6 août
Me voilà de nouveau à Marseille depuis dimanche soir.
J’ai réalisé mes doubles-pages en bande dessinée pour Libération sur la situation de l’Ocean Viking en Sicile, réussi à les convaincre de l’importance d’un sujet auquel ils croyaient peu. Le sujet a même fait la Une du journal alors que la crise du COVID-19 occupe tout l’espace, quel que soit le nombre de victimes collatérales ou annexes. Du propre aveu de la rédaction du journal, ils ne se rendaient plus autant compte de l’importance de la crise migratoire en Méditerranée actuellement.
Ce soir, je découvre mon dessin en couverture du journal, il fait la Une. Immense satisfaction pour ce mois de travail fait de mille hasards, de mille rencontres, à se laisser porter et ouvert aux choses. Satisfaction de rendre hommage au travail, à l’abnégation, la résilience et la profonde humanité de toutes les strates des équipes de SOS MEDITERRANEE. Ces gens de l’ombre qui se battent pour ces ombres qui sombrent en mer, loin des regards, loin des médias, loin de notre monde autocentré et vacillant face à ce virus qui nous fait perdre le sens du commun et détourne notre regard de ce cimetière marin toujours plus épais.
Dans quatre jours je vais rentrer à La Réunion, retrouver ma vie, mon fils. Après un mois.
C’est important, vital.
L’essentiel est là. Je ne peux me diviser plus avant. Je ne peux pas attendre encore plus que le navire parte en mer. J’ai le luxe du choix. Celui que les migrants n’ont pas.
D’ici un mois, plus, moins, je ne sais pas, je reviendrai, pour embarquer sur ce navire empêché de mer depuis trop longtemps déjà. Privé du plus naturel des droits, de la plus pure des missions, celui de tendre la main à la personne qui se noie.
Tous les soirs, je m’endors avec ces images de migrants au milieu des mers, la nuit, sans lumière, que personne ne voit, qu’on ne regarde pas.
Je repars chez moi plus convaincu que jamais de l’importance de raconter cela.
Être juste un porte-voix.
Je pourrai avoir le choix.
Je ne me le donne pas.
Il est plus rude de savoir sans rien faire que de faire quelque chose.
Ce choix-là, bien souvent les migrants ne l’ont pas.
Ne les oublions pas.