Secouru par les équipes de l’Ocean Viking fin octobre 2024, Menes*, un Égyptien de 40 ans, souffre d’une maladie cardiaque. Dans son pays d’origine, il n’avait plus les moyens de se faire soigner : il a donc décidé de partir travailler en Libye, où il a été torturé à plusieurs reprises. Il n’avait d’autre choix que de s’enfuir par la mer.
En Égypte, j’étais boulanger. Cela n’a jamais suffi à faire vivre décemment ma famille. Je souffre d’une maladie cardiaque qui m’a empêché d’exercer un autre métier. J’ai subi deux opérations chirurgicales et je dois prendre régulièrement cinq médicaments différents. À un moment donné, je n’avais plus les moyens de payer ces médicaments. Ils étaient difficiles à trouver et trop chers. J’ai décidé de partir en Libye pour gagner de quoi payer mon traitement, bien que mon médecin m’ait déconseillé de travailler à cause de ma santé fragile.
Lorsque je suis arrivé en Libye, j’ai suivi des personnes qui m’ont fait miroiter une bonne opportunité de travail. Mais finalement, elles m’ont placé en détention** et ont demandé une rançon pour me libérer. J’ai été contraint d’appeler ma femme qui a dû vendre notre maison pour payer ma libération.
Peu après avoir recouvré ma liberté, j’ai été kidnappé dans la rue par des hommes armés qui m’ont fait monter dans une voiture et m’ont emmené dans un endroit où d’autres personnes étaient retenues. Ils me demandaient de l’argent pour me libérer. Ils m’ont beaucoup torturé. Ils m’ont coupé une partie de l’orteil et du doigt avec une machette. J’ai dû emprunter de l’argent à huit personnes différentes pour les payer et être libéré.
Après ma libération, je me suis dit que le seul moyen d’échapper au danger était de quitter la Libye le plus rapidement possible. J’ai entendu parler d’un passeur qui pouvait m’emmener en Europe, et j’ai dû payer plusieurs milliers de dollars supplémentaires pour prendre la mer.
Lorsque j’ai vu la minuscule embarcation qui était censée me transporter avec 24 autres personnes, je n’ai pas cru que nous pourrions passer à travers les grosses vagues. Je me suis dit qu’au moins, si je mourais, je n’aurais pas à rembourser tout l’argent que j’avais dû emprunter.
À bord de l’Ocean Viking, j’ai été reçu en consultation médicale pour la première en quatre ans. J‘avais du mal à croire que, finalement, un médecin prenait soin de moi. Aujourd’hui, je voudrais seulement pouvoir prendre le médicament pour mon cœur et enfin rencontrer mon plus jeune enfant, qui est né quand j’étais déjà parti pour la Libye.
Lire le récapitulatif de cette opération de sauvetage
* Le nom de ce rescapé a été modifié pour préserver son anonymat.
** Les personnes que nous secourons désignent habituellement les centres de détention libyens, qu’ils soient officiels ou clandestins, par le terme de « prison ».
Crédit photo : Camille Juan Martin / SOS MEDITERRANEE