Une nouvelle tendance inquiétante en Méditerranée centrale : des bateaux rapides non identifiés mettent en danger la vie des réscapé.e.s et de l’équipage. 

Une nouvelle tendance inquiétante en Méditerranée centrale : des hommes masqués et armés, sur des embarcations rapides non identifiées ces derniers mois. SOS MEDITERRANE a assisté à une prolifération d’acteurs étatiques et non étatiques en Méditerranée centrale alimentant le cycle des abus en mer et en Libye et qui mettent en danger la vie des personnes naufragées et de l’équipage. 

Outre l’imprudence bien documentée des garde-côtes libyens financés par l’Union Européenne, l’Ocean Viking et d’autres navires de recherche et de sauvetage civils ont été confrontés à plusieurs situations critiques dans la Région de recherche et de sauvetage libyenne (dans les eaux internationales) où des hommes armés, masqués et non identifiés à bord d’embarcations rapides, ont interféré à plusieurs reprises avec les opérations de sauvetage. Les embarcations rencontrées étaient soit des canots pneumatiques à coque rigide (RHIB), soit des bateaux en fibre de verre, de couleur grise ou noire, équipés de puissants moteurs. À plusieurs reprises, ils ont effectué des manœuvres dangereuses autour de l’Ocean Viking, sont venus à proximité des embarcations lors d’opérations de sauvetage, voire ont forcé des personnes en détresse à se jeter à l’eau, provoquant la panique et mettant leurs vies en danger.  

L’apparition de ces acteurs non identifiés, opérant de manière erratique, dans l’opacité la plus totale et sans aucun moyen d’identification, est très inquiétante pour la sécurité de l’équipage et des personnes rescapées.   

Plus que jamais, l’espace humanitaire en Méditerranée subit d’importantes entraves, obligeant les ONG de recherche et de sauvetage à naviguer entre des acteurs armés pour accomplir l’acte le plus nécessaire et le plus simple qui soit : secourir des enfants, des femmes et des hommes pour leur éviter de sombrer au fond de la mer.   

Retour sur trois événements critiques de ces derniers mois  

– Le 9 juillet  

Le 9 juillet, l’Ocean Viking a reçu un appel de détresse d’Alarm Phone, hotline pour les appels de détresse tenue par une ONG, concernant une embarcation en bois surchargée. Peu après, l’équipage a repéré le bateau à deux ponts. Après la distribution des gilets de sauvetage, et alors que l’équipe de SOS MEDITERRANEE évacuait les personnes rescapées vers leurs canots de sauvetage rapides, deux RHIB non identifiés, l’un noir et l’autre gris, sont arrivés à proximité de la scène. L’un des RHIB gris s’est approché du bateau en bois en détresse et deux hommes armés et masqués sont montés à bord alors que certaines des personnes en détresse s’y trouvaient encore. La panique s’est installée et une vingtaine de personnes ont sauté à l’eau, craignant probablement d’être ramenées en Libye.   

L’équipe de l’Ocean Viking est heureusement parvenue à les sortir de l’eau et à toutes les ramener saines et sauves. Un survivant qui s’était jeté à l’eau s’est effondré sur le pont de l’Ocean Viking à son arrivée. Il souffrait d’hypothermie et était en état de détresse émotionnelle.  

À la fin de l’opération de sauvetage, les deux hommes masqués ont ramené le bateau en bois en direction du sud, escortés par les deux bateaux pneumatiques.    

Pour un résumé de l’événement, regardez cette vidéo dans laquelle Jérôme, chef d’équipe de recherche et sauvetage, explique la situation critique :  

– Le 30 juillet : 

Le 30 juillet, l’Ocean Viking a repéré successivement deux bateaux en bois surchargés en détresse. Les canots de sauvetage rapides de SOS MEDITERRANEE ont été mis à l’eau et 96 personnes ont été secourues dans un premier temps. Au cours de l’opération, deux embarcations non identifiées ont été aperçues dans les environs mais sont restées à distance. Peu après, les équipes se sont préparées à un nouveau sauvetage et cette fois, 100 personnes ont été évacuées. Une fois toutes les personnes rescapées sécurisées à bord des canots de sauvetage de SOS MEDITERRANEE, deux autres embarcations non identifiées se sont approchées du lieu de l’opération, tout en gardant leurs distances.   

Dans les deux cas, les individus à bord des bateaux non identifiés étaient masqués et ont ensuite emmené les bateaux en bois vers le sud. 

– Le 9 octobre  

Le 9 octobre, l’équipe de l’Ocean Viking a aperçu aux loin deux bateaux naviguant côte à côte. Soudain, l’un des bateaux a commencé à s’approcher de l’Ocean Viking à grande vitesse. 

Dans un premier temps, l’équipage de SOS MEDITERRANEE a vu deux hommes masqués conduire le bateau rapide de couleur grise. Ce n’est que lorsque le bateau s’est approché très près de l’Ocean Viking que l’équipage a remarqué six autres personnes à bord, qui étaient sous la menace des deux hommes non identifiés. Les six personnes ont été forcées de sauter à l’eau, certaines ne portant pas de gilet de sauvetage. L’embarcation a immédiatement quitté les lieux à grande vitesse.    

L’équipe de SOS MEDITERRANEE a réagi rapidement en mettant à l’eau des canots de sauvetage rapides pour récupérer les six personnes dans l’eau aussi vite que possible. Elles avaient froid et étaient déshydratées. Une personne souffrait du mal de mer et était trop faible pour se tenir debout. Elle a dû être évacuée sur une civière vers l’Ocean Viking.   

Les survivants ont ensuite déclaré à nos équipes que les hommes masqués avaient des armes à bord.  

SOS MEDITERRANEE est profondément préoccupée par la prolifération d’acteurs armés en Méditerranée centrale et par l’escalade des manœuvres et des actes dangereux qui menacent directement la vie des gens. Lors de deux de ces événements, des personnes ont frôlé la noyade sous nos yeux après avoir été mises en danger par ces individus non identifiés.   

SOS MEDITERRANEE a recueilli de nombreux témoignages de personnes rescapées qui attestent d’un comportement irresponsable de la part des milices en Libye, qui travaillent souvent en collusion avec les passeurs, la police et les garde-côtes libyens. Le soutien continu des États européens aux autorités libyennes, qui opèrent avec peu de transparence et de responsabilité, peut contribuer à ces situations critiques en mer.  

Nous demandons instamment aux États européens de respecter leur obligation de rendre des comptes envers les contribuables européens et de faire preuve de transparence lorsqu’ils financent des pays tiers comme la Libye. Nous leur demandons également d’enquêter sur ces événements illégaux.

Crédits photo : Claire Juchat / SOS MEDITERRANEE

 

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