Quels risques sanitaires et sécuritaires comportent la migration et la traversée de la Méditerranée ? Comment les personnes secourues par SOS MEDITERRANEE sont-elles prises en charge par l’équipe médicale à bord de l’Ocean Viking, son « navire-ambulance » ? Quels sont les motifs de consultation et les urgences les plus souvent rencontrés ? Dans ce dossier, on vous explique les défis de l’équipe médicale à bord et les liens tissés avec les femmes, les hommes et les enfants qu’elle reçoit en consultation.
« Souvent, les gens nous disent que c'est la première fois depuis longtemps qu'ils sont traités comme des êtres humains ». - Dominika, responsable des soins médicaux et de la protection, SOS MEDITERRANEE
Risques sanitaires et sécuritaires durant la migration et la traversée de la Méditerranée
Les personnes secourues par l’Ocean Viking, navire-ambulance de SOS MEDITERRANEE, ont emprunté les routes de l’exil pour fuir la guerre, la pauvreté ou les violences dans leur pays. Mais sur leur parcours migratoire, elles ont dû affronter de multiples périls, particulièrement en Libye : violences sexuelles, torture, travail forcé, détention, manque d’accès aux soins de santé de base, à l’eau potable, à l’assainissement, à l’hygiène et aux protections menstruelles… Elles ont alors pris la mer sur des embarcations dangereuses et surchargées, exposées aux éléments, à la soif et à la faim.
Prise en charge médicale à bord de l'Ocean Viking
Assurer des soins médicaux d’urgence dans un contexte de sauvetage extrême en haute mer requiert une expertise technique et humaine très spécifique. SOS MEDITERRANEE a su capitaliser dix années d’expérience pour mettre en place des procédures de sauvetage et de prise en charge sanitaire des personnes rescapées. Dans sa clinique de 60m2 aménagée dans des containers sur le pont du navire, l’équipe médicale reçoit en consultation les femmes, les hommes et les enfants.
L’équipe médicale comprend quatre personnes : un.e médecin, un.e infirmier.e, une sage-femme et un.e chef.fe de l’équipe médicale. (Photo 1 Muriel Cravatte/SOS MEDITERRANEE - Photo 2 Max Cavallari/SOS MEDITTERRANEE)
Motifs de consultation
En 2024, 1 357 consultations médicales ont été réalisées dans la clinique à bord du navire. Plus de 50 % des consultations étaient liées aux conséquences des épreuves subies par les personnes au cours de leur parcours migratoire. Ainsi, 702 diagnostics ont été prononcés pour des personnes ayant souffert d’un accès inadéquat à l'hygiène et à l'assainissement.
Environ un quart des consultations, soit 312 diagnostics, concernaient des affections liées à la traversée en mer, notamment les brûlures cutanées causées par le mélange corrosif d’eau de mer et d’essence, l'hypothermie, la déshydratation, les coups de chaleur ou l'inhalation de gaz (de carburant).
Les autres motifs de consultation concernaient les maladies chroniques (55 diagnostics), les incidents liés à la violence (42 diagnostics), la santé reproductive (10 diagnostics) et la santé mentale (9 diagnostics).
Défis et urgences rencontrés par l’équipe médicale à bord
Plan d’urgence médicale massif, évacuation d’urgence héliportée, accouchement, chavirement… À chaque mission, les équipes s’entraînent pour faire face aux scénarios les plus extrêmes en espérant qu'ils ne se produiront jamais. C’est le cas pour ce sauvetage où une embarcation transportant environ 130 personnes a été retrouvée en pièces. Dominika raconte :
« C'était le chaos. Nous avons secouru 99 personnes, tandis qu'un nombre inconnu d'autres se noyaient sous nos yeux. Nous avons commencé à réanimer neuf personnes, dont de nombreux enfants en bas âge. Nous avons enchaîné les réanimations cardio-respiratoires, et sept d'entre elles ont repris leur souffle. D'après ce que nous savons, au moins deux mères sont mortes et ont laissé leurs bébés orphelins. C'était douloureux d'assister à une telle scène, mais nous étions également là pour témoigner… »
Liens entre l’équipe médicale et les personnes rescapées
La clinique de bord est plus qu'un espace de soins médicaux : c'est un refuge où les gens peuvent trouver de l'intimité, se confier à quelqu'un et être traités avec humanité. L’équipe médicale y rencontre les personnes rescapées une par une, apprennent leur prénom et écoutent les récits de vie qu’elles veulent bien confier. Des histoires souvent difficiles, mais où l’espoir pointe presque toujours. Leur résilience et leur courage forcent l’admiration.
Les enjeux de santé mentale figurent également parmi les préoccupations des personnels durant cette parenthèse d’humanité où des liens très forts se tissent avant le débarquement dans un port sûr. Une attention qui ne se limite pas aux personnes rescapées, mais aussi aux équipes en mer.
Crédit photo en haut de page : Johanna de Tessières/SOS MEDITERRANEE