Un portrait

Une histoire

Moinul*

Bangladesh

Pays d'origine

29 ANS

Âge

27/12/2023

Date de sauvetage

Moinul* a été secouru d’une embarcation en détresse le 27 décembre 2023 par l’Ocean Viking. C’était sa troisième tentative de traversée. Sa famille a vendu sa terre et contracté une dette de 45 000 euros, une fortune dans ce pays, pour réussir à le faire libérer.  

 

Quand j’étais au Bangladesh, j’ai été la cible d’une communauté rivale qui cherchait à se venger des problèmes qu’elle avait avec mon cousin. Ces disputes durent depuis la génération de mes grands-parents. 

Je craignais pour ma vie et quelqu’un m’a dit que je pouvais partir en Europe dans la semaine pour 15 000 euros (le salaire moyen d’un fonctionnaire est de 60€/mois). J’ai décidé de partir et j’ai pris un premier vol pour Dubaï, puis pour Alexandrie en Égypte, avant d’arriver en Libye.  

La situation dans le premier centre de détention était horrible. Nous recevions deux morceaux de pain par jour et il y avait jusqu’à 60 personnes qui faisaient la queue pour utiliser les toilettes. Je devais payer l’autre moitié de la somme totale pour le bateau vers l’Europe. Pour obtenir cet argent, j’ai contacté mon père, qui a vendu son terrain. Après avoir obtenu suffisamment d’argent, j’ai été transféré dans un deuxième centre. Un jour, la mafia libyenne a fait une descente dans le camp et nous a demandé 10 000 euros. Mon père est devenu tellement furieux qu’il a accusé ma mère [d’être responsable de ce malheur] et l’a chassée de la maison. 

J’ai obtenu assez d’argent pour payer une place sur une embarcation pour l’Europe, mais une fois sur la plage, nous avons été vendu.e.s à un autre groupe mafieux. Une fois de plus, ils ont demandé plus d’argent, mais ma famille n’y arrivait pas, alors j’ai été battu 50 fois tous les matins et tous les soirs. 

Ils ont envoyé à ma mère une vidéo de moi en train d’être battu. Elle a perdu la tête en me voyant traité de la sorte. Elle a essayé de vendre son rein pour gagner assez d’argent pour obtenir ma libération. Bien que ma mère soit toujours exclue de la maison, certaines personnes ont convaincu mon père de vendre notre maison à la place. 

Après cela, j’ai décidé de me suicider pour ne plus être un tel fardeau pour ma famille. J’ai voulu me pendre dans le centre de détention, mais le plafond s’est effondré et je ne suis pas mort. Cela a réveillé les gens et les gardiens. Ils m’ont traité encore plus mal après cela.  

Ils ont recontacté la famille pour obtenir 3 000 euros supplémentaires et je ne sais pas comment, mais ils ont réussi à envoyer la somme. J’ai finalement pris la mer, mais notre embarcation a été interceptée dans les eaux maltaises. J’ai de nouveau été envoyé dans un centre de détention. 

Un homme s’est présenté et a demandé qui voulait être libéré. J’ai dit oui et il m’a emmené avec lui. Mais il m’a dit qu’il avait payé 4 000 euros pour ma libération et que je devais le rembourser. On m’a alors remis à un Bangladais. Il avait une prison privée et a contacté ma famille pour obtenir de l’argent. Je ne sais pas comment ils ont fait, mais ils ont fini par envoyer ce qu’il demandait. Après ma libération, j’ai pris contact avec un passeur, connu pour organiser des voyages réussis vers l’Europe. Il m’a demandé 8 000 euros pour le bateau vers l’Europe. Mes parents se sont organisés pour m’envoyer cette somme avec l’aide de voisins et de la communauté qui ont contribué. J’ai pris la mer une deuxième fois, puis j’ai été intercepté une deuxième fois. J’ai été ramené en détention, mais le passeur a fini par me libérer et m’a envoyé sur une autre embarcation. C’est ce voyage qui m’a conduit à l’Ocean Viking. 

Ma famille a maintenant une dette de 45 000 euros. Dans mon pays, le salaire mensuel moyen d’un fonctionnaire est d’environ 60 euros par mois. 

 

Lire le récapitulatif de cette mission lors de laquelle 244 personnes ont été secourues lors de trois opérations de sauvetage le 27 décembre 2023.  

 

Photo et témoignage par Alisha Vaya à bord de l’Ocean Viking en décembre 2023 

* Le nom a été modifié pour protéger l’anonymat du rescapé. 

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