AVERTISSEMENT : description de la violence.
« Il faisait complètement noir, j’étais terrifié. Je pensais que j’étais déjà mort. Et puis j’ai vu des lumières, vous êtes arrivés et je me suis rendu compte que j’étais encore en vie. »
Amadou*, 17 ans, est originaire de Guinée. Il faisait partie des 295 personnes secourues par l’équipe de sauvetage de l’Ocean Viking entre le 24 et le 27 avril 2022. Amadou a été secouru alors qu’il se trouvait à bord d’un canot pneumatique en détresse avec 71 autres personnes. Le sauvetage, rendu difficile par des vagues de trois mètres, a eu lieu pendant la nuit. Deux jours après son sauvetage, alors que l’Ocean Viking traversait à nouveau des vagues de trois mètres, Amadou dessinait, pendant que la plupart des autres personnes rescapées dormaient, souffrant du mal de mer. Il a commencé à partager son histoire avec notre équipe.
« J’ai quitté mon pays il y a environ un an. J’ai traversé le désert. Après être arrivé en Libye, j’ai été arrêté dans la rue, comme ça sans raison. J’étais en prison** avec des centaines de personnes. J’ai perdu beaucoup de poids parce que je n’avais à manger qu’une fois par jour, au mieux. J’ai été torturé. Regardez, j’ai été poignardé ici. Je me suis échappé, un ami m’a dit qu’il allait prendre un bateau pour quitter la Libye, je l’ai rejoint. C’était une embarcation noire avec beaucoup de personnes à bord, mais je ne voulais pas être arrêté à nouveau. Le temps était mauvais, très mauvais. Les vagues passaient par-dessus l’embarcation, elles étaient si hautes. Le bateau bougeait dans tous les sens, de haut en bas et de gauche à droite. Il bougeait tellement que presque tout le monde vomissait. Il faisait complètement noir, j’étais terrifié. Je pensais que j’étais déjà mort. Et puis j’ai vu des lumières, vous êtes arrivés et je me suis rendu compte que j’étais encore en vie. »
Amadou a donné son dessin à notre équipe à bord. Ses mots témoignent de sa sagesse et de sa résilience : « Enzara » signifie prison, « kalabush » signifie enlèvement, « gam’s lota » est la phrase que les gardiens utilisaient en prison** pour dire à Amadou de s’asseoir.
Les deux autres phrases écrites par Amadou sont les suivantes :
« Le destin est plus rapide qu’une balle, l’Ocean Viking nous a sauvé.e.s, c’était le plan de Dieu.
Les humains peuvent retarder mon destin, mais personne ne peut le changer. »
*Le nom a été modifié pour protéger l’identité du rescapé.
** Les personnes rescapées font souvent allusion à la « prison » lorsqu’elles parlent des centres de détention.