« Ses brûlures étaient si étendues, si douloureuses, que nous ne pouvions pas les traiter de manière sûre à bord de l’Ocean Viking : une évaluation chirurgicale était nécessaire. »
Sage-femme spécialisée dans la prise en charge des femmes vulnérables, Rebecca est, à 29 ans, responsable de l’équipe médicale à bord de l’Ocean Viking. Engagée dans l’humanitaire depuis cinq ans, elle a tour à tour travaillé en Irak, en Syrie, au Yémen, en Grèce et au Tigré avec MSF (Médecins Sans Frontières) avant de rejoindre l’équipe de SOS MEDITERRANEE. Elle explique dans cette courte interview les difficultés que posent les brûlures dues au carburant dont souffrent les rescapé.e.s et la nécessité de les dépister à chaque opération de sauvetage en mer.
1. Pouvez-vous expliquer en quoi consistent les brûlures au carburant ?
Dans le cadre de nos opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale, nous sommes très régulièrement confrontés à des situations où les personnes rescapées ont été exposées à un mélange de carburant et d’eau de mer salée. Ce mélange peut provoquer d’importantes brûlures cutanées au « troisième degré », aussi appelées brûlures « d’une épaisseur totale »*. Ces dernières sont particulièrement fréquentes chez les femmes et les enfants qui se trouvent souvent au milieu des embarcations en détresse, où le carburant s’est répandu sur le plancher et s’est mélangé à l’eau de mer salée.
2. Quelle peut être la gravité de ces brûlures ?
Les brûlures dues au carburant peuvent être très graves, en particulier lorsqu’elles sont étendues ou qu’elles touchent des zones délicates du corps comme les parties intimes. Il s’agit d’un phénomène malheureusement très courant. Dès leur arrivée sur l’Ocean Viking, les personnes secourues sont triées et le repérage d’une éventuelle odeur de carburant en est un aspect essentiel. Si nous percevons cette odeur âcre sur une personne, notre priorité absolue est de la faire se doucher avec du savon pour essayer d’éliminer le carburant. L’objectif est de faire cesser tout contact avec la peau afin d’éviter qu’il ne cause davantage de lésions. Ces brûlures peuvent être extrêmement douloureuses et, si elles ne sont pas traitées, peuvent défigurer les patient.e.s, laisser de profondes cicatrices et entraîner des douleurs chroniques.
3. Parmi les nombreux cas de brûlures de ce type que vous avez vus à bord, y en a-t-il un qui vous ait particulièrement marquée ?
Lors d’une patrouille précédente, nous avons dû évacuer d’urgence une rescapée car ses brûlures étaient si étendues, si douloureuses, que nous ne pouvions pas les traiter de manière sûre à bord de l’Ocean Viking : une évaluation chirurgicale était nécessaire. Des cas aussi graves sont heureusement peu fréquents, mais c’est une éventualité à avoir en tête. C’est pourquoi nous devons toujours nous montrer vigilant.e.s dans le dépistage des brûlures auprès de toutes les personnes que nous secourons.
* Avec ce type de brûlure « d’une épaisseur totale », toutes les couches de la peau – épiderme et derme – sont détruites, et les dommages peuvent même pénétrer la couche de graisse sous la peau.