« Nous savons à peu près ce qui se passe grâce à nos cours de géographie mais le fait d’avoir eu le témoignage d’une ‘vraie’ personne nous a beaucoup apporté et nous aide à nous rendre compte des réalités du monde ». (Enzo, élève de quatrième à la suite de l’intervention de Moktar, jeune rescapé guinéen, dans son collège à Rennes).
Incarner les parcours migratoires
Bérengère Matta, coordonnatrice de SOS MEDITERRANEE sur le Grand Ouest, n’en est pas à sa première séance de sensibilisation scolaire. Pourtant, à chaque fois, elle remarque à quel point les jeunes qui y assistent se projettent beaucoup plus facilement lorsqu’ils ont en face d’eux une personne qui a vécu l’exil, la traversée du désert puis de la Méditerranée, la peur et la souffrance. Si près d’un quart des personnes secourues par les marins-sauveteurs de l’Aquarius sont mineures, leurs compagnons d’infortune sont pour la plupart de jeunes adultes. Cet élément n’a pas échappé aux élèves ayant assisté à une séance de sensibilisation scolaire présentée par les équipes de bénévoles de SOS MEDITERRANEE aux quatre coins de la France.
« Un jour nous avons eu la chance d’être accompagnés par Souleymane, un jeune demandeur d’asile guinéen. Il a raconté son parcours migratoire à travers 14 tableaux qu’il avait lui-même brodés. Les élèves ont découvert une réalité qu’ils étaient loin d’imaginer.
Les enseignants m’ont ensuite rapporté que cette rencontre avait totalement changé la façon dont certains élèves appréhendaient la question migratoire. Une vraie réussite ! ». Bérengère souligne : « Le témoignage d’un rescapé revêt une importance capitale : il permet d’incarner les parcours de migration en redonnant un nom, un visage et une histoire à toutes ces personnes dont on nie la singularité en les désignant communément sous le terme générique de « migrants ». Le témoignage de Souleymane a d’ailleurs profondément marqué Benjamin, élève de quatrième au lycée agricole des Côtes d’Armor : « Je lui tire mon chapeau. C’est un parcours ‘de ouf’ qu’il a dû faire. Son courage et sa motivation sont plus forts chez lui que chez nous ».
Dans les semaines qui suivent une intervention, il n’est pas rare que les élèves et leurs enseignants nous fassent parvenir des dessins ou des mots d’encouragement. Voici, par exemple, celui de Louane, en classe de quatrième dans un collège de Rennes : « J’ai ressenti de la tristesse face au témoignage de Moktar qui a vécu quelque chose d’horrible. J’ai appris que les migrants ne choisissent pas de monter dans ces embarcations mais qu’ils y sont forcés, sous la menace de groupes armés. Je souhaiterais dire à SOS MEDITERRANEE de continuer ce qu’ils font. Ils font preuve de beaucoup de courage pour sauver des vies. »
« Leurs questions parlent plus que nos réponses ! »
Jean-Yves, responsable de la sensibilisation scolaire, constate la même proximité à Marseille entre élèves et jeunes rescapés. « Les élèves surprennent par leur curiosité insatiable. Parfois ils leur parlent comme à un camarade de classe. » Rapidement, une avalanche de questions commence…
Combien de temps a duré ton voyage ?
Est-ce que tu es heureux d’être en France ?
Comment fais-tu pour vivre avec 6 € par jour ?
Si le bateau ne coule pas, est-ce que tu risques de mourir de faim pendant la traversée ?
Pourquoi as-tu quitté ton pays ?
Est-ce que tu as entrepris ce voyage seul, sans famille ?
Avais-tu déjà vu la mer avant ce voyage ?
Est-ce que tu as été torturé pendant le voyage ?
Est-ce que tu as gardé des contacts avec d’autres migrants qui ont traversé la Méditerranée ?
Est-ce que tu serais traumatisé de revoir la mer aujourd’hui ?
Qu’as-tu ressenti quand tu as vu l’Aquarius ? …etc.
Une sensibilisation qui prend de l’ampleur
Depuis décembre 2015, les bénévoles de SOS MEDITERRANEE s’adressent aux élèves, au cours de séances d’une heure, dans le but de les informer sur la tragédie des naufrages, le devoir de porter assistance en mer, la nécessaire mobilisation des citoyens pour faire exister l’Aquarius, le déroulement et l’efficacité des opérations de sauvetage.
Ils sont aujourd’hui une quarantaine, dont des marins-sauveteurs et parfois des rescapés, répartis dans huit régions en France et préalablement formés à ce mode d’intervention, à se relayer dans les collèges, lycées, parfois dans les universités et dans les écoles primaires depuis avril 2018.
17 655 élèves ont été sensibilisés depuis la fin 2015. Alors qu’une seule classe était concernée en 2015, plus de 9000 élèves ont déjà assisté à une séance de sensibilisation scolaire en 2018.
Un livret pédagogique pour accompagner enseignants et élèves
Cet automne, SOS MEDITERRANEE publiera un livret pédagogique. Edité en 10 000 exemplaires, grâce au soutien financier de la Fondation Abbé Pierre, il comporte une soixantaine de pages, dont une préface de Daniel Pennac. Il s’adresse aux enseignants, en amont des interventions, pour mieux les préparer, mais également aux élèves pour leur permettre d’approfondir leur réflexion à l’issue des interventions.
A l’origine de ce nouvel outil, il y a la curiosité des élèves sur l’état du Monde, les témoignages des rescapés recueillis à bord de l’Aquarius et l’expérience des marins-sauveteurs. Il y a aussi la volonté du réseau européen de SOS MEDITERRANEE de mieux faire comprendre le phénomène migratoire actuel et l’idée qu’il se fait de la responsabilité des citoyens face au drame se déroulant aux portes de l’Europe.
Nos antennes bénévoles sont présentes en Ile-de-France, en Bretagne, au Pays de la Loire, en Auvergne-Rhône-Alpes, en Occitanie, en Nouvelle-Aquitaine, en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et en Normandie. Dans ces régions, si vous souhaitez nous inviter dans un établissement scolaire ou universitaire, vous pouvez nous écrire à contact@sosmediterranee.org.