COMMUNIQUE DE PRESSE – Les sauveteurs de l’Aquarius affrété par SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec Médecins Sans Frontières, ont secouru 387 personnes au cours de 3 opérations de sauvetage mercredi 22 novembre 2017 et jeudi 23 novembre 2017. Un corps a été retrouvé au fond d’un canot jeudi matin.
Les opérations de sauvetages menées par l’Aquarius se sont déroulées dans les eaux internationales à l’est de Tripoli en coordination stricte et constante avec le MRCC (Centre de Coordination des Secours) de Rome.
Journée de sauvetage massif en Méditerranée
Mercredi à l’aube, l’Aquarius a été contacté par le navire militaire espagnol Cantabria de l’opération Sophia EUNAVFORMED pour l’assister dans le sauvetage d’un canot pneumatique en détresse. Après en avoir référé au MRCC de Rome, SOS MEDITERRANEE a reçu l’instruction de collaborer avec le navire militaire espagnol. Les 171 personnes qui se trouvaient à bord de ce canot pneumatique, dont 29 enfants de moins de 13 ans et 47 femmes en état de choc, ont été acheminées vers l’Aquarius.
Le MRCC de Rome a alors signalé plusieurs embarcations en détresse et instruit l’Aquarius de procéder à une recherche active, tandis qu’un hélicoptère du dispositif EUNAVFORMED survolait la zone. Aux alentours de 11:00 un canot pneumatique a été repéré aux jumelles depuis la passerelle de l’Aquarius. Après le lui avoir signalé, l’équipage a été instruit par le MRCC de procéder au sauvetage. 108 personnes, principalement originaires d’Afrique du Nord (Maroc, Egypte, Libye), dont 17 femmes et 19 mineurs, ont été acheminées vers l’Aquarius.
Ces 279 rescapés ont été transbordés dans la nuit de mercredi à jeudi à bord du navire Diciotti des gardecôtes italiens. Le MRCC a indiqué en fin de soirée qu’un total de 1100 personnes ont été secourues en Méditerranée mardi 22 novembre au cours de 11 opérations distinctes.
Le corps d’une jeune femme retrouvé
Jeudi à l’aube, le MRCC de Rome a demandé à l’Aquarius de se rendre vers la position d’une embarcation en détresse dans les eaux internationales à l’est de Tripoli. Arrivé à cette position, l’Aquarius a établi un contact visuel avec l’embarcation, mais a d’abord été instruit par le MRCC de Rome de rester en stand-by, puis de s’éloigner de la position, le sauvetage ayant été assigné aux garde-côtes libyens, dont l’unité ne se trouvait cependant pas encore sur place.
Après une longue attente et en l’absence d’intervention des garde-côtes libyens, le MRCC Rome -par le biais du navire militaire italien Tremiti parvenu à entrer en contact avec les garde-côtes libyens- a repris la coordination de l’opération (SAR Case 1884) et donné l’instruction à l’Aquarius de procéder au sauvetage.
« Presque deux heures après le premier contact visuel, nous avons enfin pu lancer les canots de sauvetage. Il n’y avait plus une minute à perdre. Cette longue attente a suscité une grande angoisse à bord de l’Aquarius, mais aussi à bord du bateau pneumatique en détresse. Les naufragés étaient très agités au moment où nous sommes arrivés » a expliqué Nick Romaniuk, coordinateur adjoint des secours de SOS MEDITERRANEE.
Le corps sans vie d’une femme a été retrouvé à bord du canot. Des passagers du bateau pneumatique ont expliqué au personnel médical de MSF présent à bord de l’Aquarius que la victime était décédée juste avant le départ des côtes libyennes des suites d’un accouchement tragique. La jeune femme avait donné naissance à un enfant mort-né quelques jours plus tôt en Libye, selon ces témoins.
Les 108 passagers, dont 16 femmes et 34 mineurs, majoritairement érythréens ont été conduits sains et saufs à bord de l’Aquarius puis transbordés en fin d’après-midi jeudi, à la demande du MRCC Rome, à bord du bateau OpenArms de l’ONG ProActiva OpenArms.
« Allez mourir en Méditerranée »
« Mon enfant a un an et demi, il est né dans le désert du Niger. En Libye nous avons été en prison pendant 5 mois à Sabratha, avec le bébé. Les femmes mouraient. L’une d’elles est morte après avoir accouché, le cordon avait été coupé avec du fil, parce qu’il n’y a rien, pas de médecins, pas de soins. On ne se lavait pas. On nous mettait de la drogue dans la nourriture pour nous faire dormir, l’eau n’était pas potable. Je continue d’allaiter mon enfant pour le protéger » a expliqué une jeune maman camerounaise secourue mercredi en Méditerranée à l’est de Tripoli, aux volontaires de SOS MEDITERRANEE.
« La traite négrière existe en Libye. En Libye tout le monde est armé, même les enfants. On entend des coups de feu partout. Ils prennent les femmes, les enferment, les torturent, ils te fouillent et te dépouillent. Les hommes et les enfants étaient sodomisés. Ils coupaient les doigts des filles en les coinçant dans la porte » ont encore expliqué des femmes secourues mercredi. « Les passeurs nous ont poussés en mer en nous disant : « Allez mourir en Méditerranée ». Ensuite nous avons juste entendu le bruit de la mer, c’était l’obscurité totale » a encore raconté une autre femme, elle aussi camerounaise, à une volontaire de SOS MEDITERRANEE à bord de l’Aquarius.
« Depuis le début de sa mission en mer en février 2016, SOS MEDITERRANEE alerte la société civile, les médias et les responsables politiques sur la crise humanitaire en cours en Méditerranée et sur les témoignages terrifiants des naufragés fuyant la Libye recueillis aux portes de l’Europe. Malgré le manque de réaction des responsables européens face à la remise en cause des valeurs humaines fondamentales aux portes de l’Europe, SOS MEDITERRANEE ne peut accepter de voir des êtres humains mourir en mer ni de les voir repartir vers la Libye lorsque leur embarcation est interceptée par des garde-côtes libyens. Plus que jamais, l’Aquarius doit maintenir sa présence en Méditerranée centrale, pour secourir ceux qui cherchent à fuir l’enfer, pour les protéger et pour continuer à témoigner de la réalité vécue par ces hommes, femmes et enfants en quête de protection » déclare Francis Vallat, Président de SOS MEDITERRANEE France.