Face au silence de l’Italie, SOS MEDITERRANEE exhorte les autorités maritimes françaises à assigner un port sûr pour le débarquement des rescapés bloqués à bord de l’Ocean Viking depuis 18 jours

Marseille, 8 novembre 2022 – « La situation à bord de l’Ocean Viking a atteint un seuil critique. Nous sommes maintenant confrontés à des conséquences très graves, y compris des risques de pertes de vies humaines. Les rescapés et l’équipe sont épuisés physiquement et psychologiquement par plus de deux semaines de blocage en mer. Il s’agit désormais d’une urgence humanitaire nécessitant une réponse immédiate » alerte Sophie Beau, directrice générale de SOS MEDITERRANEE.

Certains des 234 rescapés sont à bord de l’Ocean Viking depuis 18 jours, après avoir été secourus en Méditerranée centrale, sur des embarcations impropres à la navigation et surchargées.  


Ces derniers jours et ces dernières heures, notre équipe a observé une détérioration drastique de la santé physique et mentale des femmes, des enfants et des hommes bloqués sur le pont de notre navire sans solution de débarquement.  
 
« L’équipe médicale observe un stress psychologique aigu chez les rescapés, avec des signes croissants d’anxiété, de dépression, d’insomnie et de perte d’appétit. Après avoir attendu si longtemps une réponse aux multiples demandes de lieu sûr, les rescapés perdent les dernières lueurs d’espoir et l’incroyable résilience dont ils ont fait preuve jusqu’à présent. Certains ont commencé à exprimer leur intention de sauter par-dessus bord par désespoir. Des incidents graves peuvent survenir à tout moment, mettant en péril la sécurité des rescapés et de nos équipes à bord », poursuit Sophie Beau, Directrice générale de SOS MEDITERRANEE. 
 

Après avoir demandé quotidiennement et à de multiples reprises la désignation d’un lieu sûr à tous les centres de coordination de sauvetage (RCC) les plus à même de nous aider, il est inexplicable qu’aucune solution n’ait pu être trouvée à ce jour. L’Ocean Viking a d’abord contacté les RCC maritimes responsables des régions de recherche et de sauvetage dans lesquelles nous avons mené les opérations (Libye et Malte). Face à un silence assourdissant, nous avons ensuite contacté, conformément au droit maritime, le RCC le plus à même d’assigner un lieu sûr, à savoir l’Italie.  

Mais le nouveau gouvernement élu a imposé une interdiction implicite et discriminatoire d’entrer dans les eaux territoriales à tous les navires de recherche et de sauvetage opérés par des ONG et, surtout, n’a pas attribué de lieu sûr malgré nos nombreuses demandes officielles. Cela nous a contraint à élargir à nouveau nos demandes d’assistance pour trouver un lieu sûr aux RCC les plus à même de nous aider, en France, en Espagne et en Grèce. Mais une fois de plus, pendant près d’une semaine, aucune réponse n’a été donnée à l’Ocean Viking.   

« Ces derniers jours, les lois maritimes et humanitaires ont été violées de manière flagrante en Sicile, avec la mise en œuvre de processus de débarquement sélectifs et discriminatoires des personnes secourues par les navires des ONG Humanity 1 et Geo Barents. Ces deux navires se sont vu refuser le débarquement sûr et complet de tous les rescapés. Une telle mesure n’est pas conforme aux dispositions des conventions et résolutions internationales maritimes et humanitaires régissant les opérations de recherche et de sauvetage », déclare Nicola Stalla, coordinateur des opérations de recherche et de sauvetage à bord du navire Ocean Viking. 

Tous les rescapés secourus d’une situation de détresse en mer sont vulnérables. Leur sauvetage n’est pas terminé tant qu’ils n’ont pas été débarqués dans un lieu sûr, ce que nie l’arrêté interministériel délivré à ces deux navires. Donner l’ordre aux navires de sauvetage de quitter les eaux territoriales italiennes alors que des rescapés sont toujours à bord, comme cela a été demandé au Humanity 1, met en péril la sécurité de ceux qui restent bloqués à bord. Trois rescapés empêchés de débarquer du Geo Barents ont sauté par-dessus bord en désespoir de cause, lundi 7 novembre.  

Face au silence de l’Italie et au caractère exceptionnel de la situation, l’Ocean Viking navire a maintenant élargi sa demande de lieu sûr à la France. L’Ocean Viking devrait arriver dans les eaux internationales près de la Corse le 10 novembre. Cette solution extrême est le résultat d’un échec critique et dramatique de tous les États membres de l’Union européenne et des États associés à faciliter la désignation d’un lieu sûr. Nous demandons instamment qu’une solution immédiate soit trouvée par le MRCC français pour les rescapés à bord de notre navire, l’Ocean Viking. 

« Cette situation doit cesser. Les rescapés ne peuvent pas être privés d’un débarquement en lieu sûr. Nous demandons – une fois de plus – aux gouvernements de travailler conjointement en tant qu’Etats membres de l’Union européenne et Etats associés, avec la Commission européenne, afin d’établir un mécanisme de débarquement prévisible en lieu sûr des rescapés, là où leur sécurité n’est plus menacée et où leurs besoins humains fondamentaux peuvent être satisfaits », Xavier Lauth, directeur des opérations de SOS MEDITERRANEE. 

NOTE AUX EDITEURS : 

  • Entre le 22 et le 26 octobre, le navire de sauvetage Ocean Viking a secouru 234 femmes, enfants et hommes, dont plus de 40 mineurs non accompagnés et quatre enfants de moins de 4 ans, trouvés en danger grave et imminent en mer, sur six embarcations impropres à la navigation et dangereusement surchargées. Trois des opérations de sauvetage ont été menées dans la région de recherche et de sauvetage (SRR) libyenne, les trois autres dans la SRR maltaise. 
  • L’Ocean Viking a informé les centres de coordination de sauvetage (RCC) concernés, en demandant des informations et une coordination à toutes les étapes de chaque opération de recherche et de sauvetage, et en demandant un lieu sûr après l’évacuation de chacune des embarcations trouvées en détresse. L’Ocean Viking n’a reçu aucune réponse positive.  
  • Depuis le 27 octobre, l’Ocean Viking a envoyé quotidiennement des demandes d’assistance pour trouver un lieu sûr pour les 234 rescapés au RCC le plus à même de les aider, qui se trouve en Italie. En vain.  
  • Depuis le 2 novembre, l’Ocean Viking a envoyé quotidiennement des demandes de coopération et de coordination pour l’identification d’un lieu sûr pour les 234 rescapés aux centres de coordination de sauvetage français, espagnol et grec, qui sont les RCC les plus proches et les plus à même de coordonner et de soutenir les RCC défaillants contactés précédemment. En vain. 
  • Aujourd’hui, le 8 novembre, le navire Ocean Viking a envoyé une demande de lieu sûr au centre de coordination de sauvetage français.  
  • Au moins 1 337 personnes ont été portées disparues sur la route migratoire de la Méditerranée centrale cette année, selon le projet « missing migrants » de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). La plupart des 88 000 personnes qui sont arrivées par la mer en Italie en 2022 ont été secourues par les garde-côtes italiens et d’autres navires de sauvetage dirigés par l’État italien ou sont arrivées de manière autonome. 15 % de ces personnes ont été secourues par des navires d’ONG. 

Extraits des conventions et résolutions maritimes internationales  

  • Extraits de l’obligation pour l’État responsable de la zone SAR de trouver rapidement un lieu sûr pour le débarquement : Convention SAR chapitre 3 § 3.1.9 : « La Partie responsable de la région de recherche et de sauvetage dans laquelle cette assistance est prêtée exerce la responsabilité première de veiller à ce que cette coordination et cette coopération soient assurées, afin que les rescapés assistés soient débarqués du navire assistant et conduits à un lieu sûr. » 
     
  • Obligation de coopération et d’assistance de tous les États en vertu du principe de solidarité avec l’État SAR : Convention SAR chapitre 3 § 3.1.9 : « Les Parties coordonnent et coopèrent pour faire en sorte que les capitaines de navires qui fournissent une assistance en embarquant des personnes en détresse en mer soient libérés de leurs obligations avec un minimum de déviation par rapport au voyage prévu du navire, à condition que la libération du capitaine du navire de ces obligations ne compromette pas davantage la sauvegarde de la vie en mer. »
     
  • Obligation de porter secours aux personnes en détresse en mer, jusqu’à leur débarquement en toute sécurité, sans discrimination : « L’obligation de prêter assistance s’applique quels que soient la nationalité ou le statut de ces personnes ou les circonstances dans lesquelles elles se trouvent. » (Convention SOLAS Chapitre V, Règle 33.1, 1974 (telle qu’adoptée en 2006) 
     
  • « 6.20. Toutes les opérations et procédures telles que le filtrage et l’évaluation du statut des personnes secourues qui vont au-delà de la fourniture d’une assistance aux personnes en détresse ne devraient pas être autorisées à entraver la fourniture de cette assistance ou à retarder indûment le débarquement des rescapés du ou des navires qui prêtent assistance. » RÉSOLUTION MSC.167(78) de l’OMI (adoptée le 20 mai 2004)