Un portrait

Une histoire

Bashar* et Muhammed*

Syrie

Pays d'origine

19/09/2021

Date de sauvetage

Bashar* et Muhammed*, Syriens, ont été secourus par l’Ocean Viking le 19 septembre 2021, d’une embarcation en bois surchargée en détresse aux côtés de 56 autres personnes. L’embarcation a d’abord été localisée et assistée par le voilier Nadir de l’ONG ResQship avant l’arrivée sur place de l’équipe de sauvetage de SOS MEDITERRANEE. Les deux cousins expliquent leur fuite de la guerre en Syrie il y a huit ans, et le cycle de violence subi en Libye.

Sur le pont de l’Ocean Viking, Bashar et Muhammed cherchent un endroit à l’abri des regards des 121 autres personnes rescapées pour raconter une partie du calvaire qu’ils ont vécu. « Nous avons quitté la Syrie il y a huit ans à cause de la guerre. Nous sommes d’abord allés au Liban, qui est un pays voisin. Mais il y avait beaucoup de racisme contre les Syriens là-bas », commence Bashar, « La vie est redevenue trop dangereuse pour nous. Alors, nous avons décidé de partir. »  

Les deux cousins ont passé trois mois et demi en Libye où ils racontent avoir été « très mal traités ». Tous deux affirment avoir été menacés de mort à de multiples reprises : « Il y avait beaucoup de milices qui sortaient leurs armes et nous menaçaient. Ils pointaient leur arme sur nous. Sans que nous sachions pourquoi. Ils agissaient juste comme ça. »   

Les deux jeunes hommes ont tenté de fuir la Libye par la mer une première fois avant d’être secourus par l’Ocean Viking. En juillet 2021. « La première fois que nous avons essayé de traverser la Méditerranée, les garde-côtes libyens nous ont interceptés. Nous avons été renvoyés en Libye et emmenés dans une prison**. Ils nous ont dépouillés de tout ce que nous avions, même des choses qui n’avaient aucune valeur. Il n’y avait presque pas de nourriture, et beaucoup de violence. Tout le monde était battu, parfois jusqu’à ce que les gens perdent connaissance. Il y avait beaucoup de sang. Ils utilisaient tous les outils qu’ils pouvaient trouver pour nous battre. » Muhammed a visiblement été profondément marqué par cette épreuve : « Le temps passé en prison m’a plus impressionné que le voyage en mer. C’était un endroit pour 200 personnes avec 400 personnes à l’intérieur qui étaient affamées, souvent battues et harcelées. »  

Pour retrouver leur liberté, les deux cousins, leurs proches et leurs amis ont dû payer : « Je n’ai pu quitter la détention que parce qu’un membre de ma famille a payé pour me faire sortir », raconte Bashar. « Les gens à l’intérieur du centre de détention sont en train de mourir », ajoute Muhammed. « Quand je suis parti, j’ai entendu dire qu’un homme avait tenté de s’échapper et avait été abattu. Entendre quelque chose comme ça peut sembler incroyable, mais comme nous savons comment ils traitent les gens dans ce centre de détention, pour moi, il n’est pas improbable que les gardes tirent simplement sur les gens. »   

On nous a dit que le bateau serait en bon état, avec des gilets de sauvetage et des provisions, mais ce n’était pas vrai.

Bashar, Muhammed et les 56 autres personnes trouvées dans l’embarcation en bois en détresse ont passé 22 heures en mer, sans nourriture ni eau. Dans les dernières heures avant leur sauvetage par les équipes de SOS MEDITERRANEE, ils sont tombés en panne de carburant et la mer est devenue de plus en plus agitée. « Nous étions à bout de souffle », explique alors Bashar. Les personnes à bord ont essayé d’appeler le centre de coordination maritime italien avec un téléphone satellite mais ont « entendu des Libyens communiquer » et se sont arrêtées dans leur élan de peur d’être interceptées et renvoyées en Libye.  

La première fois qu’ils ont essayé de fuir la Libye par la mer, il a été dit à Muhammed et Bashar qu’ils embarqueraient sur une embarcation adaptée, avec tous les objets indispensables. « On nous a dit que le bateau serait en bon état, avec des gilets de sauvetage, de l’eau et de la nourriture, mais ce n’était pas vrai », raconte Bashar.   

La deuxième fois, Bashar savait que l’embarcation serait en mauvais état, mais il a quand même décidé de tenter de nouveau de fuir la Libye par la mer. « Avec mon cousin, nous nous sommes dit que ce serait notre dernière tentative. Nous avons décidé que si nous ne parvenions pas à nous mettre en sécurité, nous sauterions par-dessus bord pour mourir. Il n’y a pas de retour possible pour nous : pas en Libye, pas en Syrie et pas au Liban. » Muhammed poursuit : « Nous avons rencontré la mort en mer mais aussi la mort en prison en Libye. C’est pourquoi nous avons conclu ce marché. Lorsque nous avons vu le drapeau allemand sur le voilier Nadir, nous avons commencé à pleurer.  Nous ne pouvions pas le croire. »    

Sur le pont arrière de l’Ocean Viking en ce 22 septembre 2021, quand on leur demande quels sont leurs rêves, Bashar répond : « Nous voulons juste vivre en sécurité et être traités comme des êtres humains. Nous ne voulons pas recevoir d’avantages des gouvernements. Tout ce que nous cherchons, c’est la sécurité et être traités avec respect. » 


*Les noms des personnes secourues ont été modifiés pour protéger leur identité.  

**Les rescapé.e.s détenu.e.s arbitrairement en Libye désignent fréquemment comme « prison » les centres de détention informels. 

Crédits : Laurence Bondard / SOS MEDITERRANEE

Derniers témoignages

Mercury*

Mercury*, 20 ans, a dû quitter le Tigré à cause du conflit. Elle a décidé de fuir vers la Libye dans l'espoir de trouver un travail pour subvenir aux besoins de sa famille. Une fois en Libye, elle a été kidnappée et emprisonnée à plusieurs reprises.

Voir son histoire

Mary*

« Je pense toujours à comment je peux porter la voix pour toutes celles et ceux qui sont resté.e.s en Libye ».

Voir son histoire

Contenu | Menu | Bouton d