Formé.e.s pour sauver 
9 juillet 2024
Aujourd’hui, toute personne recrutée au sein de l’équipe de l’Ocean Viking doit suivre une formation rigoureuse afin d’être préparée à toutes les situations envisageables en matière de sauvetage de masse. Un travail de capitalisation de cette expertise unique qui est désormais proposée aux ONG et à d’autres équipes de sauvetage qui en font la demande.  

« À l’époque de l’Aquarius, il n’existait aucune formation spécifique pour ce que nous faisions, c’est-à-dire secourir des embarcations surchargées et en très mauvais état. Rien à voir avec le secours à un équipage dans un yacht privé ! Les équipements n’étaient pas non plus faits sur mesure. Avec mes collègues marins-sauveteurs et sauveteuses les plus expérimenté.e.s, nous avons dû conceptualiser tous nos processus puis produire les outils de formation » raconte Marc, responsable de la formation et du développement au sein du département des opérations de SOS MEDITERRANEE.  

« Même les équipements ont été entièrement repensés pour les risques spécifiques du sauvetage de masse », ajoute Max, responsable maritime, qui a mené le chantier de conception du nouveau canot de sauvetage rapide et participé à l’élaboration des formations. Max rappelle également que « seul.e.s des marins professionnel.le.s sont recruté.e.s au sein de l’équipe de sauvetage, car pour secourir des personnes dans un environnement aussi dangereux, il faut déjà pouvoir assurer sa propre sécurité ! »  

« Je crois que ce qui se rapproche le plus de ce que nous vivons aujourd’hui en Méditerranée centrale, ce sont les boat people de l’époque de la guerre du Vietnam dans les années 70.  Mais personne n’a capitalisé cette expérience. » 

Marc, responsable de la formation et du développement

Marin de métier, plongeur et sauveteur, Marc travaille sur les multiples scénarios qui peuvent se produire : essentiellement le risque de mort par noyade ou par écrasement. « Dans les barques en métal ou en bois par exemple, le risque de chavirer est accru ; dans les embarcations pneumatiques, très fragiles, s’ajoute le risque d’écrasement. Dans les deux cas, il s’agit de minimiser au maximum les pertes de vie en utilisant les méthodes de sauvetage correspondant à la situation spécifique, les bons équipements, et en agissant rapidement. La prise de décision est donc cruciale. »   

Déjà en 2018, sur l’Aquarius, chaque membre de l’équipe participait aux entraînements avant d’arriver sur la zone de sauvetage et ces process étaient ensuite transmis aux nouveaux membres de l’équipe de sauvetage par les plus ancien.ne.s… À droite, Marc participe à la formation sur les évacuations à l’aide d’un brancard. Crédits : Hara Kaminara/SOS MEDITERRANEE

Parmi les outils de capitalisation développés par SOS MEDITERRANEE, le Guide du sauvetage de masse en haute-mer, un ouvrage extrêmement pointu édité pour la première fois en 2019, doit être lu par l’équipe de sauvetage avant son départ en mission. L’ouvrage renferme des textes, des schémas élaborés en interne, des photographies de situations réelles…  « Les sauveteurs et sauveteuses doivent également suivre une série de modules en ligne », continue Marc, dans lesquels des vidéos, des quizz, une visite virtuelle du navire et bien d’autres outils permettent de se familiariser avec la mission de sauvetage et d’évaluer ses connaissances. Ces modules comprennent l’orientation sur le navire, la sécurité à bord, la recherche des embarcations en détresse, la communication radio et surtout, les bases du sauvetage de masse, de la procédure à suivre pour un « homme à la mer », en passant par des « situation complexes, avec plusieurs embarcations et des centaines de personnes en danger »…  

Mais si l’apport théorique est absolument crucial, l’entraînement à bord, en situation réelle, est indispensable pour que chaque geste devienne un réflexe. Florent, logisticien à bord, est membre de l’équipe post-sauvetage ; il ne monte pas sur les canots rapides comme sauveteur mais doit accueillir les personnes secourues par l’équipe de sauvetage dès leur arrivée sur le navire. Il est donc formé aux gestes de premiers secours, à la réanimation cardio-respiratoire, à traiter les hypothermies, etc. Il a également suivi avec application la formation sur la veille à la jumelle depuis le pont. « Le coordinateur adjoint au sauvetage nous a montré comment fonctionnaient les jumelles avec stabilisateur, les lunettes à vision nocturne, et surtout, il nous a expliqué ce que nous sommes censé.e.s voir lorsqu’on scanne l’horizon à la recherche d’embarcations en détresse. » La première fois qu’il a repéré une « cible », c’est-à-dire l’embarcation que nous recherchions, il a dû demander à son binôme de venir vérifier si ce qu’il croyait voir était bien réel : « j’étais sidéré quand je l’ai vue, l’embarcation était très proche de nous ! Au même moment, la coordinatrice de sauvetage a détecté quelque chose sur le radar. Il n’y avait plus de doute, il s’agissait bien d’un bateau en détresse ». 

Marc, responsable de la formation et du développement au sein du département des opérations, s’appuie sur l’expertise de ses collègues expérimenté.e.s pour capitaliser l’expertise. Crédit photo : Ania Gruca/SOS MEDITERRANEE

« Nous avons même dû inventer un vocabulaire spécifique ! » 

Pour les nouvelles recrues, la formation pré-embarquement permet de se préparer en amont, de manière à gagner du temps et de se concentrer sur les formations plus pratiques une fois à bord. Si Marc s’est surtout concentré sur la recherche et le sauvetage de masse, une discipline « pour laquelle nous avons même dû inventer du vocabulaire spécifique », il a également intégré « d’autres formations, par exemple sur le plan médical, qui peuvent s’appliquer dans d’autres situations mais qui comportent tout de même des spécificités. Par exemple, une réanimation cardio-respiratoire d’une personne noyée faite sur un canot de sauvetage ne se fait pas tout à fait de la même façon que sur la terre ferme ». En plus du module médical développé avec Dominika, responsable de l’équipe de soins, « nous travaillons à ajouter des modules sur la prise en charge de la santé mentale, ou encore la gestion des communications avec les autorités maritimes à la passerelle par exemple ».   

Marc rappelle que « ces formations sont évolutives et s’adaptent au contexte, car nous continuons de capitaliser à chaque mission ». SOS MEDITERRANEE est régulièrement sollicitée pour partager son expertise, y compris lors de formations sur mesure auprès d’autres ONG de sauvetage et d’autres types de navire.  

Photo en haut de page : Formation théorique pour les équipes de sauvetage. Crédits : Jérémie Lusseau/SOS MEDITERRANEE 

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