 80 % des réfugiés sont accueillis dans des pays voisins et non pas dans les pays européens.

MICHEL BUSSI

SOS – Comment percevez-vous la gestion de cette crise humanitaire avec votre casquette de géographe ?  

MB – Il y a une phrase qui revient souvent : « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Cette phrase, elle est non seulement atroce, mais elle est fausse sur absolument tous les points.  

Associer les migrants à la misère du monde, c’est faux. Ils participent à la richesse de la France, ils participent même à son essor démographique, à son essor économique. D’autant plus qu’on sait bien que la misère du monde, elle est avant tout accueillie par les pays les plus pauvres. Environ 80 % des réfugiés sont accueillis dans des pays voisins et non pas dans les pays européens. 

Je crois fermement, en ma qualité de géographe, que se barricader est une erreur stratégique contraire à l’histoire. L’Europe n’arrivera jamais à se barricader. Et historiquement d’ailleurs, là où les États, les régions, les peuples qui ont cherché à un moment donné à se barricader et à s’enfermer sur eux-mêmes, ont fini par disparaître, ont fini par être envahis, ont fini par tomber. Une civilisation qui se barricade est une civilisation qui a accepté son propre déclin. 

Donc si mes convictions peuvent servir à faire quelque chose, c’est de vous demander de soutenir SOS MEDITERRANEE. Je crois qu’il n’y a pas de plus noble cause, qui nous mette plus en accord avec notre propre conscience, que simplement sauver des vies. Il faut se dire que si SOS MEDITERRANEE n’était pas là, plus de vies auraient été perdues. 

Crédit Photo en haut de page : Michel Bussi / SOS MEDITERRANEE

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