Le 22 octobre 2022, les équipes à bord de l’Ocean Viking ont effectué un sauvetage de nuit. Justine, membre de l’équipe SAR, revient sur ce sauvetage et explique les enjeux liés au manque de visibilité, ainsi que la dangerosité d’une telle opération nocturne.
« L’enjeu majeur des sauvetages de nuit est celui de la visibilité. Quelquefois, la lumière de la lune est une aide à nos lumières de navigation et de recherche pour éclairer notre zone d’opération. Lors de ce sauvetage nocturne du 22 octobre, la mer était calme mais la nuit était noire : à peine un quartier de lune pour nous éclairer.
Au manque de visibilité lié à la nuit, s’ajoute le manque de visibilité des embarcations elles-mêmes. Elles n’ont aucun feu de navigation (souvent seules les lampes des téléphones portables servent de lumière et leur portée est réduite). Le risque de ne pas les localiser est réel. Quelquefois, nous les voyons à la dernière minute, c’est-à-dire que l’embarcation est à moins d’un mille nautique (1,85 km) de l’Ocean Viking, voire complètement à l’abord de notre navire, les mettant en danger de chavirer.
Une fois les embarcations repérées, il y a diverses difficultés à prendre en compte lors du sauvetage de nuit.
Lors de la première approche, il faut une concentration majeure pour ne pas passer à côté d’éléments clefs (une personne qui serait tombée à l’eau dans la nuit noire, l’analyse de la structure du bateau est plus difficile à percevoir, le fait de pouvoir anticiper s’il y a des blessés à bord est plus compliqué…).
La nuit nous pousse également à trouver l’équilibre entre voir et être vu : ne pas s’aveugler entre nos canots de sauvetages tout en ayant une bonne visibilité de la scène ; créer une confiance avec les personnes en détresse alors qu’elles nous voient peu.
Les opérations de nuit mobilisent tous nos sens. Les pilotes se concentrent davantage sur leur ressenti des éléments et la réponse du canot de sauvetage puisqu’ils n’ont aucun contact visuel.
Pour l’équipe en général, les sens sont davantage sollicités afin de compenser l’évidence du visuel qui est limitée : écouter pour repérer des voix et des appels, pour comprendre si les personnes en détresse sont calmes ou anxieuses. Sentir l’odeur de l’essence nous donne par exemple un indicateur sur un potentiel jerricane qui aurait pu être renversé et causer des brûlures aux personnes dans l’embarcation. »
Crédits : Camille Martin Juan / SOS MEDITERRANEE