Marc, marin-sauveteur au sein de SOS MEDITERRANEE
4 septembre 2020

Marc travaillait comme plongeur professionnel avant de rejoindre SOS MEDITERRANEE en 2017. Depuis lors, il a participé à huit missions de sauvetage, à bord de l’Aquarius et de l’Ocean Viking. Suite à ses premières missions en mer, Marc et trois autres marins-sauveteurs et responsables des opérations ont développé des formations théoriques et pratiques au sauvetage en mer afin de maintenir et même renforcer le niveau de professionnalisme des équipes de SOS MEDITERRANEE.

Comment peut-on être prêt pour un sauvetage d’urgence ?

On ne peut jamais être complètement préparé à secourir des personnes en détresse en mer. Chaque situation est différente. Le type de bateau, son état, le nombre de personnes, leur état de santé physique et mental, les conditions météorologiques… beaucoup de facteurs entrent en considération. Je ne me sens jamais assez prêt. De plus, si je commence à penser que je sais faire, je normalise notre mission. Avant toute autre considération, il me paraît essentiel de rappeler que notre travail et notre mission ne devraient pas exister.

Nous avons toutefois accumulé beaucoup d’expérience et de savoir-faire au cours de nos quatre années d’activité en mer Méditerranée centrale. Nous avons donc développé des formations, fondées sur ces expériences, afin de donner des outils pratiques à nos marins-sauveteurs et leur permettre d’être en capacité de réfléchir vite et de prendre les meilleures décisions possibles en fonction du contexte. Il y a toujours des choses qui peuvent mal tourner lors d’un sauvetage. Dès que nous nous approchons d’une embarcation en détresse, la situation peut dégénérer. Les personnes en détresse peuvent paniquer et déstabiliser leur bateau déjà fragile, par exemple. Quand nous parlons de sauvetage, nous devons donc d’abord prendre la mesure de ce qui relève de notre “sphère d’influence”. Cela nous permet de comprendre et de rappeler que nous ne pouvons pas tout contrôler. Il arrive que, bien que nous ayons respecté toutes nos procédures pour sécuriser au mieux notre opération, un sauvetage devienne critique. Toutefois, si dans ces moments-là nous parvenons à nous appuyer sur les outils que nous avons conceptualisés, nous pouvons maximiser notre capacité à sauver des vies.

Comment SOS MEDITERRANEE forme-t-elle ses marins-sauveteurs ? 

Tout d’abord, il y a beaucoup de lectures. Nous avons rédigé un manuel intitulé Offshore Mass Rescue Guidelines (En Français : “Lignes directrices de sauvetage de masse en mer”). Chaque marin-sauveteur au sein de SOS MEDITERRANEE se doit de le lire avant même de monter à bord. Nous sommes plusieurs marins-sauveteurs à avoir travaillé dessus, à avoir apporté notre expérience, pour que ce livret soit le plus complet possible. Le mot « Guidelines » est très important pour nous. Chaque sauvetage étant différent, nous ne partons pas en mission avec des règles ou des procédures très strictes. Nous partons avec des principes, des recommandations et avec un état d’esprit commun.  

Notre objectif vise à transmettre une manière de réfléchir. Nous voulons que chaque membre de l’équipe soit le plus préparé et flexible possible afin de pouvoir réagir vite et d’être en mesure de s’adapter à toute situation.

Ce livret ne s’applique pas qu’aux nouveaux sauveteurs. Il doit également être lu et relu avant chaque nouvelle mission par nos marins-sauveteurs expérimentés. Nous avons aussi décliné les éléments clés en version courte, sur un support qui tient dans la poche et résiste à l’eau, afin de permettre à chaque sauveteur de les avoir sur lui au cours des opérations.

Ce manuel n’est toutefois qu’un premier outil qui permet de transmettre les bases. Avant chaque nouvelle mission, et pendant que nous sommes en route vers la zone de recherche et de sauvetage, nous organisons de nombreuses sessions de travail théoriques et pratiques, sur l’Ocean Viking et avec nos canots de sauvetage en mer, afin de mettre en pratique ce que nous expliquons dans le manuel. C’est l’occasion pour les équipes de simuler des sauvetages, d’intégrer les gestes à connaître, de savoir entretenir le matériel et les équipements, et de permettre à chacun de se projeter en situation.

Ces sessions de travail en commun permettent également de construire un esprit d’équipe. C’est un élément majeur dans la réussite de notre mission. Une fois que nous sommes en opération, nous devons nous faire confiance et nous comprendre instantanément.

SOS MEDITERRANEE prévoit-elle de partager ses formations avec d’autres marins et navires ?  

Oui, tout à fait. Le manuel que nous avons créé a vocation à être utile au plus grand nombre. Nous sommes d’ailleurs en train de travailler dessus afin de le rendre public prochainement.

Nous le complétons régulièrement. Le contexte en mer évolue beaucoup et rapidement. On l’a encore vu depuis août 2019 sur l’Ocean Viking, les embarcations auxquelles nous avons porté secours ont évolué. Nous devons être le plus informé possible sur les types d’embarcations qui prennent la mer et les langues parlées par les personnes qui fuient via la Méditerranée centrale afin de pouvoir agir et interagir avec elles au mieux. Il est très important d’échanger avec les personnes en détresse au cours d’une opération de sauvetage, il n’y a pas que le matériel et les techniques d’évacuation qui comptent.

Nous abordons chaque type de bateaux de manière différente aussi. Leur taille, les matériaux, le nombre de personnes à bord ou encore l’état de leur structure influent sur nos modes opératoires. Par exemple, nous savons que les bateaux en caoutchouc présentent de grands risques de se dégonfler ou de se casser par le milieu, tandis que des bateaux en bois présentent de plus grands risques de chavirer. Nous avons développé des techniques d’approche et des façons d’évacuer les personnes à leur bord en fonction de ces caractéristiques. Les conditions météorologiques peuvent aussi grandement influer sur nos décisions.  

Nous avons pensé toutes nos formations sur la base de nos erreurs et de nos réussites. Cela peut servir à beaucoup de marins, qu’ils soient sauveteurs professionnels ou non. Nous l’avons déjà fait, en partageant notre savoir-faire avec l’ONG italienne Mediterranea et son navire le Mare Jonio. Je suis certain que notre expérience peut se révéler utile à beaucoup de navires et organisations. L’équipage du navire Maersk Etienne (NDRL : Bateau commercial en attente pendant des semaines d’un lieu sûr où débarquer 27 personnes en détresse secourues le 4 août dernier), n’avait certainement jamais imaginé se trouver en situation de porter secours à des personnes dans un frêle bateau en bois sur le point de couler, nous oui. Je crois qu’il est important de pouvoir partager notre expérience, pour sauver plus de vies.

Crédit photo : Hannah Wallace Bowman / MSF

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