#59 – Au moins 300 enfants, femmes et hommes trouvent la mort en 10 jours, les navires humanitaires repoussés hors de la zone de sauvetage.
Plusieurs dizaines d’embarcations se retrouvent en détresse alors que des navires civils de sauvetage doivent quitter la Méditerranée centrale pour débarquer les rescapé.e.s dans des ports éloignés.

[13.04 – 27.04.23]

Le 21 avril, l’Ocean Viking a secouru 29 naufragé.e.s  qui dérivaient à bord d’un canot en fibre de verre dans la zone maltaise de recherche et de sauvetage. Les personnes rescapées ont déclaré qu’elles avaient passé cinq jours en mer et attendu 20 heures depuis la première alerte avant que l’Ocean Viking ne parvienne à leur embarcation. Les autorités maritimes avaient été averties mais n’avaient pas lancé d’opération de sauvetage. Un hélicoptère maltais et un patrouilleur italien sur zone n’étaient pas intervenus pour leur porter assistance. Tous les rescapé.e.s ont été débarqué.e.s  à Bari, en Italie, le 23 avril 2023. 

Le 15 avril, le bateau de l’ONG Emergency a secouru 55 personnes . Tous les rescapé.e.s ont débarqué dans le port éloigné de Carrare le 19 avril, quatre jours après leur sauvetage 

Le 20 avril, le Humanity 1 de l’ONG SOS Humanity a secouru 69 naufragé.e.s entassé.e.s sur un canot pneumatique. Peu de temps après, c’est le port lointain de Ravenne qui leur a été assigné. Tous les rescapé.e.s ont débarqué cinq jours plus tard, le 25 avril. 

Les ONG SOS Humanity, Mission Lifeline et Sea-Eye ont publié un communiqué de presse annonçant qu’elles intentaient une  action en justice devant le tribunal civil de Rome contre la politique menée par les autorités italiennes consistant à assigner des ports lointains, en soulignant que cette politique « mettait clairement en danger le bien-être des rescapé.e.s en détresse en mer et avait pour but de restreindre illégalement les activités des ONG ».   

Le 24 avril, le Geo Barents de l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) a secouru 75 naufragé.e.s à bord d’une embarcation en bois dans les eaux internationales au large de la Libye. Encore une fois, un port lointain a été assigné : Naples, en Italie. Les personnes rescapées n’ont pu débarquer que le 27 avril. 

Un autre sauvetage a eu lieu le 24 avril, effectué par le voilier Astral de l’ONG Open Arms. 47 personnes ont été récupérées après le chavirement de leur embarcation. Elles ont pu débarquer à Lampedusa le jour même. Le 27 avril, l’Astral a secouru 45 personnes d’une embarcation en métal et, peu après, a porté assistance à 21 personnes. Une personne a hélas été retrouvée décédée. 

Alors que l’Ocean Viking, le Geo Barents et le Humanity 1 faisaient route vers le nord pour débarquer des rescapé.e.s dans des ports éloignés, la hotline civile Alarm Phone a reçu des alertes provenant de 15 embarcations en détresse en Méditerranée centrale le 23 avril et de 26 autres le lendemain, 24 avril. 

Au moins 300 femmes, enfants et hommes se sont noyés au cours des 10 derniers jours, et plus de 100 corps ont été récupérés sur les plages tunisiennes et libyennes. 

Le 27 avril, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a signalé qu’au moins 300 femmes, enfants et hommes ont trouvé la mort en Méditerranée centrale au cours des 10 derniers jours. Les corps de plus de 100 personnes ont été retrouvés sur les plages tunisiennes et libyennes. 

Le 18 avril, les garde-côtes tunisiens ont récupéré quatre naufragé.e.s qui ont indiqué que 15 autres étaient porté.e.s disparu.e.s. Le même jour, à la suite d’un naufrage au large de Sabratha, les corps de six personnes ont été récupérés par le Croissant-Rouge libyen. Le 23 avril, 17 autres cadavres ont été récupérés sur la plage de Sabratha. Le lendemain, 34 corps ont également été retrouvés près de cette même ville. 

Le 24 avril, 31 personnes décédées ont été récupérés au large des côtes tunisiennes. Le même jour, à la suite d’un naufrage au large de Lampedusa, 20 personnes étaient portées disparues tandis que les garde-côtes italiens récupéraient 34 rescapé.e.s et un corps sans vie. Toujours le 24 avril, 42 personnes étaient secourues par les garde-côtes italiens, mais trois personnes restent portées disparues. 

Le 25 avril, deux autres naufrages ont été signalés au large des côtes libyennes, l’un coûtant la vie à 11 personnes et l’autre à 55 , selon les rescapé.e.s. 

D’autres tragédies sont mentionnées dans le rapport de l’OIM, avec la triste liste des décès qui se succèdent. 

Les retours forcés en Libye et en Tunisie se poursuivent alors que des informations font état d’interceptions violentes, alors que de nombreuses ONG affirment que la Tunisie n’est pas un lieu sûr. 

Entre le 9 et le 22 avril, 94 personnes ont été renvoyées de force en Libye, selon l’OIM. A ce jour, un total de 4 335 personnes ont été renvoyées dans ce pays en 2023. 

Le 19 avril, l’avion de surveillance Seabird de l’ONG Sea-Watch a été témoin de deux interceptions par les garde-côtes libyens. 

Par ailleurs, selon le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, 14 963 personnes ont été renvoyées en Tunisie pour la seule année 2023. De son côté, InfoMigrants a multiplié les rapports faisant état de mise en danger des personnes en détresse en mer, avec des garde-côtes tunisiens adoptant des pratiques similaires à celles des garde-côtes libyens. 

Le 14 avril, de nombreuses ONG ont publié une déclaration pour souligner que la Tunisie « n’est ni un pays d’origine sûr, ni un pays tiers sûr. Par conséquent, elle ne peut pas être considéré comme un lieu sûr pour les personnes secourues en mer. 

Le Conseil de l’Europe condamne le manque de coordination des opérations de recherche et de sauvetage par les Etats membres européens

Les données partagées par le journal Altreconomia montrent qu’entre 2019 et les deux premiers mois de 2023, près de six opérations italiennes de recherche et de sauvetage sur dix ont été classées comme opérations de maintien de l’ordre par le ministre italien de l’Intérieur.   

Le Times of Malta a rapporté que les autorités maltaises refusaient de partager des données sur les opérations de sauvetage dans la zone maltaise de recherche et de sauvetage, invoquant des « raisons de sécurité nationale ». Le ministre maltais de l’Intérieur, Byron Camilleri, a confirmé lors d’une enquête parlementaire que 92 personnes rescapées en mer ont été débarquées à Malte depuis le début de l’année, selon Newsbooks.  

Le même jour, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a publié son rapport d’activité pour 2022. Le Commissaire condamne les États membres européens pour le traitement qu’ils ont réservé aux demandeurs d’asile, aux réfugiés et aux migrants en Europe en 2022, citant une « approche de la migration axée de manière disproportionnée sur l’aspect sécuritaire qui met en danger des vies humaines ». Le commissaire a également exhorté Malte à coordonner efficacement les opérations de recherche et de sauvetage et à réexaminer et suspendre la coopération avec la Libye en matière de migration.