Des centaines de femmes, d’enfants et d’hommes secourus par des citoyens alors que les blocages se multiplient pour leur débarquement
Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des deux dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous intervenons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.
Depuis le matin du 9 mai et au cours des 72 heures suivantes, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont secouru 470 personnes sur sept embarcations en détresse dans les zones de recherche et de sauvetage libyenne et maltaise et les ont amenées à bord du Geo Barents, sans aucune coordination de la part des autorités maritimes. Après sept jours d’attente, le 18 mai, le Geo Barents s’est vu affecter le port d’Augusta pour le débarquement des rescapé.e.s.
MSF a dénoncé ce retard prolongé dans la désignation d’un lieu sûr pour débarquer les rescapé.e.s, qui « se rapproche de la moyenne de 8,5 jours* atteinte lorsque les activités SAR étaient ouvertement persécutées ». Le processus de débarquement a commencé le 19 mai, mais a été interrompu à mi-chemin. Les autorités italiennes ont ordonné au Geo Barents de jeter l’ancre avec 238 personnes à bord, « dont certaines avec des membres cassés, ainsi qu’un patient diabétique », a déclaré MSF. Le lendemain matin, six personnes secourues ont sauté par-dessus bord. Toutes ont été récupérées par l’équipage du Geo Barents. Le débarquement s’est finalement achevé le 21 mai.
Le 10 mai, suite aux alertes lancées par l’avion Colibri2 des Pilotes Volontaires concernant deux embarcations en détresse, 110 et 112 personnes ont été secourues par les garde-côtes italiens, avec la collaboration du Sea-Watch 4.
Le 15 mai, le port de Pozzallo, en Sicile, a été affecté au Sea-Eye 4 comme lieu de sécurité pour le débarquement de 58 personnes secourues lors de deux opérations distinctes dans la zone maltaise de recherche et de sauvetage plus tôt dans la semaine.
Suite au sauvetage d’un total de 145 personnes évacuées d’embarcations impropres à la navigation et surchargées dans la région libyenne de recherche et de sauvetage entre le 4 et le 8 mai, le Sea-Watch 4 a été autorisé à débarquer les rescapé.e.s dans le port d’Augusta, en Sicile, le 16 mai. Le débarquement a eu lieu le lendemain.
Entre le 18 et le 21 mai, le voilier Astral, de l’ONG Open Arms, a contribué au sauvetage de trois embarcations en détresse dans la zone libyenne de recherche et de sauvetage, en lançant une alerte et en portant assistance aux passagers en détresse. Le 22 mai, l’Astral a porté assistance à une quatrième embarcation en détresse finalement secourue par l’Ocean Viking.
Entre le 19 et le 23mai, l’Ocean Viking a secouru 296 personnes lors de quatre opérations de sauvetage distinctes. Au total, 158 rescapé.e.s sur deux bateaux pneumatiques en détresse ont été secouru.e.s. dans la zone libyenne de recherche et de sauvetage. Parmi elles figuraient six femmes enceintes, plusieurs enfants et un bébé de 3 mois. Les rescapé.e.s ont signalé la disparition d’une personne tombée à l’eau quelques heures avant le sauvetage. Le 22 mai, lors d’une opération de sauvetage de nuit, 75 rescapé.e.s ont été évacué.e.s d’un canot pneumatique en détresse, après que le voilier Nadir, de l’ONG ResQ, leur ait porté assistance en stabilisant la situation pendant plusieurs heures. Plus tôt, l’Ocean Viking avait recherché un bateau signalé en détresse par le réseau civil Alarm Phone, dont il a été confirmé plus tard qu’il avait été intercepté par les garde-côtes libyens. L’équipe de l’Ocean Viking a aperçu un patrouilleur libyen transportant de nombreuses personnes. Les rescapé.e.s ont très probablement été ramené.e.s illégalement en Libye.
Le 23 mai, quelques heures après l’évacuation sanitaire d’un rescapé secouru la nuit précédente, l’équipe à bord de l’Ocean Viking a effectué un quatrième sauvetage, de 64 personnes, se trouvant sur une embarcation en bois en détresse repérée et stabilisée par le voilier Astral. Au total, 296 personnes sont désormais prises en charge par les équipes de la FICR (Fédération Internationale des sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge) et de SOS MEDITERRANEE à bord du navire.
Le 25 mai, une tragique opération de sauvetage s’est produite. Alors que le voilier Astral d’Open Arms tentait de porter assistance à une embarcation en bois en détresse avec plus de 100 personnes à bord, l’embarcation a chaviré. En coopération avec le voilier Nadir de ResQship, les rescapé.e.s ont été récupéré.e.s à bord de radeaux de sauvetage. A l’heure actuelle, on ne sait pas si certaines personnes ont trouvé la mort.
95 personnes mortes ou portées disparues en mer
L’Organisation internationale pour les migrations a signalé le naufrage, au large des côtes de Sfax en Tunisie, d’une embarcation transportant une centaine de personnes. Parmi elles, 24 personnes ont pu être secourues, 76 autres sont toujours portées disparues. L’embarcation serait partie de la ville côtière de Zuwara, en Libye.
Alarabiya News a signalé un naufrage tragique au large des côtes tunisiennes le 20 mai : «trois personnes ont été retrouvées mortes et dix autres auraient disparu après le chavirement de leur bateau». 44 autres, à bord de la même embarcation, ont été secourues par les garde-côtes tunisiens.
Le 24 mai, le journaliste italien S. Scandura a signalé un autre naufrage ayant causé la mort de trois personnes et la disparition de trois autres, tandis que 17 rescapé.e.s étaient intercepté.e.s par les garde-côtes libyens.
Au large de la Libye, une augmentation spectaculaire des retours illégaux a été signalée par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Au total, 1 625 personnes ont été interceptées et renvoyées de force en Libye par les garde-côtes libyens au cours de ces deux dernières semaines : 996 entre le 8 et le 14 mai et 629 entre le 15 et le 21 mai 2022.
Les autorités maritimes maltaises font le silence à plusieurs reprises sur des opérations de sauvetage
Selon le Times of Malta, le 12 mai, les autorités maltaises ont ignoré les alertes concernant une embarcation en détresse avec 24 personnes à bord dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise. Quelques jours plus tard, le 16 mai, une autre embarcation en détresse avec 26 personnes dans la même zone est restée seule pendant plusieurs heures. Les personnes à bord ont déclaré avoir été en mer pendant trois jours et manquer de nourriture et d’eau. La première embarcation a été secourue par le Sea-eye 4. Selon S. Scandura, la seconde embarcation a finalement été secourue par les garde-côtes italiens au large des côtes de Syracuse le 17 mai.
Arrivées autonomes en Italie : une grande embarcation en bois a traversé la Méditerranée centrale avec 450 personnes à son bord
Le 15 mai, 79 personnes à bord d’un voilier ont été secourues par les garde-côtes italiens et débarquées à Pozzallo.
Selon le journal SKY, 269 personnes à bord de trois bateaux ont atteint de manière autonome les eaux au large de Lampedusa le 16 mai, et ont débarqué dans les heures suivantes sous la supervision des autorités italiennes.
Selon Ansa, un bateau de pêche avec 450 personnes à bord a débarqué de manière autonome dans le port de Pozzallo, escorté par la Guardia di Finanza et les autorités portuaires le 17 mai.
Le 24 mai, une embarcation en fibre de verre de 12 mètres avec 110 personnes à bord est arrivée de manière autonome à Lampedusa.
En Italie, début du procès contre quatre membres de l’équipage de l’Iuventa
Cinq ans après le début de l’enquête, le tribunal de Trapani en Sicile a ouvert le procès de quatre membres d’équipage du navire Iuventa. Ils sont accusés d’avoir aidé et encouragé l’immigration illégale. D’autres membres des ONG Save the Children et MSF sont poursuivis dans la même affaire à la suite d’activités de sauvetage menées en 2017.
Un appel de l’ONU à « sauver des vies en mer »
Le 18 mai, l’OIM a lancé un « Appel à sauver des vies en mer » avec cinq autres agences des Nations Unies (Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés – HCR, Haut-Commissariat aux droits humains – HCDH, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime – ONUDC, Fonds des Nations Unies pour l’enfance – UNICEF, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des migrants). Ces organisations des Nations Unies rappellent aux États leurs responsabilités en matière de recherche et de sauvetage en mer et insistent sur le fait qu’un sauvetage ne se termine qu’après le débarquement des personnes secourues dans un « lieu sûr » tel que défini par le MSC.167(78) de l’Organisation maritime internationale – Lignes directrices sur le traitement des personnes secourues en mer : « un lieu sûr est un lieu où les opérations de sauvetage doivent être menées à leur terme ; où la vie des personnes secourues n’est plus menacée et où leurs besoins humains fondamentaux (tels que la nourriture, le logement et les soins médicaux) peuvent être satisfaits, en tenant compte de la situation particulière de chaque individu (MSC.167(78), par. 6.12 et 6.15) ».