Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des deux dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous intervenons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.
De nombreux sauvetages menés par des navires humanitaires et des autorités maritimes, avec la désignation de ports sûrs mais éloignés
Le 16 décembre 2022, le Sea-Eye 4 a réalisé le sauvetage de 63 personnes avec la coopération de Mission Lifeline. Le lendemain, Sea-Eye 4 a reçu l’ordre des autorités maritimes italiennes de débarquer immédiatement les 63 rescapé.e.s à Livourne, alors qu’il participait à la recherche d’une autre embarcation en détresse. L’embarcation a finalement été retrouvée et secourue dans la région de recherche et de sauvetage de Malte, dans la nuit du 18 au 19 décembre. 45 personnes ont été secourues. Après une navigation de quatre jours, les 108 personnes rescapées ont pu débarquer.
Le 17 décembre, le Rise Above, affrété par Mission Lifeline, a porté secours à 27 personnes, parmi lesquelles neuf femmes et deux bébés. Peu de temps après le sauvetage, l’équipe a reçu les instructions de débarquer les 27 rescapé.e.s dans le port de Gioia Tauro. Ces personnes ont débarqué le 19 décembre dans le port militaire fermé.
Life Support, le nouveau navire de recherche et de sauvetage de l’ONG Emergency, a mené sa première opération de sauvetage le 18 décembre, en fournissant une assistance à 72 personnes (dont une femme enceinte, deux enfants de moins de 2 ans et 24 mineurs non accompagnés) dans la région de recherche et de sauvetage libyenne. Peu de temps après ce sauvetage, le port de Livourne a été assigné pour le débarquement des rescapé.e.s. Le même jour, le voilier Astral d’Open Arm a pu stabiliser un bateau en bois en détresse avec 160 personnes à son bord.
Le 21 décembre, le journaliste italien Sergio Scandura, de Radio Radicale, a rapporté que 280 personnes avaient été secourues par les garde-côtes italiens au large de Licata.
Le même jour, le Rise Above a procédé au sauvetage de 80 personnes. Le 22 décembre, l’équipage a indiqué qu’après avoir reçu l’ordre de débarquer les rescapé.e.s à Roccella Ionica, il a ensuite reçu l’instruction de naviguer vers Tarente, 150 milles marins plus loin. Les personnes rescapées ont pu débarquer le 24 décembre, après plusieurs évacuations médicales.
Dans la nuit du 26 au 27 décembre, l’Ocean Viking a porté secours à 113 femmes, enfants et hommes, dont 34 mineur.e.s non accompagné.e.s, dans la région de recherche et de sauvetage maltaise. Peu de temps après, les autorités maritimes italiennes ont assigné à l’Ocean Viking un lieu sûr éloigné, La Spezia, exhortant le navire à se rendre rapidement sur place. Quelques heures plus tard, les autorités lui ont assigné un nouveau port encore plus éloigné : Ravenne, à 900 milles marins, à au moins quatre jours de navigation. Les personnes secourues ont finalement débarqué le 31 décembre à Ravenne.
Le 27 décembre, le journaliste de Radio Radicale Sergio Scandura a rapporté que 480 personnes avaient été secourues par les garde-côtes italiens et débarquées dans trois ports siciliens : Catane, Messine et Augusta.
L’année 2023 a commencé avec deux opérations de sauvetage menées par le Geo Barents (MSF), conformément aux instructions fournies par le Centre italien de coordination du sauvetage maritime. Au total, 41 personnes ont été secourues le 1er janvier, suivies de 44 autres, transbordées depuis un navire marchand le 2 janvier. Plus tard dans la journée, le Geo Barents a reçu l’ordre de se rendre à Tarente pour débarquer les rescapé.e.s. Ces 85 personnes ont débarqué le 4 janvier, après de deux jours de navigation avant d’atteindre la terre ferme.
Le 2 janvier, le même journaliste a fait état d’une vaste opération de sauvetage menée par les garde-côtes italiens, au cours de laquelle 546 personnes secourues à bord d’un chalutier ont été débarquées à Catane, Messine puis Roccella Ionica.
De multiples naufrages et corps sans vie enregistrés en Méditerranée centrale, tandis que se poursuivent les retours forcés vers la détention arbitraire et les mauvais traitements en Libye
Le 15 décembre, les autorités tunisiennes ont signalé à la ligne d’urgence Alarm Phone qu’au moins quatre personnes étaient mortes lorsque leur embarcation a coulé près de Sfax. Selon ces autorités, 26 des 30 personnes à bord ont été secourues.
Quelques jours plus tard, l’agence de presse italienne ANSA rapportait que la Garde nationale tunisienne avait démenti les accusations de 50 associations et ONG tunisiennes et internationales selon lesquelles « il existe des preuves de plus en plus manifestes que les garde-côtes tunisiens sont directement impliqués dans des manœuvres dangereuses qui coûtent la vie à de nombreux migrants ».
Le 19 décembre, un naufrage au large de Lampedusa a causé la mort d’une fillette de cinq ans. Le 24 décembre, les autorités tunisiennes ont signalé avoir retrouvé quatre corps sur la côte tunisienne, dont celui d’une femme enceinte. Selon les autorités tunisiennes, ces personnes auraient pris la mer depuis la Tunisie ou la Libye voisine.
En tout, plus de 18 000 personnes ont atteint les côtes italiennes depuis la Tunisie en 2022, selon le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). Elles sont 580 personnes à avoir été portées disparues au cours de leur traversée.
Au total, entre le 11 et le 31 décembre 2022, 2 130 hommes et femmes ont été intercepté.e.s par les autorités maritimes libyennes et renvoyé.e.s de force en Libye, selon l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) : 1 042 entre le 11 et le 17 décembre et 1 088 entre le 25 et le 31 décembre. Pendant ce temps, le pays reste en proie au chaos, avec de violents combats qui ont éclaté dans la ville côtière de Sabratha le 16 décembre.
L’UE lance des initiatives pour répondre aux défis posés par les routes migratoires en Méditerranée centrale, alors que la présidence italienne signe un nouveau décret sur la sécurité
Le 12 décembre, l’Union européenne a lancé deux « Initiatives de Team Europe » axées sur les routes migratoires de l’Atlantique, de la Méditerranée occidentale et de la Méditerranée centrale. Selon la Commission européenne, ces initiatives « contribueront à mettre en œuvre la dimension extérieure du nouveau pacte sur la migration et l’asile, et combineront les activités des États membres avec la coopération et la coordination au niveau européen, grâce à une approche globale ».
Le 2 janvier, un nouveau décret sur les « dispositions urgentes pour la gestion des flux migratoires » a été signé par la présidence italienne. Vingt ONG de recherche et de sauvetage ont publié une déclaration le 5 janvier pour exprimer « leurs plus graves préoccupations concernant la récente tentative d’un gouvernement européen d’entraver l’assistance aux personnes en détresse en mer».
Le gouvernement italien interviendra en tant que plaignant dans le procès contre quatre membres de l’équipage du navire Iuventa
Un palier a été franchi le 19 décembre concernant le procès de quatre membres de l’équipage du navire Iuvena, le ministère italien de l’Intérieur et le bureau du Premier ministre ayant demandé à être admis en tant que co-plaignants dans le procès.
Cinq ans après le début des enquêtes, le tribunal de Trapani en Sicile a lancé le procès en mai 2022. Les quatre membres d’équipage sont accusés d’avoir «aidé et encouragé l’immigration illégale» par des sauvetages effectués entre septembre 2016 et octobre 2017. Ils risquent jusqu’à 20 ans de prison s’ils sont reconnus coupables.
Photo : Micheal Bunel / SOS MEDITERRANEE