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Décret Piantedosi et ports éloignés :  les graves conséquences de deux ans d’acharnement contre les navires de sauvetage 
10 avril 2025

Depuis la « déclaration de Malte »1 puis le « Code de conduite des ONG » en 2017, le harcèlement et la criminalisation des navires de sauvetage humanitaires en Méditerranée centrale n’ont fait que s’accentuer, allant totalement à l’encontre du devoir d’assistance à personne en danger édicté par le droit maritime. Avec le décret Piantedosi et la politique de « ports éloignés » du gouvernement italien en 2023, les effets sur la vie des personnes en détresse en mer sont encore plus dramatiques. Décryptage. 

Le 2 janvier 2023, le gouvernement italien a adopté un décret-loi controversé, connu sous le nom de « décret Piantedosi », qui met en œuvre des « dispositions urgentes pour la gestion des flux migratoires ».  

Depuis lors, après avoir porté assistance à des personnes en détresse, les navires civils de sauvetage doivent se rendre sans délai vers un « lieu sûr », abandonnant toute possibilité d’effectuer un deuxième sauvetage dans la même zone ou sur leur trajectoire, sous peine d’être condamnés à des détentions et à de fortes amendes. L’Ocean Viking, comme les autres navires humanitaires, a fait les frais de ce décret italien. Ainsi, le 9 février 2024, les autorités italiennes ont adressé un ordre de détention de 20 jours et une amende de 3333 € à nos équipes sur la base de fausses allégations des patrouilleurs libyens à la suite du sauvetage de quatre embarcations en détresse trois jours plus tôt dans des conditions extrêmes, et du débarquement des personnes rescapées dans le port de Brindisi. SOS MEDITERRANEE a alors contesté cette sanction auprès du Tribunal de Brindisi, qui en a référé à la Cour constitutionnelle italienne dans le but de vérifier si le décret Piantedosi était conforme à la Constitution. Au moment d’écrire ces lignes, le dossier suit toujours son cours.  

Les mesures restrictives du décret Piantedosi ont été renforcées, en décembre 2024, par l’adoption du décret-loi 145/2024 baptisé « décret sur les flux », qui prévoit davantage de sanctions envers les navires de sauvetage (notamment leur confiscation et des amendes allant jusqu’à 10 000 euros), ainsi que des entraves à l’encontre des avions humanitaires chargés de la recherche d’embarcations en détresse. Ces deux textes vont à l’encontre du droit maritime international en matière d’opérations de recherche et de sauvetage en mer.  

Au cours des deux années qui ont suivi l’entrée en vigueur du décret Piantedosi, 4 225 personnes ont perdu la vie en Méditerranée centrale 2 

Assignation de ports éloignés  

Afin d’entraver davantage les activités des ONG, les autorités italiennes ont, depuis 2023,  mis en place de nouvelles pratiques, notamment l’assignation de ports éloignés du lieu de sauvetage pour les débarquements. Les navires de recherche et de sauvetage sont ainsi obligés de parcourir de longues distances avant d’atteindre le port assigné, rallongeant parfois jusqu’à quatre jours le temps de navigation à l’aller seulement.  


Carte des ports assignés à l’Ocean Viking en 2024

Conjuguées avec les décrets italiens, les assignations de ports éloignés ont de lourdes conséquences... 
  • Diminution de la capacité de sauvetage en mer  

En 2022, avant l’adoption du décret Piantedosi, l’Ocean Viking secourait en moyenne 278 personnes à chaque patrouille.  Après le décret, cette moyenne est tombée à 143 en 2023 et à 114 en 2024. 

  • Souffrances prolongées pour les personnes rescapées 

La pratique consistant à assigner des ports éloignés aggrave les conditions physiques et mentales des personnes secourues en retardant leur débarquement en lieu sûr, alors qu’elles ont subi une éprouvante traversée de la Méditerranée et de multiples exactions lors de leur parcours migratoire.   

  • Augmentation des coûts opérationnels en mer  

Sur deux ans, ces pratiques ont occasionné, pour l‘Ocean Viking seulement, une dépense supplémentaire de plus de 1,3 million d’euros en carburant pour atteindre les ports assignés. 

SOS MEDITERRANEE demande aux autorités italiennes :  
  • de reconnaître et de faire respecter l’obligation légale de secourir toute personne en détresse en mer, conformément au droit maritime international ;   
  • d’abroger le décret-loi 1/2023 (décret Piantedosi) et le décret-loi 145/2024 (décret sur les flux), en levant les restrictions qui entravent les opérations de sauvetage ;   
  • de respecter le droit international énoncé dans les principales conventions maritimes, en assignant un lieu sûr de débarquement aussi proche que possible du lieu de sauvetage, afin de réduire le temps passé à bord par les personnes secourues.  


QUELQUES CHIFFRES  

Depuis décembre 2022, les mesures décrétées par le gouvernement italien ont engendré pour les ONG 

  • 735 jours de navigation inutile (dont 171 pour l’Ocean Viking) 
  • 275 000 kilomètres de navigation pour atteindre des ports de débarquement éloignés  
  • 26 ordres de détention à l’encontre d’ONG de recherche et de sauvetage 
  • 535 jours de détention pour les navires civils de sauvetage  


[1] https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2017/02/03/malta-declaration/

[2] Organisation internationale pour les migrations (OIM)

Photo : Claire Juchat/SOS MEDITERRANEE 
Carte: SOS MEDITERRANEE

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