Face à l’effacement, de fait, des principes humanitaires en Méditerranée et aux entraves imposées aux ONG de recherche et sauvetage en mer, le Dr Pierre Micheletti, administrateur de SOS MEDITERRANEE, Sophie Beau, fondatrice et directrice générale ainsi que Soazic Dupuis, la directrice des opérations, signent ensemble une tribune publiée par l’Institut Rousseau dénonçant la « stratégie d’épuisement » menée par les autorités italiennes et libyennes avec la passivité de l’Union européenne, il et elles alertent aussi sur le coût humain et moral de ces pratiques qui mettent en danger les sauveteur.euse.s et condamnent des naufragé.e.s à la mort. Extraits.
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On assiste en Méditerranée à un effacement de fait des principes humanitaires que l’Union européenne (UE) brandit volontiers dans les cénacles internationaux, dès lors qu’il ne s’agit pas du franchissement de ses frontières. Dans ce cas, le principe d’humanité[1] semble s’évaporer. Epuisement, violences et privations de liberté deviennent alors des options délibérées notamment menées par le gouvernement italien ou son supplétif, le gouvernement libyen, pour contrer les actions des ONG de sauvetage en mer. L’UE entérine ainsi tacitement la surmortalité des naufragé.e.s, comme les potentielles conséquences pour la sécurité des acteurs humanitaires qui découlent des stratégies déployées. En effet, aucune réaction utile de la part de la Commission européenne ou des autres Etats membres par l’intermédiaire du Conseil de l’Union européenne.
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Les dangereux mécanismes qui se cumulent, tolérés sans vergogne de facto par la Commission européenne et les autres Etats membres de l’UE, déploient en toute impunité des objectifs de bannissement des acteurs de la société civile engagés dans l’aide humanitaire en Méditerranée.
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Les équipages sont le SAMU de la mer. Les marins-sauveteurs et les soignants ne se préoccupent pas de l’origine et des mobiles de la traversée des naufragés, ils interviennent auprès de personnes en danger de mort. Les actions de secours sont toujours extrêmement délicates, car les facteurs de risques se cumulent : état de fragilité et de délabrement des bateaux ; densité des occupant.e.s dépourvu.e.s de gilets de sauvetage ; conditions météo ; état de dénutrition et d’épuisement des personnes transportées…
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L’épuisement financier renforce la stratégie d’étouffement par le surcoût en carburant qui découle des longues distances inutilement parcourues. Un surcoût estimé à 600 000 euros en 2024 pour SOS Méditerranée.
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Tout ceci constitue un énorme gâchis qui, en bout de chaîne, se traduit par des morts et des disparitions qui pourraient être évitables. Il faut que cessent ces pratiques. « Primum non nocere » (« en premier ne pas nuire »). Telle est la devise des équipes de sauvetage. L’UE doit se ressaisir, faire sienne cette considération fondamentale, et la mettre en pratique. En conséquence, la Commission européenne doit fermement condamner les États membres et les États partenaires de l’Union européenne qui bafouent ainsi le droit humanitaire.
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SOS MEDITERRANEE s’est vue récompensée d’une « mention spéciale » à l’occasion du « Prix des Droits de l’Homme 2024 de la République Française ». Une raison supplémentaire pour que la France veille à protéger l’association récompensée, et, à travers elle, contribue à éloigner les menaces qui pèsent sur l’ensemble des ONG humanitaires en Méditerranée.
Crédit photo: Alisha Vaya / SOS MEDITERRANEE

