Samuel* 17 ans a été secouru le 26 juin 2022 par l’Ocean Viking lors de sa 2e tentative de traversée de la Méditerranée. Il avait d’abord été intercepté par les garde-côtes libyens puis emprisonné. Il raconte les violences subies dans les centres de détention en Libye.
En 2010, pendant la crise en Côte d’Ivoire, j’ai perdu mon père. Après son décès, je n’avais plus personne pour s’occuper de moi. Je ne suis jamais allé à l’école de ma vie. J’ai appris à parler français avec mes amis qui étaient éduqués. En grandissant, j’ai réalisé que je n’aurai pas d’avenir dans mon pays alors j’ai pris la route vers la Libye pour aller travailler. J’ai traversé le Mali puis l’Algérie en passant par le désert et je suis arrivé en Libye. J’y suis resté deux ans mais la vie était extrêmement dure et violente. C’est pour cela que j’ai décidé de traverser la Méditerranée, pour venir gagner ma liberté parce qu’en Libye il n’y a pas de liberté.
La première fois que j’ai traversé la mer, des personnes avec qui je voyageais sont mortes. Les conditions étaient horribles. Les vagues étaient énormes. L’eau était froide. Notre embarcation a fini par être intercepté par les gardes côtes libyens. J’ai été envoyé en prison et au bout de quelques semaines, j’ai été transféré dans une autre.
Mes cicatrices au bras et à la tête sont arrivées quand j’ai essayé de m’enfuir pendant le transfert entre les prisons. Les gardes m’ont rattrapé et m’ont frappé. Il y avait quatre gardes libyens qui nous ont fait rentrer dans une maison. Il y en a un qui avait un couteau, d’autres avaient des armes. Ils nous ont tabassé jusqu’à nous coucher par terre. On était gravement malade. J’ai perdu beaucoup de sang ce jour-là. Mes cicatrices me font encore mal, au niveau des nerfs. Parfois je m’arrête devant le miroir pour me regarder, j’ai les larmes aux yeux. Je n’ai rien fait pour mériter ce genre de vie, mais en Libye il n’y a pas de loi, tout le monde a des armes.
Pour monter à bord du bateau en Libye, on a d’abord marché pendant 4 kilomètres avant d’atteindre la mer. Il y avait des femmes enceintes, des malades. Après plusieurs heures, quand j’ai vu l’Ocean Viking, je n’ai pas dit un seul mot tellement j’étais heureux. J’ai compris que je retrouvais ma liberté. Que j’étais en sécurité.
*Le nom a été changé pour protéger l’identité du rescapé.
Entretien recueilli par Lucille Guenier à bord de l’Ocean Viking, en juillet 2022.