3 questions à Mary, membre de l’équipe de sauvetage
14 juillet 2020

« Étant souvent la seule femme à bord du RHIB, je connecte rapidement avec les femmes et les enfants que nous secourons. Ils ont tendance à m’entourer de leurs bras avec soulagement.« 

C’est masquée que Mary a embarqué sur l’Ocean Viking. Coronavirus oblige. Elle connaît bien le sauvetage en mer, pour avoir navigué sur l’Aquarius six mois entre 2016 et 2017. Si la jeune femme étudie aujourd’hui pour devenir sage-femme, elle reste avant tout marin-sauveteur et nous partage son expérience à bord de l’Ocean Viking.

1. Qu’est-ce qui vous a décidée à participer à la 9e mission de l’Ocean Viking en dépit du COVID-19 ?

« Malgré la pandémie mondiale, des gens continuent de risquer leur vie pour fuir la Libye. Ils ont le droit d’être secourus et de vivre. Confinement ou pas, certaines activités – comme le sauvetage en mer – ne peuvent tout simplement pas attendre plus longtemps. En raison des perturbations du contexte maritime, SOS MEDITERRANEE avait dû rester à quai, le temps pour l’organisation d’adapter ses protocoles au contexte sanitaire. Nous sommes maintenant opérationnels pour mener notre mission dans les conditions les plus sûres possibles. Le défi logistique est de taille, mais nous avons un devoir envers ceux qui chaque jour risquent leur vie pour trouver la sécurité. Toutes les précautions sont prises pour protéger notre équipage et ceux que nous secourons. »

2. Qu’est-ce que vous trouvez le plus difficile dans une opération de sauvetage ?

« L’inconnu ! Chaque sauvetage peut prendre une tournure dramatique à tout moment. C’est une éventualité à laquelle nous devons être préparés. Tant que tous les rescapés ne sont pas en sécurité à bord du navire, tout peut basculer. Voguer sur des bateaux impropres à la navigation et surchargés sur une mer aussi dangereuse met leur vie en danger. La plupart d’entre eux n’ont aucune idée de la distance qui sépare l’Italie de la Libye.* Plusieurs m’ont raconté que les passeurs leur disaient de se diriger vers les plateformes pétrolières situées juste au large des côtes libyennes et qu’au matin, ils seraient là… en Italie ! Ainsi, lorsqu’ils constatent le nombre d’heures nécessaires pour atteindre un port européen à bord d’un vrai navire, ils sont choqués par la distance à parcourir et prennent brutalement conscience qu’ils n’auraient jamais pu y arriver dans ces petits esquifs. »

3. Comment se déroule le premier contact avec les naufragés ?

« Lorsque nos canots de sauvetage rapides (RHIB) approchent des embarcations en détresse, un sauveteur adresse un premier message aux naufragés : il explique qui nous sommes, ce que nous allons faire et dit aux gens de rester calmes et de suivre les instructions. Comme je suis souvent l’une des seules femmes dans les RHIB, lorsque nous secourons des femmes et des enfants, je me sens particulièrement liée à elles. Il arrive souvent qu’elles m’enlacent en montant sur le canot, tout en pleurant de soulagement. Une femme m’a même offert un collier en signe de gratitude ! Cela m’a vraiment touchée car ces personnes ont fui avec pour seul bagage les vêtements qu’elles portaient, Elles sont conscientes que leur seule chance de survivre, c’est d’être secourues : c’est un moment capital ! Par ailleurs, des conditions plus difficiles en mer peuvent entraîner du stress, voire de la panique. La nuit, la connexion est parfois difficile à établir avec les rescapés… dans ces moments-là, c’est incroyable l’effet qu’un sourire peut produire ! »