Abu S.* a 25 ans. Il vient du Soudan du Sud.
” Tu as entendu parler du Darfour ?” me demande-t-il alors que nous faisons connaissance sur le pont arrière de l’Aquarius, quelques heures après son sauvetage effectué par nos équipes.
Je lui réponds que je connais la situation.
“Les milices viennent nous tuer dans nos villages. Elles ont tué mon père. Ma mère, elle, a survécu.”
Abu S. a fait un long et douloureux voyage.
“J’ai quitté le Darfour il y a six ou sept mois. J’ai passé les cinq derniers mois en Libye. C’était l’horreur… Tu n’as pas idée de ce qu’on vit là-bas.”
Abu S. est diplômé de l’université.
“Je suis ingénieur en électricité. Mais je n’ai jamais pratiqué mon métier. Comme je viens du Darfour, je n’ai aucune chance de trouver du travail.”
Dès son arrivée en Libye, on l’a interpellé dans la rue et jeté en prison.
” J’ai été arrêté sans avoir rien fait ! Cela arrive tous les jours. Et si l’on ne t’arrête pas, on peut aussi t’exécuter. Sans aucune raison non plus.”
Le jeune homme a passé trois mois en prison.
“Ils me frappaient tout le temps. Tu ne peux pas imaginer… Et puis ils ont contacté ma famille et ont exigé une rançon, sinon ils allaient me tuer.”
Sa famille a payé. Abu S. a été libéré mais un autre groupe en Libye l’a obligé à embarquer sur l’un des bateaux.
“Je n’avais pas de quoi payer le passage, mais eux aussi ont contacté ma famille. Qui a payé à nouveau ! J’espère que j’aurais un jour de quoi la rembourser, pour l’aider.”
Abu S. a été secouru lors de la plus longue opération de sauvetage à laquelle SOS MEDITERRANEE ait jamais participé : 3 barques en bois ont été évacuées en parallèle le 28 décembre 2016. Tous les rescapés – enfants, femmes et hommes – ont été recueillis, sains et saufs, soit sur l’Aquarius, soit sur un vaisseau de la Marine britannique.
Crédits photo : Kevin Mcelvaney