Sauver des vies : un métier comme les autres ?
3 avril 2023
Claire, Max et des dizaines d’autres se relaient sur l’Ocean Viking. Des femmes et des hommes dont le métier, à haut risque, est de sauver des vies. Si les profils et les origines diffèrent, leur engagement ne fait qu’un.

Voir le diaporama vidéo pour connaître tous les métiers à bord de l’Ocean Viking, qu’ils soient pourvus par SOS MEDITERRANEE ou la FICR*. (Deux minutes)

« Il faut être prête à tout ! »

Claire n’a pas peur de mourir. Même dans les pires situations, lors de sauvetages où la panique gagne les personnes en détresse, qui dans des cas extrêmes peuvent « essayer de sauter dans le canot de sauvetage, ou au milieu de la nuit, ou par plusieurs mètres de houle », elle ne panique pas. Toute son attention est fixée sur ses gestes, répétés mille fois, et les techniques pour calmer la foule et garantir la sécurité de chacun.e. « On n’a pas le droit à l’hésitation. Toute erreur peut avoir de graves conséquences. »

Faire le métier de marin-sauveteuse est exigeant physiquement, psychologiquement et nerveusement. « Ce travail demande une bonne gestion des émotions et du stress, et des centaines d’heures d’entraînement. Vous êtes exposé.e.s aux éléments, notamment quand la mer est déchaînée, à des situations extrêmes, sur ces embarcations où tout peut basculer. En fait, il faut être prête à tout ! »

« Voir de mes yeux ces personnes entassées sur ces coques de noix, entendre les cris de bébés, en pleine nuit, avec plusieurs mètres de houle, ça m’a révoltée encore davantage ! »

Quand on demande à Claire si elle fait un métier comme les autres, là encore, aucune hésitation : « non ! ». Contrairement à ses collègues issu.e.s de la marine marchande ou des métiers du secourisme, Claire a d’abord été responsable des antennes bénévoles en Suisse, puis coordinatrice de la communication à bord. Un jour, on lui a demandé de remplacer le troisième équipier sur un canot de sauvetage rapide. Puis le second. Depuis, elle enchaîne les missions. Mais la singularité de son métier ne réside pas dans sa difficulté ni dans l’expertise nécessaire. « Lorsque je travaillais à terre, je portais déjà en moi de l’indignation face à la situation en Méditerranée ; mais voir de mes yeux ces personnes entassées sur ces coques de noix, entendre les cris de bébés, en pleine nuit, avec plusieurs mètres de houle, ça m’a révoltée encore davantage. C’est inhumain que des personnes en soient réduites à fuir dans de telles conditions. Inhumain… C’est sans doute cette indignation, commune à toutes les équipes de SOS MEDITERRANEE, qui fait que ce n’est pas un métier comme les autres. »

Coordination en mer : à chacun son rôle

Sur le navire, une équipe de post-sauvetage composée de professionnels de SOS MEDITERRANEE et de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) est formée pour accueillir les personnes secourues. Et dès qu’une embarcation en détresse a été repérée depuis l’Ocean Viking, à peine dix minutes après qu’ait retenti l’alarme, tout le monde est à son poste, prêt à intervenir. « Nos trois canots de sauvetage sont mis à la mer et foncent vers leur cible. Chacun sait parfaitement ce qu’il doit faire. » À terre, c’est Max, Irlandais d’origine, responsable des opérations de recherche et de sauvetage, qui met en place les protocoles. Il s’appuie sur sa longue expérience sur l’Aquarius et les retours de ses collègues en mer pour leur amélioration continue. « Les canots de sauvetage sont principalement utilisés pour l’évaluation de la situation, la stabilisation des personnes naufragées, leur évacuation de l’embarcation en détresse puis leur transport jusqu’au navire principal, l’Ocean Viking – ou même directement de l’eau dans les cas les plus critiques lorsqu’il y a des ‘’hommes à la mer’’. En général, deux canots de sauvetage se positionnent de part et d’autre de l’embarcation en détresse » explique-t-il.

Le premier rend compte de l’état de l’embarcation en détresse et des personnes à bord, le deuxième explique aux personnes naufragées que nous sommes là pour les secourir et qu’elles doivent rester calmes. Après cette phase de « stabilisation » de l’embarcation, deux des canots alternent les navettes vers l’Ocean Viking. Lorsque nécessaire, le troisième a la responsabilité d’amener des dispositifs de flottaison et peut également participer aux navettes vers le navire. L’un des trois canots demeure en poste de surveillance auprès de l’embarcation en détresse tout au long de l’évacuation pour s’assurer que la situation demeure stable. Un seul sauvetage peut durer plusieurs heures.

Toutes nos équipes sont formées aux gestes de premiers secours, leur permettant de stabiliser une personne inconsciente extraite de l’eau, jusqu’à son arrivée sur le navire pour une prise en charge par l’équipe médicale. Tout sauvetage étant unique, les équipes doivent s’adapter et réagir rapidement aux consignes. Mais si la polyvalence est un atout certain, chacun.e est assigné.e à un poste précis.

Consultez la rubrique : Recrutement en mer

Qui fait quoi en mer ?

Chaque personne qui monte à bord de l’Ocean Viking porte de multiples casquettes. Veille à la jumelle, quart de surveillance des personnes rescapées sur le navire, distribution de nourriture n’en sont que quelques exemples. Mais une fois dans le canot de sauvetage, chacun.e tient un rôle très précis et applique un processus répété mille fois afin que l’opération se déroule le plus efficacement possible.

Coordinateur.trice de la recherche et du sauvetage – Avec son adjoint.e, coordonne l’ensemble des opérations de sauvetage en mer depuis la passerelle de l’Ocean Viking. – Est en lien avec le/la responsable de l’équipe de recherche et de sauvetage, le/la commandant.e du navire et les autres équipes opérationnelles à terre et en mer.

Chef.fe de l’équipe de recherche et de sauvetage – Est responsable de toute l’équipe sur la scène du sauvetage, à bord des trois canots de sauvetage, en lien avec les deux autres responsables de canots, sous la supervision du coordinateur à bord de l’Ocean Viking.

Responsable du canot de sauvetage – Coordonne les équipier.e.s à bord de son canot de sauvetage. Chacun des trois canots comporte un.e responsable.

Pilote – Conduit le canot de sauvetage.

Premier.e équipier.e – Est en charge du premier contact avec les naufragé.e.s, de la stabilisation de la situation, de la distribution des gilets de sauvetage. Dans le canot de sauvetage N°1, cet.te équipier.e parle à minima anglais et arabe, voire plusieurs autres langues.

Second.e équipier.e – Aide à l’installation des personnes évacuées sur le canot de sauvetage pour maintenir la stabilité du bateau, récupère les personnes dans l’eau et procède si besoin à la réanimation cardio-pulmonaire (CPR).

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Crédit photo : Jérémie Lusseau / SOS MEDITERRANEE

* FICR : Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge