« Nous devons être prêt.e.s à toutes les éventualités ! » Chaque fois qu’elle embarque sur l’Ocean Viking, Rebecca sait qu’elle devra affronter une situation aussi intense que complexe sur les plans professionnel, psychologique et physique. Ce poste stratégique de cheffe d’équipe médicale l’amène à combiner ses responsabilités cliniques comme sage-femme avec la coordination des trois autres membres de l’équipe médicale (médecin, infirmière et sage-femme). Un défi qu’elle relève avec beaucoup d’humanité.
1. Quelles sont les principales qualités requises pour intégrer l’équipe médicale ?
L’équipe médicale est composée de quatre personnes [qui changent à chaque mission] : un.e médecin, un.e infirmièr.e, un.e sage-femme et un.e cheffe d’équipe. La sage-femme à bord fournit des soins gynécologiques et obstétriques généraux, y compris les soins périnataux. Elle est le point de contact pour tous les cas nécessitant une intervention en cas de violence sexuelle, une situation beaucoup trop fréquente sur la route de la Méditerranée centrale. Le médecin et l’infirmière gèrent ensemble les urgences médicales et les soins primaires. Pour sa part, la cheffe de l’équipe médicale est responsable de la mise en œuvre des protocoles de soins et de la formation de tout l’équipage aux activités médicales à bord d’un navire de recherche et de sauvetage et aux techniques de base en réanimation. Au quotidien, elle assure la liaison avec les équipes de coordination à bord et à terre afin de garantir un niveau élevé et constant de soins médicaux pour les personnes rescapées et le personnel, le cas échéant.
Nous sommes une petite équipe et nous essayons donc de travailler en collaboration et de nous soutenir mutuellement. Cela signifie parfois de travailler en-dehors de notre rôle clinique ou professionnel habituel et cette flexibilité est essentielle. En outre, vous devez avoir une solide expérience clinique et être à l’aise pour travailler de manière indépendante dans le domaine des soins primaires et des soins d’urgence. Une expérience dans des environnements humanitaires et à faibles ressources est un atout indéniable. Plus important encore, vous devez être une personne empathique, capable de soutenir les personnes rescapées que nous avons à bord et d’apporter des soins psychologiques et physiques essentiels à des femmes, des hommes et des enfants qui, pendant si longtemps, n’ont pas été pris.es en charge.
2. Quels sont les aspects les plus exigeants de votre mission ?
Sur le plan professionnel, le travail est difficile en raison de sa nature changeante – la diversité des pathologies rencontrées est infinie et englobe les maladies chroniques débilitantes, les handicaps, les maladies tropicales, les traumatismes et les soins de santé primaires. Le développement de mes connaissances cliniques a été essentiel et j’en apprends davantage à chaque patrouille.
La partie la plus difficile de mon travail, cependant, est de regarder droit dans les yeux la profondeur de la souffrance humaine de mes patient.e.s. Physiquement, bien sûr, c’est un travail exigeant car la mer peut être implacable. Mais voir et entendre les récits de ces gens qui ont survécu aux pires atrocités va bien au-delà des défis physiques. Il serait facile de perdre espoir face au monde qui nous entoure, mais les personnes que nous secourons font preuve d’une telle force, impossible à décrire, que cela me motive à continuer à aider les autres.
3. Comment se passe une opération typique pour l’équipe médicale à bord ?
Lorsque retentit l’appel radio « Préparez-vous au sauvetage », l’équipe médicale revêt son équipement et amène le matériel médical d’urgence nécessaire sur le pont principal de l’Ocean Viking. Nos collègues sur les canots de sauvetage nous informent en temps réel, par radio, afin que nous puissions nous préparer en conséquence : nombre de personnes rescapées, état de santé, présence de femmes et d’enfants, détérioration de la situation susceptible d’entraîner le déclenchement d’un plan d’évacuation, etc.
Lorsque les rescapé.e.s sont enfin transféré.e.s sur le navire, nous procédons au triage initial : ces personnes sont-elles en état de marcher ? De parler ? De comprendre les instructions ? Sentent-elles le carburant ? Si un traitement médical immédiat est requis, le médecin et l’infirmière interviennent aussitôt. En cette saison hivernale, nous avons le plus souvent affaire à de l’hypothermie, de l’épuisement et de la détresse psychologique, mais nous avons également des blessures orthopédiques, des lésions de la colonne vertébrale et des brûlures graves, de sorte que nous devons être prêt.e.s à toutes les éventualités.
Lorsque tout le monde est à bord, l’équipe médicale assiste les personnes rescapées dans les douches, en particulier celles qui présentent des brûlures chimiques cutanées à la suite d’un contact avec du carburant. Puis nous procédons à un triage secondaire pour identifier les besoins urgents, notamment l’évaluation des femmes enceintes et des nouveau-nés.
À leur arrivée sur le navire, l’épuisement est généralisé, si bien que plusieurs s’endorment presque immédiatement à la faveur d’un lieu où les conditions de sécurité sont enfin réunies. Les jours suivants, nous ouvrons le module médical en tant que clinique pendant la journée et nous veillons à ce que toute personne ayant besoin de soins médicaux supplémentaires sur la terre ferme soit identifiée. Nous sommes disponibles 24 heures sur 24 pour tout problème urgent.
Crédit photo de couverture : Tara Lambourne / SOS MEDITERRANEE