Le rapport d’activité 2022 de SOS MEDITERRANEE donne d’abord à voir des chiffres. Nombre de personnes secourues par nos équipes, nombre de décès en Méditerranée centrale, nombre de jours de blocage sur l’Ocean Viking avant le débarquement à Toulon le 11 novembre, nombre de bénévoles, de donateurs, de partenaires, de mécènes… Derrières ces chiffres, c’est avant tout des enfants, des femmes et des hommes dont il est question.

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Éditorial 

2 406¹ Victimes attestées et recensées par l’Organisation internationale pour les migrations de l’ONU (OIM), c’est le nombre officiel de victimes disparues en Méditerranée en 2022. Ces femmes, ces hommes et ces enfants n’avaient qu’un but : fuir des conditions insupportables, fuir l’enfer libyen et espérer vivre des jours meilleurs. Chacune de ces personnes a une histoire, une famille qui pour l’essentiel reste sans nouvelles, entre espoir et désespoir, dans l’impossibilité de faire son deuil.  

2 505, c’est le nombre de personnes secourues en 2022 par notre navire-ambulance, l’Ocean Viking, qui n’ont pas eu d’autre perspective que de risquer leur vie en mer. 2 505 survivant.e.s qui ont parfois vu mourir leurs proches sous leurs yeux et ont souvent subi de très graves atteintes aux droits humains.  

234, c’est le nombre de personnes rescapées bloquées à bord de l’Ocean Viking en novembre 2022. 234 personnes qui ont été contraintes d’attendre trois semaines dans l’incertitude, le froid, des conditions météorologiques dégradées. 234 êtres humains bloqués de façon indigne, aux portes de l’Europe, en mer Méditerranée. Avant d’être secourues, certaines de ces personnes avaient passé plusieurs jours en mer sans nourriture. Ni les autorités italiennes, ni les autorités maltaises ne répondront aux 46 demandes du navire pour un lieu sûr de débarquement, en dépit des exigences du droit maritime. C’est le plus long blocage en mer de l’histoire de SOS MEDITERRANEE.  

Que n’a-t-on pas entendu durant cette triste odyssée de l’Ocean Viking ! Ces 21 jours et au-delà ont été l’occasion d’un déferlement de haine à l’encontre de nos équipes, de circulation de fausses informations et de commentaires de soi-disant experts mettant en doute la légitimité et la légalité de notre action de sauvetage.  

À toutes ces difficultés s’est ajoutée une situation financière très tendue en cette fin d’année 2022 : nos coûts d’exploitation ont bondi en raison notamment de la hausse du prix du fioul, alors qu’en parallèle notre collecte de fonds a accusé une baisse substantielle pendant plusieurs mois, à la suite de la guerre en Ukraine.  

Pourtant, nous restons déterminé.e.s : tant que des enfants, des femmes, des hommes se noieront aux portes de l’Europe, nous mettrons tout en œuvre pour poursuivre notre mission.  

La sauvegarde de la vie en mer est avant tout un devoir moral, c’est aussi un devoir légal : elle fait l’objet de nombreuses conventions ratifiées par les États européens. La première d’entre elles est la convention SOLAS (Safety Of Life At Sea), « Convention Internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer ». SAUVEGARDE DE LA VIE HUMAINE, les mots sont clairs. Ces personnes que nous secourons sont des naufragé.e.s. Une personne en détresse n’a pas de statut. Ce « migrant » dont on parle, c’est avant tout un enfant, une femme, un homme, une personne en danger de mort dont la vie doit être préservée.  

Toutes les actions de notre navire-ambulance se déroulent dans les eaux internationales, dans le strict respect du cadre légal. Elles sont totalement transparentes et documentées : notre mission de témoignage est essentielle pour dire la réalité de cette tragédie et de ces souffrances. Regardez ces visages, ces larmes, ces sourires, écoutez ces témoignages qui relèvent de l’indicible. 

Année après année, nous ne cessons d’alerter et de rappeler que la solution ne peut être que la solidarité européenne. Malheureusement, nous ne constatons qu’une évolution dramatique du nombre de naufrages et des méthodes toujours plus efficaces et cyniques pour empêcher les navires humanitaires de sauver des vies.  

Face à ces constats amers, nous n’oublions pas toutes celles et tous ceux qui nous soutiennent dans ce combat pour la vie et la dignité humaine. Durant les trois semaines d’errance de l’Ocean Viking en novembre, toutes les équipes à bord ont montré un dévouement remarquable et ont porté très haut notre devise républicaine de fraternité.  

Un grand merci à toutes nos équipes bénévoles et salariées qui effectuent un travail formidable à longueur d’année, à tous nos partenaires, aux collectivités territoriales et aux associations qui nous ont témoigné leur soutien, à nos donatrices et donateurs sans qui notre mission de sauvetage serait tout simplement impossible.  

Grâce à la force de cette mobilisation collective, l’espoir demeure. 

François Thomas  

Président de SOS MEDITERRANEE France 

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