Sur une embarcation de fortune perdue en pleine mer, les risques de sombrer sans témoin ou de succomber à l’hypothermie s’accroissent quand l’hiver arrive. Des vents parfois violents, formant des vagues jusqu’à huit mètres de haut, des pluies glaciales, des températures à la baisse et les jours qui raccourcissent sont autant d’écueils qui menacent la sécurité des naufragé.e.s et des équipes de sauvetage de l’Ocean Viking.
Des recherches de nuit encore plus difficiles
À chaque mission, sauveteurs et sauveteuses suivent un entraînement intensif adapté aux conditions extérieures. La recherche d’embarcations de nuit en fait partie. « Lorsque j’ai fait l’entraînement de nuit cet automne », raconte Sophie Beau, directrice de l’association, « il n’y avait pas de lune et on était entouré.e.s d’une masse noire informe – l’eau et le ciel ne se distinguaient même pas. C’était extrêmement difficile d’imaginer qu’on puisse trouver une embarcation dans cette nuit noire absolue. »
En effet, quelques jours plus tard, deux nuits durant, l’Ocean Viking cherchera désespérément deux embarcations signalées en détresse dans la zone. En vain. Sans coordination ni retour d’information des autorités compétentes, impossible pour les équipes de connaître le sort de ces naufragé.e.s. « Épuisées, les équipes luttaient contre un sentiment d’abandon, de solitude et de rage impuissante » se souvient-elle.
Peu de temps après, l’Ocean Viking sera à nouveau mobilisé pour secourir, toujours de nuit, une embarcation qui s’était abritée sur le flan d’un cargo de 200 mètres. Des vagues de deux mètres secouaient le frêle esquif, minuscule à côté du navire. « C’était très impressionnant pour nous, mais pour les personnes rescapées, aveuglées par nos projecteurs quand nous nous sommes approché.e.s, ce que j’ai vu dans leurs yeux c’était de la terreur, c’était la mort. Et aussi, un instinct de survie. »
À la clinique, alerte hypothermie pour les plus petits
Une fois les personnes hors de danger sur l’Ocean Viking, c’est au tour de l’équipe médicale de prendre le relais. Là encore, l’hiver est un élément aggravant quand l’hypothermie et le mal de mer s’ajoutent au traumatisme psychologique, aux brûlures cutanées et à la déshydratation causés par le séjour prolongé dans les embarcations. Et les jeunes enfants y sont très vulnérables, nous explique Marylène, sage-femme à bord.
« Sans être forcément tombés à l’eau – bien que cela soit déjà arrivé -, ils peuvent passer une nuit, voire plusieurs nuits sur les embarcations, en pleine mer, en plein hiver, sous la pluie ou la tempête… Les enfants portent au mieux une petite veste ou un petit pull, trempé en un rien de temps » raconte la sage-femme. Parfois ils sont pieds nus ou simplement enveloppés dans une fine couverture. « On les retrouve souvent assez ‘’froids’’, parfois avec une hypothermie importante qui peut amener de graves conséquences », notamment un arrêt cardiaque. Les premiers gestes seront donc d’évaluer la situation puis de réchauffer les victimes. Les rescapé.e.s en mesure de le faire seul.e.s vont prendre une douche chaude puis enfiler des vêtements secs qu’on leur remet à leur arrivée, avec une couverture en laine et une couverture de survie.
Avec des vagues pouvant atteindre plusieurs mètres, les personnes dont l’embarcation n’est pas détruite ou renversée arrivent souvent à bord en état de déshydratation et de dénutrition. Les vomissements dus au mal de mer les affaiblissent énormément durant la traversée, d’autant qu’elles ne disposent pas d’eau potable. Même sur un navire plus stable comme l’Ocean Viking, l’équipe, comme les rescapé.e.s, souffrent souvent de nausées importantes par gros temps. Ainsi, non seulement les personnes secourues sont épuisées par la traversée, mais elles ont aussi du mal à reconstituer leurs forces puisqu’elles ne parviennent pas à se nourrir quand la mer est mauvaise. Là encore, l’équipe médicale fournit médication et soins pour soulager leurs maux jusqu’au débarquement dans un lieu sûr.
Photo en haut de l’article : Jérémie Lusseau / SOS MEDITERRANEE