Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des deux dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous opérons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.
De plus en plus de pertes en vie humaines en Méditerranée centrale, au moins 675 morts cette année
Au cours de ces deux dernières semaines, le nombre de personnes décédées en Méditerranée centrale a encore augmenté, portant le total officiel à 675 depuis le début de l’année, selon le projet de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) sur les migrant.e.s disparu.e.s.
La semaine dernière, 23 personnes au moins se sont noyées lors d’un naufrage au large de la Tunisie, selon une information du Croissant-Rouge tunisien relayée par l’agence Reuters. La marine nationale tunisienne a secouru 70 personnes parmi les 90 qui étaient parties de Libye. Le même jour, la marine tunisienne a secouru 39 personnes à bord d’une autre embarcation qui avait coulé au large de Sfax, en Tunisie, comme l’a rapporté plus tard Reuters. Quelques jours plus tôt à peine, sept corps avaient été retrouvés au large de l’île tunisienne de Djerba.
Le 31 mai 2021, l’UNICEF a annoncé que les corps de trois enfants avaient été rejetés sur le rivage à Zaouara, en Libye, comme l’indiquait InfoMigrants.
Selon Alarm Phone, deux personnes pourraient avoir péri sur une embarcation qui avait quitté la Libye au début du mois. L’embarcation serait tombée en panne de carburant et aurait dérivé avant d’être ramenée par le courant sur les côtes libyennes. Un membre de la famille d’un.e des occupant.e.s de cette embarcation a effectivement indiqué à Alarm Phone que certaines personnes à bord étaient mortes. Le 31 mai 2021, Alarm Phone signalait qu’un pêcheur libyen avait porté secours à une embarcation en détresse. Selon ce pêcheur, au moins 16 personnes seraient mortes en tentant de traverser la Méditerranée.
Cinq navires d’ONG bloqués en Italie : les organisations civiles de recherche et de sauvetage reconnues mais ciblées par des attaques
Le Sea Eye 4 est placé en détention depuis le 4 juin, à la suite d’un contrôle de l’Etat du port de 12 heures à Palerme, en Sicile. Plus de 400 personnes secourues en mer avaient auparavant été débarquées à Pozzallo, en Sicile, par le Sea Eye 4. Le navire avait obtenu l’autorisation de faire route vers le port de Palerme pendant la quarantaine imposée à l’équipage.
L’immobilisation du Sea Eye 4 porte à cinq le nombre de navires civils de recherche et de sauvetage placés en détention par les autorités italiennes : les Sea Watch 3 et 4, l’Open Arms et l’Alan Kurdi sont également bloqués. L’Alan Kurdi a obtenu une autorisation temporaire pour prendre la mer en direction d’un chantier naval espagnol.
La semaine dernière, le port d’Augusta a été assigné comme lieu sûr à l’Aita Mari pour débarquer les 50 personnes secourues quatre jours plus tôt. Le débarquement s’est déroulé lundi, toutes les personnes rescapées et l’équipage ayant été testés négatifs à la COVID-19. Dès le lendemain, l’Aita Mari a été autorisé à prendre la mer en direction de Burriana, en Espagne, sans avoir à subir de quarantaine dans le port d’Augusta.
Au Danemark, l’équipage du navire civil de recherche et de sauvetage Mare Jonio, de l’ONG Mediterranea et celui du pétrolier Maersk Etienne ont reçu le prix maritime des mains de Danish Shipping, l’association danoise des armateurs et des sociétés offshore. Les équipes ont été distinguées pour avoir porté secours à 27 personnes en détresse qui avaient passé 38 jours à bord du Maersk Etienne l’été dernier, sans qu’un lieu de débarquement sûr ne leur soit assigné. Les personnes secourues par le navire marchand avaient finalement été transbordées par l’équipage du Mare Jonio, avant que ce dernier ne soit enfin autorisé à les débarquer dans un port italien. Pendant ce temps, les enquêtes visant l’équipe de l’ONG Mediterranea soupçonnée « d’aider et d’encourager l’immigration illégale » et « de violer les règles du code de navigation » se poursuivent en Italie.
Le nombre d’interceptions par les garde-côtes libyens en six mois depuis début 2021 est en passe d’atteindre le total enregistré pour toute l’année 2020.
Au cours des périodes du 23 au 29 mai et du 30 mai au 5 juin 2021, 1 052 personnes ont été interceptées en mer et ramenées de force en Libye par les garde-côtes libyens. Cela porte le nombre de personnes ramenées de force en Libye à plus de 10 711 cette année. En comparaison, le nombre total de personnes ramenées de force par les garde-côtes libyens pour toute l’année 2020 était un peu inférieur à 12 000.
Selon Safa Msehli, porte-parole de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), sur plus de 10 000 personnes interceptées cette année et ramenées en détention, seule la moitié est restée dans ces centres. « Ce système défaillant est une horreur », a-t-elle déclaré. Rien qu’entre le 28 et le 31 mai, au moins 822 personnes ont été ramenées à Tripoli par les garde-côtes libyens, selon l’UNHCR.
L’équipage du Geo Barents, navire de secours affrété et exploité par Médecins Sans Frontières (MSF), a été témoin d’interceptions par les garde-côtes libyens les 31 mai et 1er juin. Le 8 juin, 59 personnes ont également été ramenées en Libye.
Plus de 260 personnes ont été interceptées par les garde-côtes tunisiens et la marine nationale tunisienne le 28 mai, comme le relate InfoMigrants . Elles avaient quitté la Libye et la Tunisie pour tenter d’atteindre les côtes européennes.
Le gouvernement italien rencontre les ONG de recherche et de sauvetage, alors que l’accord de Malte reste bloqué
Le 28 mai, les représentants italiens des ONG de recherche et de sauvetage Emergency, MSF, Mediterranea Saving Humans, Open Arms, ResQ-People Saving People, Sea-Watch et SOS MEDITERRANEE ont rencontré la ministre italienne de l’Intérieur, Luciana Lamorgese, principalement pour demander la création d’un véritable dispositif européen de recherche et de sauvetage ainsi que l’arrêt de la criminalisation des activités civiles de recherche et de sauvetage.
Le gouvernement italien, de son côté, a insisté sur la nécessité, pour les États respectifs [du pavillon] des organisations civiles de recherche et de sauvetage, d’aider à procurer des ports sûrs pour le débarquement et de relocaliser les personnes rescapées après leur débarquement, comme le rapporte La Repubblica. Jusqu’à présent, seules l’Irlande et la Lituanie, acceptant chacune de relocaliser 10 personnes, ont répondu à l’appel lancé début mai aux États européens pour qu’ils aident à la relocalisation des personnes arrivant sur les côtes italiennes. Le Luxembourg a également proposé son aide.
Plusieurs réunions bilatérales se sont tenues entre hauts représentants européens et pays tiers pour débattre de la migration et des contrôles aux frontières en Tunisie, en Libye, en Italie et en France cette dernière semaine. Le 31 mai, au cours d’une réunion avec Abdelhamid Dabaiba – Premier ministre du gouvernement d’Union nationale de Libye –, Mario Draghi, Premier ministre italien, a déclaré que son pays continuerait à prendre sa part en termes de ressources et de formation, mais qu’une action déterminée et rapide de l’Union européenne était nécessaire. Il a en outre annoncé que le thème des migrations serait de nouveau abordé en juin au Conseil de l’Europe. De son côté, le Premier ministre Dabaiba a remercié l’Italie et l’Union européenne « pour tous leurs efforts et l’important soutien qu’elles nous apportent, et pour le magnifique travail des garde-côtes italiens ».