Les moyens de sauvetage dépassés par la situation humanitaire dramatique en mer, à la frontière sud de l’Europe

Méditerranée centrale, le 26 août 2023 – Deux semaines seulement après la plus grande opération de sauvetage qui ait jamais été réalisée par le navire, l’équipe de l’Ocean Viking a une nouvelle fois constaté le manque criant de capacités de sauvetage en Méditerranée centrale. Jeudi et vendredi dernier, l’Ocean Viking, navire de sauvetage civil affrété par SOS MEDITERRANEE et géré en partenariat avec la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), a secouru un total de 439 personnes à bord de sept embarcations en détresse en Méditerranée centrale, et a également stabilisé et assisté de nombreuses autres embarcations.

Opérations du 24 août

La première opération de sauvetage a eu lieu jeudi après-midi dans les eaux internationales au large de la Libye. Deux bateaux en détresse ont été repérés depuis la passerelle de l’Ocean Viking presque simultanément. En l’absence de réponse de la part des centres de coordination des secours libyen et italien, l’équipe de sauvetage a dû procéder à l’évacuation des personnes naufragées, tout en tenant les deux centres informés à chaque étape.

L’après-midi même, l’Ocean Viking a été alerté de la présence d’une troisième embarcation en détresse par l’avion civil Seabird de l’ONG Sea Watch. Après de nombreuses tentatives de coordination par nos équipes, les garde-côtes libyens et les autorités italiennes ont accordé leur autorisation à l’Ocean Viking pour procéder au sauvetage.

Opérations du 25 août

« Le vendredi à l’aube, alors que nous nous dirigions vers le nord avec pour instruction de débarquer dans le port de Gênes les femmes, les hommes et les enfants secouru.e.s la veille, nous avons découvert la situation épouvantable qui prévalait en mer. Ainsi, dès les premières lueurs du jour jusqu’à la fin de l’après-midi, l‘Ocean Viking a été engagé dans de multiples opérations sans interruption », explique Albert, coordinateur des opérations de recherche et de sauvetage de SOS MEDITERRANEE à bord du navire.

« Dans certains cas, nous avons évacué les personnes rescapées directement vers les navires des garde-côtes italiens qui étaient aussi sur place ; dans d’autres cas, l’équipe de sauvetage de SOS MEDITERRANEE a stabilisé les embarcations en détresse, distribuant des gilets de sauvetage, de l’eau et de la nourriture, avant que les personnes rescapées ne soient évacuées directement par les garde-côtes italiens. À un moment, cinq embarcations en détresse ont pu être aperçues depuis l’Ocean Viking, certaines d’entre elles étant sur le point de couler », se souvient Albert.

Pendant ce temps, des navires des garde-côtes italiens étaient entièrement mobilisés et ont dû retourner au port pour débarquer les personnes rescapées, tandis que des embarcations de fortune de plus en plus instables continuaient d’apparaître.

« Ces derniers jours ont montré une fois de plus l’inadéquation de la réponse humanitaire en Méditerranée centrale », déclare Sophie Beau, directrice générale de SOS MEDITERRANEE France. « Bien que l’Ocean Viking ait porté secours à autant d’embarcations que possible, en coopération et en coordination avec les autorités italiennes, les besoins d’assistance dépassaient largement les moyens disponibles pour mettre fin aux pertes massives de vies humaines auxquelles nous continuons d’être confrontés en Méditerranée centrale : au moins 2 021 personnes sont mortes ou portées disparues depuis le début de l’année. 2023 est ainsi l’année la plus meurtrière en Méditerranée depuis 2017. C’est pourquoi nous continuons d’exhorter l’Union européenne et les États associés à prioriser la sauvegarde de la vie des personnes en détresse aux frontières méridionales de l’Europe, avant toute chose. Des moyens de sauvetage supplémentaires sont nécessaires de toute urgence. »

Selon Birgitte Bischoff Ebbesen, directrice régionale pour l’Europe et l’Asie centrale à la FICR, « Il est extrêmement inquiétant de constater que pour de nombreuses personnes, entreprendre le dangereux voyage sur la Méditerranée est la seule solution possible. Nous devons veiller à ce qu’il existe des voies d’accès plus sûres qui permettent aux gens de fuir la violence et d’accéder à une vie meilleure. Nous ne devons jamais oublier que les décès de migrants en mer peuvent être évités. »

Alors que l’Ocean Viking fait route vers le port de Gênes, lieu sûr de débarquement assigné par les autorités italiennes, le navire a été instruit de se rendre d’abord à Vibo Valentia, en Calabre dans le sud de l’Italie, pour débarquer une partie des personnes secourues jeudi et vendredi. L’Ocean Viking poursuivra ensuite sa route vers Gênes.

Crédit photo: Stefano Belacchi / SOS MEDITERRANEE