Plus de 1000 personnes secourues par l’Aquarius en décembre
28 décembre 2017

COMMUNIQUE 

373 naufragés débarquent de l’Aquarius dans le port d’Augusta (Italie).

Plus de 1000 personnes secourues par SOS MEDITERRANEE en décembre.

Témoignage : « Il vaut mieux se noyer qu’être arrêté par la marine libyenne ».

L’Aquarius, affrété par SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec Médecins Sans Frontières, a débarqué jeudi matin à Augusta, dans le sud de la Sicile, 373 personnes secourues mardi dans les eaux internationales au large de la Libye par le bateau humanitaire Open Arms de l’ONG Proactiva et le navire militaire espagnol Santamaria du dispositif EUNAVFORMED

Les rescapés ont été transférés à bord de l’Aquarius à la demande du MRCC (Centre de Coordination des Secours en mer) de Rome mardi après-midi.

Le premier transbordement a eu lieu vers 15h00 : l’Aquarius a accueilli à bord 139 personnes secourues autour de 4h00 du matin, le lendemain de Noël. Les naufragés, qui étaient tous à bord d’un même canot pneumatique, sont originaires de 17 pays : la majorité du Pakistan (41 personnes, dont plusieurs familles avec enfants), du Soudan (43), du Bangladesh (14), mais aussi de Libye, du Népal, d’Érythrée et de Somalie. Parmi eux, 30 mineurs, dont 8 non accompagnés, 7 enfants de moins de 13 ans et 2 femmes enceintes.

Puis aux alentours de 18h00, l’Aquarius a ensuite accueilli à bord 234 personnes secourues par le navire militaire espagnol Santa Maria, principalement originaires d’Erythrée et du Maroc, mais aussi de Libye, Ethiopie, Guinée Conakry, Côte-d’Ivoire, Mali, Nigeria, Pakistan, Somalie, Soudan (Nord). Parmi eux, 39 mineurs, dont 24 voyagent seuls et 7 de moins de 13 ans.

Les transbordements ont eu lieu rapidement et sans incident, malgré les mauvaises conditions météorologiques. « Nous ne nous attendions pas vraiment à ce qu’il y ait des opérations de sauvetage le 25 décembre, car le vent s’était levé dans la soirée et il semblait déjà bien trop périlleux, pour ces canots impropres à la navigation, de tenter ce voyage déjà extrêmement dangereux en soi. Et pourtant, des personnes ont été poussées en mer, le jour de Noël ! Et si ces personnes ont pris ce risque, certains avec leur famille, c’est qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de fuir la Libye par la mer », a déclaré Klaus Merkle, le coordinateur des secours de SOS MEDITERRANEE.

Un jeune Erythréen a expliqué aux sauveteurs de l’Aquarius qu’il avait quitté la Libye le jour de Noël : « Nous Erythréens, le 25 décembre nous l’appelons le « Noël italien », cela remonte à l’époque où l’Italie avait colonisé l’Érythrée. C’est peut-être parce que nous sommes partis le jour du Noël italien que nous avons eu de la chance et que nous avons été sauvés », a-t-il ajouté.          

Tandis que l’Aquarius faisait route vers le nord en direction de la Sicile sur instruction du MRCC de Rome, les conditions météorologiques commençaient à se dégrader et devaient empirer jusqu’à vendredi avec des vents forts et des vagues hautes de 4-5 mètres dans la zone de sauvetage.

Parmi les 373 rescapés accueillis à bord de l’Aquarius se trouvaient plusieurs familles avec enfants et 32 ??mineurs non accompagnés, dont deux jeunes amis, mineurs de 14 et 13 ans voyageant sans leurs parents.

14 patients présentant des brûlures dues au mélange de carburant et d’eau de mer ainsi qu’une personne malade, transportée sur une civière vers la clinique, ont été confiés aux soins des médecins de MSF, partenaire médical de SOS MEDITERRANEE à bord de l’Aquarius.

Témoignage : “Il vaut mieux se noyer qu’être arrêté par la marine libyenne. En Libye, c’est comme si nous vivions à nouveau l’esclavage “

Un jeune Malien a expliqué à un volontaire de SOS MEDITERRANEE avoir tenté trois fois la traversée : « La première fois nous avons été arrêtés par les Asma Boys, les bandits de la mer ». La deuxième fois, le bateau pneumatique sur lequel il se trouvait a été intercepté par la marine libyenne : « Il y a environ deux mois, j’ai été arrêté par la marine libyenne. Ce jour-là, deux canots pneumatiques avaient été lancés en mer et une fois dans les eaux internationales, l’autre bateau pneumatique était percé et se dégonflait. Nous avons commencé à faire des appels à l’aide. Quand nous avons vu un hélicoptère, nous avons pensé que c’était des humanitaires. Mais le navire est arrivé et nous avons vu le drapeau libyen, nous avons essayé de nous échapper. Tout le monde était inquiet. Ils ne nous ont pas laissé nous échapper, ils ont continué à nous suivre. Afin de ne pas risquer la vie des gens, parce qu’il y avait beaucoup de femmes et beaucoup d’enfants parmi nous, nous les avons finalement laissé faire. Dieu merci, personne n’est tombé dans l’eau ».

« Hier, quand le bateau espagnol est arrivé, nous étions inquiets, mais après j’ai dit à mes amis : « Regardez comment ces gens nous traitent bien ici !». Sur le bateau libyen, ils ne nous avaient même pas donné de l’eau ; une fois qu’ils nous avaient tirés hors du canot, ils sont allés se laver tout de suite, et puis ils mangeaient devant nous, sans rien nous donner ».

Une fois débarqués dans le port de Tripoli, les naufragés interceptés ont été remmenés en prison, explique ce naufragé malien : « Quand nous avons débarqué, les organisations internationales étaient présentes, elles ont pris nos adresses et ensuite on nous a mis dans des bus, et remmenés en prison. Les prisons ne sont pas organisées, elles étaient très étroites, il était presque impossible de s’asseoir. Tu dois marcher sur ton frère pour passer. Il n’y avait pas d’organisations humanitaires qui venaient dans la prison, on avait même du mal à obtenir de l’eau. Nous avons bu lentement parce que nous ne savions pas s’ils nous apporteraient encore de l’eau plus tard. Un jour, ils ont apporté 5 litres, puis nous avons passé trois jours sans eau. Il vaut mieux être rapatrié que de rester dans les prisons libyennes. D’autres disent qu’il vaut mieux se noyer que de rester dans les prisons libyennes. Nous risquons notre vie, mais vraiment il vaut mieux se noyer que d’être arrêté par la marine libyenne. Les Arabes traitent mal les Noirs. C’est comme si nous vivions de nouveau l’esclavage. Les Noirs sont leurs esclaves, c’est ce qu’ils pensent en Libye aujourd’hui ».

Suite à ces nouvelles opérations en mer, Francis Vallat, le président de SOS MEDITERRANEE France, a déclaré : « Les traversées de la Méditerranée centrale se poursuivent dans des conditions d’extrême danger en plein cœur de l’hiver. La fuite par la mer reste malheureusement la seule échappatoire pour des milliers de personnes détenues en Libye dans des conditions déplorables. Face à cette tragédie humanitaire qui a fait plus de 3000 victimes cette année, le sauvetage en mer reste l’urgence absolue. Les équipes de SOS MEDITERRANEE présentes sur l’Aquarius poursuivent notre mission : tendre la main à ceux qui se noient, et raccompagner ces hommes, femmes et enfants vers un port sûr en Europe, où leurs droits fondamentaux seront respectés, conformément au droit maritime international et aux valeurs européennes d’humanité et de solidarité ».  

Photos Federica Mameli / SOS MEDITERRANEE

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À propos de SOS MEDITERRANEE, association européenne de sauvetage en mer Méditerranée :

SOS MEDITERRANEE est une association fondée en 2015 par un groupe de citoyens européens, décidés à agir face à la tragédie des naufrages à répétition en mer Méditerranée.

L’association est apolitique avec un seul impératif : sauver des vies en mer. Grâce à une mobilisation exceptionnelle de la société civile européenne, SOS MEDITERRANEE a affrété un navire de 77 mètres, l’Aquarius, et a débuté les opérations de sauvetage fin février 2016 au large des côtes libyennes, permettant de secourir 11.261 personnes en 2016 et déjà 15.078 personnes en 2017 (dont 1143 pour le seul mois de décembre 2017), soit 26.339 personnes secourues au total. 

Chaque jour en mer coûte 11.000 euros afin de financer la location du navire, son équipage, le fuel, et l’ensemble des équipements nécessaires pour prendre soin des réfugiés. L’association lance un appel à soutien et à mobilisation auprès de tous les acteurs de la société civile : particuliers, ONG, fondations, mécènes, entreprises et pouvoirs publics, pour lui donner les moyens de poursuivre ses opérations, 98% de son budget en 2016 étant couvert par des dons privés.

@SOSMedFrance  http://www.sosmediterranee.fr

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