#63 – Recrudescence des départs depuis la Tunisie et insécurité croissante en Méditerranée centrale
Près de 2 000 personnes secourues par des organisations civiles en moins de deux semaines

[07.07 – 21.07.23]

Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous intervenons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse.

Le 7 juillet, le navire de sauvetage Open Arms, affrété par l’ONG Open Arms, a secouru 300 personnes au cours de six opérations différentes.  Les rescapé.e.s ont débarqué deux jours plus tard dans le port de Brindisi. Le 11 juillet, dans les eaux internationales entre la Tunisie et Lampedusa, le Humanity 1 de l’ONG SOS Humanity a porté secours à 204 personnes lors de 4 opérations distinctes.  

Le navire de sauvetage Geo Barents, opéré par Médecins Sans Frontières (MSF), a secouru 462 personnes à bord de douze embarcations en détresse, dont onze étaient parties de Tunisie. Il a été assisté par l’avion Colibri de l’ONG Pilotes Volontaires et le navire de sauvetage Mare*Go au cours de cette longue série de sauvetages. Les autorités italiennes ont demandé au Geo Barents de débarquer 116 personnes à Lampedusa, puis de se rendre à Marina di Carrara et enfin à Livourne pour débarquer les autres naufragé.e.s, les 19 et 20 juillet.

Entre-temps, le navire de sauvetage Rise Above de l’ONG Mission Lifeline, en coordination avec le centre italien de coordination des secours maritimes, a porté secours à sept embarcations le 16 juillet . 77 personnes ont été prises à bord et ont pu débarquer à Vibo Valentia le 17 juillet.  

Le lendemain, le voilier de sauvetage Nadir de l’ONG ResQship, en coopération avec les garde-côtes italiens et l’avion Colibri, a secouru 341 personnes de huit embarcations en détresse en 14 heures. Il a accueilli à bord 138 personnes tout en assistant quatre autres embarcations. Dans la soirée, les garde-côtes italiens ont débarqué 19 personnes du Nadir. Le 19 juillet, les 119 autres rescapé.e.s encore à bord ont pu débarquer en toute sécurité à Lampedusa. 

Le 20 juillet, le navire de sauvetage Mare*Go a porté assistance à neuf embarcations en détresse transportant environ 400 personnes. Les personnes à bord de huit des embarcations ont été évacuées par les garde-côtes italiens, les autres par le Mare*Go, et ont pu débarquer à Trapani le lendemain

Le 21 juillet, le navire de sauvetage Life Support de l’ONG Emergency a secouru 184 personnes au cours de quatre sauvetages. Treize d’entre elles ont été débarquées à Lampedusa, et les autres dans le port de Tarente.   

Arrivées massives à Lampedusa et naufrage au large de Sfax, sur fond de montée de la violence et des discriminations à l’encontre des migrants en Tunisie. 

Selon le journaliste italien de Radio Radicale, Sergio Scandura, le 10 juillet, près de 1 200 personnes sont arrivées à Lampedusa en 24 heures.  La même semaine, un naufrage s’est produit au large de Sfax, causant la mort de 46 personnes. 

Angela Caponetto, journaliste italienne de Rainews24, a rapporté qu’entre le 20 et le 21 juillet des passagers de plusieurs dizaines d’embarcations ont été secourus par les garde-côtes italiens et débarqués à Lampedusa. Ces personnes seraient majoritairement parties de Tunisie. 

Le 8 juillet, 1 200 personnes, dont une femme enceinte et 29 enfants, ont été expulsées par les autorités tunisiennes et abandonnées dans le désert à la frontière tuniso-libyenne, avec peu de nourriture et d’eau, et sans abri. Suite à cet événement, le HCR et Human Rights Watch ont publié des déclarations faisant part de leurs inquiétudes sur le traitement discriminatoire et l’escalade de la violence envers les migrant.e.s subsaharien.ne.s en Tunisie.  

Interceptions, retours forcés, agressions par les garde-côtes libyens, et signalement de milices libyennes sévissant en mer 

Le 7 juillet, alors que le navire de sauvetage Ocean Viking opéré par SOS MEDITERRANEE et la FICR évacuait 11 personnes d’une embarcation en détresse dans les eaux internationales au large de la Libye, des coups de feu ont été tirés depuis un patrouilleur des garde-côtes libyens, à moins de 100 mètres de l’équipe de sauvetage et des personnes naufragées. Cet incident, le troisième de l’année, s’inscrit dans un contexte d’insécurité croissante en Méditerranée. Le journaliste Sergio Scandura indique que le patrouilleur avait été remis aux garde-côtes libyens par les autorités italiennes le 24 juin. 

Le 18 juillet, un bateau de pêche italien aurait été pris pour cible dans les eaux internationales par des tirs provenant également d’un patrouilleur des garde-côtes libyens. 

Le 9 juillet, le Seabird a assisté à l’interception d’environ 250 personnes en détresse dans la région de recherche et de sauvetage de Malte. Selon des témoignages, l’interception aurait été menée par une milice de l’Est de la Libye ayant des liens étroits avec le général autoproclamé Haftar. D’après Sea Watch, ce même navire de la milice aurait été impliqué dans une interception le 26 juillet, une fois de plus dans la zone maltaise de recherche et de sauvetage. 

Lighthouse Reports a publié un rapport sur le réseau de passeurs qui a organisé le départ de l’embarcation ayant chaviré et coulé au large de Pylos en juin dernier, causant la mort de près de 600 personnes. Le rapport révèle des liens étroits avec le général Haftar et avec la milice Tariq Bin Ziyad qui aurait procédé à des interceptions dans les eaux maltaises en mai et en juillet.  

Le 20 juillet, le Seabird a assisté à une nouvelle interception dans les eaux internationales au large de Malte, menée cette fois par les garde-côtes libyens. Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM), 337 personnes ont été interceptées et renvoyées de force en Libye entre le 9 et le 22 juillet  .  

Le Parlement européen se prononce en faveur d’une mission européenne de sauvetage, tandis que des ONG déposent une plainte contre le décret-loi italien, et que le navire de sauvetage d’une ONG est détenu dans un port italien. 

Le 11 juillet, à la suite d’un contrôle par l’Etat du port à Civitavecchia, l’Ocean Viking a été immobilisé sur la base d’une interprétation inhabituelle de la réglementation internationale sur les navires. Dix jours plus tard, les autorités italiennes ont reconnu que le navire affrété par SOS MEDITERRANEE était en fait en règle avec toutes les réglementations applicables, et le navire de sauvetage a été de nouveau autorisé à sauver des vies. 

Le 13 juillet, les ONG MSF, Oxfam Italia, SOS Humanité, l’Association pour les études juridiques sur l’immigration (ASGI) et EMERGENCY ont déposé une plainte auprès de la Commission européenne visant la loi italienne 15/2023 et la politique des autorités italiennes consistant à assigner des ports éloignés aux navires des ONG pour le débarquement des personnes en détresse secourues en mer.  

Le même jour, le Parlement européen a adopté une résolution demandant la création d’une mission de recherche et de sauvetage en mer.