« C’est à 13 ans que j’ai découvert ce qui se passait en Méditerranée : les naufrages, les morts… Et j’étais choquée de savoir que dans cette mer où je me baignais depuis toute petite, il pouvait se passer des drames ! » Portrait d’une jeune fille décidée à agir, et bénévole depuis trois ans.
Qui a dit que les jeunes ne s’engageaient pas ?
Alors que ses vacances tirent à leur fin, Éloïse profite de ses derniers moments libres pour donner un coup de main au siège de SOS MEDITERRANEE avant son départ au Royaume-Uni, où elle entreprend sa licence en sciences politiques… à 16 ans ! Elle qui depuis trois ans a tenu le stand de SOS MEDITERRANEE dans maints festivals avec l’antenne de bénévoles de Marseille, a fait des séances de sensibilisation dans son lycée, a monté et démonté des expos… voilà qu’elle en redemande.
« Au siège, j’accomplis des tâches très variées ! Je réponds aux donateurs et donatrices par écrit ; je référencie des photos, je fais des recherches de journalistes, je regarde des ‘rushs’ vidéos d’opérations en mer pour les classer… » Cette tâche est particulièrement intéressante, confie-t-elle. « Je comprends mieux le déroulement d’un sauvetage, comment se passe l’approche des embarcations, la difficulté de hisser ces personnes épuisées sur la grande échelle du navire, la dangerosité des sauvetages par mauvais temps, la vie à bord… »
Histoires de migration… en héritage
Derrière un sourire timide, rapidement on décèle une maturité hors du commun. Pour Éloïse, s’engager aussi jeune avec une association de sauvetage en mer coulait de source, notamment en raison de son histoire familiale. « Mon grand-père est Vietnamien, il a dû fuir son pays pendant la guerre. Il n’est jamais retourné chez lui. »
L’horreur de la guerre je l’ai ressentie simplement à travers les silences de mon grand-père.
« En 3e, je me suis mise à faire des recherches sur les origines de notre famille. L’horreur de la guerre je l’ai ressentie simplement à travers les silences de mon grand-père – qui ne nous a jamais parlé de son exil. Mais cela a sans doute contribué à me donner encore plus envie de m’ouvrir à celles et à ceux qui ont vécu ce genre d’expérience traumatisante. »
La formation des bénévoles : source de légitimité pour Éloïse
Chez SOS MEDITERRANEE, on met un point d’honneur à ce que chaque bénévole puisse parler avec précision des opérations de sauvetage et du contexte géopolitique en Méditerranée. « Quand j’étais très jeune je me sentais illégitime de prendre la parole. Aujourd’hui j’ai 16 ans… je me sens plus légitime parce qu’au lycée j’ai étudié la science politique et j’ai un bagage, en plus de la formation donnée aux bénévoles de SOS MEDITERRANEE. »
Et la formation passe aussi par des séminaires des bénévoles et des présentations, y compris de la directrice et co-fondatrice, Sophie Beau. « Sophie m’a raconté aujourd’hui les débuts de l’association. Je ne savais pas les détails du blocage des ports italiens en 2018, la perte du pavillon de l’Aquarius à deux reprises, et surtout, comment une poignée de bénévoles a pu monter cette association à partir de zéro, trouver le financement citoyen, affréter un bateau, tout cela, c’est vraiment incroyable ! »
Régulièrement, les bénévoles à terre comme Eloïse sont aussi invité.e.s à visiter le navire et rencontrer les sauveteurs et sauveteuses. « J’étais tellement émue de monter à bord. J’ai tellement parlé de ce bateau au public ! J’avais vu des tonnes de vidéos, mais là, je le voyais de mes yeux ! »
Rencontrer des gens… et des enfants !
Lorsqu’on lui demande ce qui lui plaît le plus dans son rôle de bénévole, elle n’hésite pas une seconde : « J’aime rencontrer les gens. Quand on tient un stand, il y a toujours des personnes qui viennent nous voir et qui nous disent avoir été secourues par notre navire, ou avoir vécu une expérience similaire. Ils partagent leur histoire, c’est beau de voir que ces gens arrivent à se livrer comme ça ! ». Lors de la journée mondiale pour les réfugiés, en juin dernier, deux hommes l’abordent alors qu’elle tient le stand. « Ils m’ont raconté qu’ils avaient été secourus par l’Aquarius…Ça se sentait qu’ils étaient émus de voir des bénévoles. Moi j’étais fière de pouvoir représenter SOS MEDITERRANEE, qui avait permis de sauver ces gens-là ! »
Ça se sentait qu’ils étaient émus de voir des bénévoles. Moi j’étais fière de pouvoir représenter SOS MEDITERRANEE, qui avait permis de sauver ces gens-là!
Benjamine de l’antenne, la jeune Aixoise présente volontiers l’association aux enfants, « qui viennent plus facilement vers moi car je suis très jeune ». Et sans doute aussi perçoivent-ils sa douceur et son sens de la vulgarisation. Elle « leur explique que migrer, c’est partir de chez soi et aller habiter dans un nouveau pays. Certain.e.s voyagent en sécurité, quand d’autres prennent énormément de risques comme traverser le désert et même traverser la mer… tout cela est très dangereux. »
Éloïse se souvient d’un petit garçon qui avait six ans. Il a feuilleté durant 20 bonnes minutes le beau livre avec les photos des sauvetages… « C’était émouvant de voir un enfant comprendre ; je le voyais dans ses yeux qu’il avait été touché par cette réalité que nous-mêmes on a parfois du mal à appréhender. »
Un nouveau groupe de jeunes bénévoles engagé.e.s
Du haut de ses 16 ans, Éloïse abat une somme de travail considérable avec enthousiasme et beaucoup de rigueur. « Tout le monde est tellement engagé à SOS ! En plus, c’est sympa de voir autant de jeunes dans l’équipe qui travaillent avec envie, c’est très motivant ! »
Mais il n’y a pas que des jeunes parmi les bénévoles : « je rencontre des gens de tous horizons et de tous les âges ! Une fois, je suis montée sur un voilier pour SOS MEDITERRANEE avec Marie-Christine, qui est grand-mère. Ensuite, nous avons bu un verre avec une autre bénévole aussi retraitée. On discutait des naufrages en mer, on se racontait nos vies comme de vraies amies. »
Mais il y a aussi beaucoup de jeunes de 20-30 ans engagés avec l’association : « Nathaniel, à Marseille, Anna à Bordeaux, Hugo à Lyon, Valentin à Perpignan… » énumère-t-elle. Comme je fais partie d’un groupe de réflexion sur l’engagement et la fidélisation des bénévoles, j’aimerais mettre en place un projet pour créer davantage de contacts entre les jeunes, qui sont partout en France. » Et elle compte bien, depuis l’Angleterre, continuer à aider, notamment en fédérant ce nouveau groupe de jeunes bénévoles…
Bon vent, chère Éloïse !