Un portrait

Une histoire

Chourouk

Liban

Pays d'origine

27/12/2023

Date de sauvetage

« Nous avons décidé de partir pour pouvoir soigner l’une de nos filles. Mais elle est décédée avant notre arrivée. » 
Chourouk et sa famille viennent du Liban. Elle a quitté son pays avec son mari et ses quatre enfants, passant par l’Égypte puis par la Libye. Elle a traversé la mer à bord d’une embarcation en bois avant d’être secourue par l’équipe de l’Ocean Viking le 27 décembre 2023, avec 101 autres personnes.

 

 

Leur petite fille, Line, témoigne de la difficile traversée de la Méditerranée à bord de cette embarcation surchargée, et de leur éprouvante rencontre avec les garde-côtes libyens. « Nous sommes parti.e.s en avion pour la Libye. Nous sommes resté.e.s six jours à attendre dans une maison, puis nous avons reçu un appel disant qu’il était temps de partir. Nous sommes arrivé.e.s sur la plage, il y avait tellement de monde là-bas. Ensuite, en mer,, l’embarcation tanguait beaucoup. Nous avons presque chaviré. Les gens se bousculaient. Et puis, un bateau libyen est arrivé et tout le monde a commencé à crier. Ma mère et mon père aussi parce qu’ils nous visaient avec leur arme. Et puis vous êtes arrivé.e.s et nous avons tou.te.s commencé à pleurer. Ma mère était tellement effrayée. »

 

Chourouk et son mari ont décidé de quitter le Liban car leurs revenus ne suffisaient pas à payer les soins pour leur fille, en situation de handicap. Malheureusement, leur fille est décédée avant leur arrivée. « Nous avons décidé de partir pour pouvoir soigner notre fille. Mais, que Dieu ait son âme, elle est décédée avant que nous ne puissions arriver.  Notre fille est décédée l’année dernière. Elle était porteuse d’un handicap et avait besoin d’un traitement. C’était la sœur jumelle de Line. Et Line a commencé à avoir des problèmes avec ses dents et sa mâchoire à cause du stress de voir sa sœur dans cet état. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour payer le traitement, mais elle avait toujours besoin de plus de soins et nous ne pouvions pas nous le permettre. Mon mari part travailler à 7h du matin et rentre à 22h le soir. Et il gagne 150 dollars par mois. Notre fille ne pouvait être nourrie qu’avec du lait. Un seul « pack » de lait coûtait 450 000 livres libanaises {30 $ US¤} et elle avait besoin de trois « packs » par semaine. Elle ne pouvait rien manger d’autre.  Maintenant nous voulons protéger les enfants qui nous restent. »

 

Les enfants sont sur le pont et discutent entre eux, en attendant d’accoster à Bari, en Italie.  La fratrie observe les autres bateaux au large, et se demande s’ils auraient pu eux aussi leur porter secours.  

– « Vous pensez que ce bateau est allemand ? Ou italien ?
– Je ne sais pas… Peut-être qu’il part, peut-être qu’il revient.
– Ou peut-être même qu’il est chinois.
– Mais vous pensez qu’il peut sauver des gens comme nous ?
– Bien sûr ! Qu’est-ce que tu en penses ?  Celui-ci est bien plus grand que le nôtre.
– Bilal, tu crois que c’est le même bateau bleu que nous avons vu pendant la traversée ?
– Celui qu’on pensait qu’il nous aiderait ?
– Non, celui-là était encore plus grand ! Et il portait le drapeau libyen. »

 

Crédit Photo Camille Toulmé / SOS MEDITERRANEE


Le couple souhaite rejoindre l’Europe pour travailler et avoir les moyens de pouvoir soigner leurs enfants. L’Europe ne délivrant que très peu de visas, ils ont été obligés de voyager de manière illégale et de risquer leur vie et celle de leurs enfants.
 « Nous aurions pu payer pour obtenir un visa. De toute façon, nous avons dû vendre la maison pour payer ce voyage. Nous possédions une maison, mais pas de travail. Nous avions la maison mais pas les moyens pour la remplir. Ni de nous soigner, ni de nous protéger, ni quoi que ce soit d’autre. Si nous pouvions nous permettre ce passage illégal financièrement, nous aurions également pu nous permettre d’aller en Europe de manière légale. Ici, nous avons dû payer de 7 000 à 8 000 $ US (parfois c’est moins cher pour les enfants). Pourquoi l’Europe ne nous laisse-t-elle pas venir de manière normale ? Nous venons pour travailler, pas seulement pour être des personnes réfugiées. Mais non, pour vivre en Europe, nous devons passer par la mer, risquer nos vies et celles de nos enfants. »

 

Chourouk attend un autre enfant. Elle se confie à Meliya, sage-femme à bord de l’Ocean Viking, lors d’une échographie de contrôle.  « Nous ne voulions pas avoir un autre enfant. En fait, je prends la pilule contraceptive. Je ne voulais pas d’autres enfants. J’avais assez de problèmes avec la mort de ma fille et de devoir prendre soins de mes autres enfants. Mais la vie en a décidé autrement. Je fais tout ce que je peux pour ne pas accoucher avant d’arriver. De Beyrouth à l’Égypte et ensuite de l’Égypte à la Libye, je me sentais mourir. Je pensais que j’allais mourir avant l’arrivée de l’enfant. Et puis quand nous sommes arrivé.e.s sur cette embarcation, j’étais sûre de ne pas pouvoir le retenir. »

 

Malgré son jeune âge et les nombreuses épreuves qu’elle a traversées, Line garde son innocence et sa joie de vivre. La petite fille imagine déjà sa vie future en Allemagne.  « En Allemagne, l’école a l’air géniale. Je pourrai apprendre et étudier. Quand je serai grande, je veux devenir dentiste. »

 

Crédit Photo : Alisha Vaya / SOS MEDITERRANEE


Chourouk a donné naissance à une petite fille trois jours plus tard, en Allemagne. La famille a décidé de l’appeler Meliya, du nom de la sage-femme de l’
Ocean Viking.

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Crédit photo en haut de page : Alisha Vaya / SOS MEDITERRANEE

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