Achref est marin-sauveteur sur l’Ocean Viking. Il exprime sa colère face à la détention du navire en vertu du décret-loi italien du 2 janvier 2023, dit « décret Piantedosi ». Ce décret stipule que les navires humanitaires doivent regagner le port désigné par les garde-côtes italiens immédiatement après chaque sauvetage… Quitte à enfreindre le droit maritime si d’autres embarcations en détresse sont signalées.
Lorsque j’ai appris que le navire était détenu par les autorités italiennes, j’ai ressenti de la déception et de la colère. D’abord de la colère, car le décret italien contredit le droit maritime. J’étais fier d’avoir secouru ces personnes et ensuite déçu que l’Ocean Viking soit détenu pour avoir sauvé ces vies. Émotionnellement ça a été les montagnes russes.
« Voir toutes ces personnes pleurer après les avoir secourues m’a beaucoup touché. »
J’étais fier parce que c’était mon devoir de secourir et de prendre soin des personnes en détresse en mer. Nous étions le seul moyen [de sauvetage] sur place et nous avons réagi sans délai pour répondre à cet appel de détresse. Voir toutes ces personnes pleurer après les avoir secourues m’a beaucoup touché. J’étais encore plus fier lorsque nous les avons débarquées dans un lieu sûr. Il est inacceptable d’être détenu pour faire ce qui est juste. Pour moi, ce décret est inacceptable. Je ne sais pas combien de temps nous continuerons à craindre d’être à nouveau détenus à chaque fois que nous secourons des personnes…
Nous attendions la décision finale toute la journée après une nuit de débarquement où nous avons à peine dormi. Luisa, la coordinatrice de la recherche et du sauvetage, est entrée dans la salle commune pour nous informer avec une grande tristesse de la détention. Elle était également en colère, il lui avait fallu du temps pour se calmer et nous informer de la décision. Nous nous sommes dit que nous avions fait ce que nous devions faire, sauver ces personnes. Légalement et moralement, c’était la bonne chose à faire. À ce moment-là, je regardais les visages de mes collègues. Tout le monde semblait tellement dépassé, comme si on venait de recevoir un coup de poing. L’équipage était choqué, nous sommes resté·e·s sans parler pendant un moment. Mais encore une fois, nous avons conclu que rien ne nous éloignerait de notre mission, de ce pour quoi nous sommes là, et que nous retournerions en mer dès que possible pour répondre aux appels de détresse en Méditerranée centrale.
Crédit photo haut de page: Laurence Bondard / SOS MEDITERRANEE