Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des deux dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous intervenons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.
Deux corps sans vie retrouvés à bord d’une embarcation en détresse
Dans la nuit du jeudi au vendredi 3 février, le Sea-Eye 4 affrété par l’ONG Sea-Eye a mené deux opérations de sauvetage, portant secours à un total de 107 personnes. Au cours de la première opération, deux corps sans vie ont été retrouvés dans une embarcation en métal. Deux personnes rescapées ont dû être évacuées d’urgence en hélicoptère pour raisons médicales mais l’une d’entre elles est décédée à l’hôpital. Le port italien de Pesaro, à 1 000 kilomètres de la zone de sauvetage, a d’abord été assigné par les autorités italiennes pour le débarquement des 107 rescapé.e.s.
Suite aux protestations du capitaine du bateau, le port de Naples a finalement été assigné, à près de 480 kilomètres de la zone d’opérations. Le Sea-Eye 4 a débarqué les 105 personnes restées à bord, ainsi que les deux corps sans vie, le 6 février.
Le 5 février, selon le journaliste italien de Radio Radicale, Sergio Scandura, deux chalutiers partis de Libye avec respectivement 230 et 500 personnes à bord, ont été secourus par les garde-côtes italiens au sud-ouest de la Sicile. Les rescapé.e.s ont été débarqué.e.es dans les ports siciliens de Pozzallo, Augusta et Messine.
Le 13 février, après plusieurs jours de mauvais temps, le Geo Barents de MSF a évacué 48 personnes d’une embarcation en bois en détresse dans la zone libyenne de recherche et de sauvetage. A l’issue du sauvetage, les autorités italiennes ont assigné au Geo Barents le port éloigné d’Ancône pour leur débarquement.
Plus d’une centaine d’arrivées autonomes en Italie sur des embarcations pneumatiques, l’une d’elles transportant huit cadavres – Le maire de Lampedusa demande de l’aide.
Durant la première semaine de février, selon La Repubblica, 1 420 personnes ont débarqué en Italie, « un nombre substantiel cohérent avec l’augmentation des arrivées, qui ont doublé depuis l’an dernier (…) ; C’est une nouvelle preuve que le facteur d’attractivité n’existe pas (selon lequel la présence de navires humanitaires inciterait au départ des côtes libyennes) n’existe pas. D’ailleurs, ces derniers jours, dans la zone libyenne de recherche et de sauvetage, en dépit de la présence des deux navires humanitaires le Geo Barents et l’Ocean Viking, aucune embarcation n’a été repérée pendant une semaine.
Au moins 52 personnes auraient quitté Sfax, en Tunisie, le 28 janvier. Durant leur terrible traversée, dix personnes ont trouvé la mort : les sauveteurs italiens ont retrouvé huit cadavres dans une embarcation le 2 février, et ont débarqué 42 rescapé.e.s sur l’île de Lampedusa. L’une des femmes décédées était enceinte. Les corps de deux personnes ont été portés disparus et n’ont pu être retrouvés après les premières opérations de sauvetage : les rescapé.e.s ont indiqué aux enquêteurs qu’un bébé de quatre mois était passé par-dessus bord au moment où sa mère, qui le tenait dans ses bras, s’est écroulée, morte de froid. Un homme se serait noyé en essayant de repêcher le corps du bébé.
Les 4 et 5 février, plus d’une centaine d’arrivées autonomes a été comptabilisée sur des embarcations pneumatiques à Lampedusa.
Une femme a également été retrouvée accrochée à son gilet de sauvetage dans le détroit de Sicile. Elle a été secourue par un bateau de pêche tunisien dans la nuit du vendredi 3 au samedi 4. Le maire de Lampedusa, Filippo Mannino, a demandé de l’aide au gouvernement, en expliquant que « des migrants morts arrivaient pratiquement chaque semaine pour être enterrés à Lampedusa ».
Les interceptions et retours forcés en Libye continuent, et s’étendent aux bateaux de pêche italiens.
Au cours des deux dernières semaines, 531 personnes ont été interceptées et ramenées de force en Libye alors que, le 6 février, l’Italie a commencé à fournir les premiers des cinq nouveaux bateaux promis aux garde-côtes libyens.
Entre le 29 janvier et le 4 février 2023, 131 hommes, femmes et enfants ont été intercepté.e.s par les autorités maritimes libyennes et ramené;e.s de force en Libye, selon l’Organisation internationale des migrations.
Entre le 5 et le 11 février, ce nombre a grimpé à 400.
Pendant ce temps, le 3 février, quatre bateaux de pêche italiens engagés dans une campagne de pêche à environ 80 miles nautiques au nord de Tripoli ont été approchés par un patrouilleur libyen qui a essayé de saisir leurs embarcations.
Cet incident a provoqué une rapide intervention de la marine nationale italienne, dont le navire San Marco et son hélicoptère ont repoussé le patrouilleur libyen et mis fin à la tentative de saisie des bateaux.
Le tribunal de Catane décide que le décret interministériel italien représentait « un comportement illicite » alors que le gouvernement italien présente ses excuses pour sa décision « incorrecte et diffamatoire » de porter plainte contre le Juventa.
Le 6 février, le tribunal de Catane, en Sicile, a décidé que la publication d’un décret interministériel interdisant au navire de sauvetage Humanity 1 de SOS Humanity, le 4 novembre 2022, de faire escale dans les eaux internationales, était « un comportement illicite ». Il aurait empêché « d’une façon discriminatoire le droit de porter secours et d’accéder à la procédure d’asile » pour une partie des 179 rescapé.e.s à bord. « Cette décision d’un tribunal italien souligne que le nouveau gouvernement italien est obligé de respecter le droit international », selon Mirka Schaefer, chargée de plaidoyer à SOS Humanity.
Dans une autre affaire, le 10 février, le procès de 21 défenseurs des droits humains engagés dans des missions de secours en mer a commencé. L’équipage du navire de recherche et de sauvetage Juventa et les membres de plusieurs ONG dont Sea Watch, Save the Children et Médecins sans Frontières, sont accusé.e.s « d’avoir collaboré avec des trafiquants d’êtres humains pour permettre l’entrée non autorisée de migrants » en Italie entre 2016 et 2017, lors de ce qui représente le plus grand procès du pays contre des ONG de secours en mer.
Les procédures en cours ont été condamnées par la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme Mary Lawlor, qui a appelé à « la fin de la criminalisation des défenseurs des droits humains engagés dans des missions de sauvetage en mer ».
Au cours du procès, selon l’équipage du Iuventa, le gouvernement italien a présenté ses excuses pour sa décision « incorrecte et diffamatoire » d’intervenir en tant que plaignant contre le Juventa.
Crédit photo : Nissim Gasteli / SOS MEDITERRANEE