Depuis 2016, SOS MEDITERRANEE a secouru et accueilli à bord de ses navires plus de 42 000 personnes en Méditerranée centrale. Ces opérations, menées dans des conditions extrêmes, ont permis de construire une expertise médicale unique : celle d’une médecine d’urgence centrée sur la dignité des personnes rescapées, que l’association transmet aujourd’hui aux autres personnels médicaux.
Dès ses premières missions, SOS MEDITERRANEE s’est entourée d’acteurs humanitaires de premier plan. Les équipes de Médecins du Monde, puis de Médecins Sans Frontières, et enfin de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont ainsi assuré, pendant plusieurs années, la prise en charge médicale à bord de l’Aquarius et de l’Ocean Viking. Médecins du Monde, en tant que premier partenaire médical a contribué à définir des standards de soin adaptés à l’urgence humanitaire en mer. Ces collaborations ont permis de capitaliser sur des décennies d’expérience en zones de crise et de les adapter à un environnement très particulier : un navire de sauvetage isolé, sans plateau technique ni laboratoire.
« Nous avons appris à soigner dans des conditions extrêmes, sans laboratoire ni imagerie, mais avec la force de l’expérience clinique et du travail d’équipe. Et surtout, nous avons appris à écouter », explique Pierre Micheletti, médecin et membre du Conseil d’administration de SOS MEDITERRANEE.
À bord de l’Ocean Viking, une équipe de santé, composée d’un.e médecin, d’un.e infirmier.ère, d’une sage-femme et d’un.e coordinateur.rice médical.e, prend en charge les personnes rescapées. Tout commence par un triage rapide, dès l’arrivée à bord, pour identifier les urgences vitales. Les personnes secourues sont ensuite installées dans des abris séparés, un pour les hommes et un pour les femmes, sous la surveillance conjointe de l’équipage. Tous les métiers sont impliqués dans cette surveillance collective : marins-sauveteurs, équipes de protection et interprètes repèrent les signes d’alerte et assurent un accompagnement bienveillant.
« Nous sommes dans une situation assez classique, dite « de médecine d’isolement”. Nous ne pouvons pas faire d’examens sanguins, ni de radios. La pratique repose d’abord sur la clinique et l’expérience des personnels de santé engagés à bord. »
– Pierre Micheletti

Les problématiques rencontrées sont multiples. Les personnes secourues ont souvent subi – avant même la traversée – des violences physiques et sexuelles, des privations, contracté des infections ou souffert de blessures mal soignées. Durant la traversée, elles peuvent être exposées aux brûlures causées par le mélange de carburant, d’eau salée et de soleil, à l’hypothermie, à la déshydratation ou à des risques d’écrasement dans des embarcations surchargées. En cas d’urgence extrême, comme une noyade ou une détresse cardio–respiratoire, l’équipe médicale déploie le plan d’urgence médical massif. Dans les cas les plus complexes, une évacuation sanitaire par vedette rapide ou hélicoptère peut être effectuée, en coordination avec les autorités maritimes. Dans les autres cas, une synthèse médicale est transmise aux autorités sanitaires du port de débarquement afin d’assurer la continuité des soins à terre.
Cette approche repose également sur un principe éthique fondamental : aucune consultation ni aucun bilan de santé n’a lieu sans l’accord des personnes secourues. « La prise en charge repose sur la liberté de décision des personnes rescapées. Notre rôle est de favoriser un climat de confiance qui permette l’émergence de cette demande », souligne Pierre Micheletti. Les interprètes jouent un rôle essentiel pour aborder avec pudeur et empathie des récits douloureux liés aux violences, pertes ou traumatismes subis.
Former les futures équipes professionnelles de santé aux réalités de l’urgence en mer
L’expertise médicale de SOS MEDITERRANEE ne se limite pas aux opérations en mer. Elle se transmet désormais à terre, à travers des formations destinées aux professionnel.les et aux étudiant.es en santé. À bord, marins-sauveteurs, équipes médicales et équipes de protection sont formé.es à travailler ensemble. Les marins-sauveteurs apprennent à évaluer l’état des embarcations, à identifier les situations à risque et à prévenir l’équipe médicale. Les équipes de protection accompagnent l’accueil des personnes rescapées et repèrent les signes de fragilité ou de détresse psychique. Ces compétences sont partagées avec les étudiant.e.s en médecine, les infirmier.ère.s et les sages-femmes dans le cadre de modules de sensibilisation sur les enjeux mondiaux de santé, tels que les migrations, les inégalités et l’accès aux soins.
« Ce que nous vivons à bord, je le partage avec les étudiant.e.s. C’est une manière d’illustrer que la médecine n’est pas seulement un ensemble de gestes techniques : c’est aussi une démarche profondément humaine, de rencontre et d’échange, dans le respect de la dignité de chaque personne secourue en mer. »
– Pierre Micheletti
En construisant ces passerelles entre terrain et enseignement, SOS MEDITERRANEE prépare non seulement ses missions actuelles, mais aussi les équipes soignantes de demain, capables d’intervenir dans des contextes de crise et d’isolement.
Crédit de la photo en haut de page : Laurin Schmid / SOS MEDITERRANEE
Crédit photo: Johanna de Tessieres / SOS MEDITERRANEE

