« Après le sauvetage, soigner les blessures, soulager les angoisses » 
30 janvier 2025
À chaque mission de l’Ocean Viking, des journalistes montent à bord pour témoigner, de manière indépendante, de la situation en mer. En octobre dernier, Esther Serrajordia, journaliste pour La Croix, a partagé le quotidien de l’équipe médicale. Dans un article sensible, ponctué de témoignages, elle décrit les consultations et les relations qui se tissent au fil de l’eau avec les personnes rescapées, et comment on peut soigner des personnes dont on ne parle pas la langue. Extraits. 

Lire gratuitement l’article complet dans La Croix 

Mercredi 30 octobre, une demi-journée à peine après le sauvetage de 25 personnes naufragées, le va-et-vient est incessant. En quelques heures, la médecin et l’infirmière, Tuulia et Païvi, 44 et 48 ans, toutes deux Finlandaises venues avec la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, reçoivent 18 des 25 rescapé.e.s. L’un d’eux, placé en salle d’observation, dort. Très affaibli, il ne tenait plus debout. L’un des marins, ancien infirmier, a dû l’aider à prendre une douche. 

[…]  

Sur le pont, Sohan* mime la position qu’il a gardée des jours, entiers en s’accrochant aux autres. Pour ne pas tomber à l’eau à cause d’une vague, les personnes naufragées se sont maintenues par les coudes tout en s’agrippant à la barque.  […] Elles ne parlent qu’arabe, un seul comprend l’anglais. Les dialogues entre elles et avec les membres de l’équipage s’improvisent à partir de signes et de quelques mots. 

« On parle avec les mains. Pour moi qui suis italienne, c’est facile (rires) » 

Caterina, cheffe de l’équipe médicale 

Sur la poupe, à l’arrière du bateau, un adolescent interpelle Meliya, la sage-femme. Avec son index, il pointe son front puis dessine des ronds dans l’air. « Ah tu as la tête qui tourne », répond-elle en français, lui montrant qu’elle a compris. « Je t’apporte quelque chose, je reviens. » Le jeune homme lui sourit, lève son pouce en l’air, puis réfléchit avant de prononcer : « Thank you ». 

Dans la clinique, l’équipe médicale utilise l’aide cruciale de Sahar, la médiatrice culturelle, mais il arrive que cette dernière ne connaisse pas le dialecte des personnes secourues. « Déjà que soigner dans une autre langue, c’est compliqué, là on passe à la difficulté supérieure », rapporte Caterina, cheffe de l’équipe médicale. « On utilise des outils. Par exemple, pour la gale, pathologie très fréquente chez les patient.e.s qu’on reçoit, nous avons des scripts dans toutes les langues possibles et imaginables. Ensuite, on parle avec les mains. » 

Cette fois, au bout de la troisième visite à la clinique, la médecin Tuuli n’a même plus besoin de dire un mot lors des premières minutes de la consultation. La traductrice a retenu les questions à poser. « Est-ce que tu as mal quelque part ? », « As-tu suffisamment mangé et bu d’eau depuis que tu es arrivé.e sur le navire ? », « Ta peau te gratte-t-elle ? », « Prends-tu des médicaments? ».  

[…] 

Rongé par les crises d’anxiété, Abel* ne cesse de remercier l’équipage du bateau pour leurs soins et leur bienveillance. « C’est étrange ici, tout le monde sourit », remarque-t-il. « Il y a quelques heures, je pensais que j’allais mourir. Mais là, ça fait longtemps que je ne me suis pas senti aussi vivant. » 

Pour en savoir plus, téléchargez notre dossier médical : « Prendre soin de l’humanité qui nous rassemble »

* Le nom des personnes rescapées est modifié pour préserver leur anonymat. 

Crédit pour la photo en haut de page : Camille Martin Juan/SOS MEDITERRANEE 

Contenu | Menu | Bouton d