Le Murmure de la mer, une BD d’Hippolyte
4 avril 2024
Le 4 avril, les éditions Les Arènes publient Le Murmure de la mer, une œuvre du reporter graphique Hippolyte qui plonge au cœur de l’humain. « C’est le murmure de ces gens qui traversent la Méditerranée ; ce murmure qu’on essaie de ne pas entendre, mais qui est toujours là. Un murmure d’une beauté infinie, qui est fait d’espoir. »  

Crédit images vidéo : Editions Les Arènes

Hippolyte, qui est monté comme reporter sur l’Ocean Viking en 2021, revient dans cette vidéo sur sa démarche et « le reportage le plus dingue de [sa] vie », raconté dans « Le Murmure de la mer ». Il a décidé de reverser la moitié de ses droits d’auteur à SOS MEDITERRANEE et participera à de nombreux événements de sensibilisation avec les bénévoles de l’association. « Une journée à bord de l’Ocean Viking, ça vaut 24 000 €. Si je peux aider un tout petit peu, je le fais autant que je peux. » 

Ce projet de faire une BD sur la crise humanitaire en Méditerranée, Hippolyte l’a longuement mûri. « Je suis le travail de SOS MEDITERRANEE depuis sa création, en 2015, après l’opération Mare Nostrum lancée par les autorités italiennes pour porter secours aux migrants1. En un an, les autorités italiennes avaient sauvé 150 000 personnes en mer. Sauf que beaucoup de voix se sont élevées à l’époque, notamment de l’extrême droite. Et l’opération s’est arrêtée. » 

En 2020 il doit embarquer sur l’Ocean Viking mais la patrouille est annulée, alors que le Covid est encore omniprésent : « il n’y a plus d’avions, il n’y a plus de bateaux, il n’y a plus de transports. Tout le monde reste chez soi et pour la première fois, l’Europe se rend compte qu’elle ne peut pas voyager comme elle veut. Mais pendant ce temps-là, les migrants continuent de partir. Pendant six mois, il n’y a personne en mer à part les embarcations de migrants qui parviennent à atteindre les plages et des corps qui sont repêchés en Tunisie, en Italie, un peu partout. »  

« C’est ce cynisme-là et cette horreur perpétrée par l’Europe qui a transformé la mer Méditerranée non pas en cimetière, mais en fosse commune. » 

Dès que la crise sanitaire se résorbe, l’Ocean Viking reprend du service. C’est alors que les autorités italiennes bloquent le navire à quai « parce qu’il a sauvé trop de vies, ce qui est d’un cynisme absolu. Et en fait, c’est ce que je montre dans la BD. C’est ce cynisme-là et cette horreur perpétrée par l’Europe qui a transformé la mer Méditerranée non pas en cimetière, mais en fosse commune. Et le murmure, c’est le murmure de ces gens qui traversent la Méditerranée (…) . C’est aussi le murmure des sauveteurs, des gens qui sont à bord, des gens qui sont à terre aussi et qui se battent pour nous rendre notre dignité et redonner un peu d’humanité à ce monde. Donc, c’est ce mur, ce Murmure-là que je raconte dans la bande dessinée Le Murmure de la mer. » 

Hippolyte doit donc rentrer chez lui, à La Réunion, sans avoir pu réaliser son reportage. Ce n’est qu’en 2021 qu’il pourra finalement embarquer pour une durée de deux mois sur « cet îlot d’humanité ».  

« C’était un des plus beaux moments de ma vie » 

Après avoir suivi tous les entraînements, il réalise sa première opération à bord d’un canot de sauvetage. « Dans cette embarcation, il y a 20 bébés ! Je me retrouve avec l’un d’eux dans les bras, il a deux mois ! Je suis moi-même papa d’un gamin, donc évidemment, je pense à mon fils… Puis tous les autres enfants arrivent dans le canot, je dois leur mettre leur gilet de sauvetage, les sécuriser… Ce bébé est très calme et c’est lui qui m’apaise, alors que moi je n’arrête pas de chialer ! Mais au bout d’un moment, comme il est séparé de sa maman, il commence à hurler. Et moi, je n’ai rien d’autre que mon doigt qui caresse sa joue et qui va se mettre dans sa bouche…  J’ai ce réflexe-là, sans doute parce que je suis papa. Et je crois que c’est un des plus beaux moments de ma vie. » 

« Avec l’amour, on peut tout  ! » 

Ce jour-là, 440 personnes seront secourues par les équipes de SOS MEDITERRANEE. « Moi, en tant que reporter, j’ai envie de connaître les gens. Je raconte la grande histoire en passant par la petite ». Le voilà qui s’assoit près d’un homme qui tient précieusement quelque chose à la main et lui demande ce que c’est.  « Ça, ce sont des bijoux pour ma femme. Elle est en Italie ; elle est partie il y a un an. On ne pouvait pas payer la traversée pour deux, donc j’ai payé pour elle et moi je suis resté en Libye en espérant repartir un jour. » L’homme y est parvenu. Mais il a perdu toute trace de sa femme. Hippolyte pense en lui-même qu’il n’a aucune chance de la retrouver. « Et lui, il me regarde tout sourire en disant : ‘’Avec l’amour, on peut tout !’’ Il n’y a pas que des histoires dramatiques, il y a aussi des belles histoires. » 

Hippolyte est « rentré totalement effondré après ce reportage », ne pouvant s’empêcher de penser au drame qui se poursuit en mer et aux milliers de morts, des femmes, des hommes et des petits bébés, les mêmes qu’il a côtoyés. « Et le drame va continuer parce qu’on ne fait que monter de nouveaux murs. En fait, le mur Méditerranée, ce n’est pas une image, c’est réel. L’Europe construit des murs partout pour empêcher les gens d’entrer, mais ça ne les empêche pas d’entrer, ça crée juste du danger et des morts. » 

Pourtant, s’il y a une chose qu’Hippolyte retient après cette expérience, c’est que « Sauver nous sauve, et qu’il n’y a rien de plus beau et de plus humain ». 

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1 NDLR : l’opération Mare Nostrum s’est déroulée d’octobre 2013 à octobre 2014.  


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