Naufragés bloqués en mer : SOS MEDITERRANEE sollicite l’assistance de la France, de l’Espagne et de la Grèce 


Malgré de multiples demandes d’assignation d’un port sûr envoyées aux centres de coordination de sauvetage de Malte et d’Italie, l’Ocean Viking reste confronté à une impasse. Conformément au droit de la mer, SOS MEDITERRANEE demande aux autorités maritimes de la France, de l’Espagne et de la Grèce, qui sont les plus à même d’apporter leur assistance, de faciliter la désignation d’un port sûr pour le débarquement des 234 rescapés bloqués à bord de l’Ocean Viking. Une solution doit être trouvée sans délai.

Entre le 22 et le 29 octobre, plusieurs navires humanitaires, l’Ocean Viking, le Humanity 1 et le Geo Barents, ont respectivement secouru 234, 179 et 572 femmes, enfants et hommes à bord d’embarcations impropres à la navigation, trouvées en détresse en Méditerranée centrale. Les sauvetages effectués par ces navires ont été menés dans les zones de recherche et de sauvetage libyenne et maltaise. Conformément aux conventions maritimes, les trois navires ont informé les autorités maritimes compétentes à toutes les étapes des opérations de recherche et de sauvetage. Toutefois, les centres de coordination de sauvetage (RCC) libyen et maltais n’ont pas répondu aux demandes de coordination, de partage d’information et de désignation d’un lieu sûr, ce qui ne nous a laissé d’autre choix que de nous tourner vers l’autre RCC le plus à même de porter assistance, à savoir celui de l’Italie, comme le prescrit le droit maritime.

Cependant, le 25 octobre, le nouveau gouvernement italien a pris une position radicale contre les ONG de recherche et de sauvetage. Le nouveau ministre italien de l’Intérieur annonce avoir émis une directive avertissant les forces de police et les autorités portuaires que son ministère évaluait la « conduite » de nos navires de sauvetage afin d’adopter une interdiction d’entrée dans les eaux territoriales. À ce jour, ni le navire de SOS MEDITERRANEE, ni celui de SOS Humanity, ni celui de MSF, n’ont reçu de communication officielle sur une telle décision. Ils sont néanmoins confrontés à un blocage total en haute mer et à une interdiction implicite d’entrer dans les ports italiens. 

La situation à bord de l’Ocean Viking se détériore gravement. Les prévisions météorologiques annoncent un vent fort, de hautes vagues et une baisse de température d’ici la fin de la semaine. Et les provisions commencent à manquer.  

234 vies sont en danger. De nombreux rescapés présentent des signes de torture, de violence sexuelle et d’abus dus à leur séjour en Libye. Ces temps prolongés en mer ont de graves répercussions sur le bien-être physique et psychique des personnes à bord qui ont échappé de peu à la mort en mer. Et ils mettent en péril la sécurité de vies humaines en mer.

« SOS MEDITERRANEE demande instamment aux autorités maritimes françaises, espagnoles et grecques, ainsi qu’aux autres centres de coordination de sauvetage en mer les plus à même d’apporter leur assistance, de faciliter un débarquement immédiat dans un lieu sûr. Ce blocus en mer n’est pas seulement une honte mais aussi une violation flagrante du droit maritime international et du droit humanitaire. Les rescapés doivent toucher terre sans plus tarder. Nous sommes face à une urgence absolue et toute journée d’attente supplémentaire pourrait avoir des conséquences fatales », déclare Nicola Stalla, coordinateur des opérations de recherche et de sauvetage de SOS MEDITERRANEE à bord de l’Ocean Viking. 

Alors que les autorités italiennes et maltaises ferment les yeux sur le sort de ces personnes, SOS MEDITERRANEE a sollicité officiellement les autorités maritimes les plus à même de porter assistance pour qu’elles interviennent auprès de leurs homologues italiens et maltais afin de coopérer, coordonner et faciliter le débarquement des rescapés bloqués en mer depuis 13 jours sur l’Ocean Viking.

La désignation d’un lieu sûr avec un minimum de déviation par rapport au voyage prévu du navire n’est pas seulement une obligation morale mais c’est aussi une obligation légale. Elle incombe à l’État responsable de la zone de recherche et de sauvetage où le sauvetage a eu lieu mais aussi à toute autre autorité gouvernementale qui peut être en mesure de porter assistance lorsque l’État responsable ne répond pas. 

L’actuel blocage en mer de 985 personnes est illégal et inhumain. SOS MEDITERRANEE demande une fois de plus aux membres de l’Union européenne et aux États associés de respecter leurs obligations en mettant en place un mécanisme de débarquement prévisible afin d’alléger la pression sur les États côtiers européens. Un tel mécanisme doit garantir la possibilité de débarquer les rescapés dans le lieu sûr le plus proche d’où sont menées les opérations de recherche et de sauvetage, comme l’exige le droit maritime.

Les personnes ayant échappé à la mort en mer ne doivent plus être instrumentalisées dans des débats politiques.

Notes aux rédactions

– En 2018, après la fermeture des ports italiens, le taux de mortalité en Méditerranée centrale a doublé (5,6%) par rapport au taux de mortalité de 2017 (2,4%). En 2019, le taux de mortalité a été multiplié par quatre (9%). (Source : OIM- Projet Migrants disparus)

Extraits des conventions et résolutions maritimes internationales 

– Obligation de coopération et d’assistance de tous les États en vertu du principe de solidarité avec l’État SAR – Convention SAR chapitre 3 § 3.1.9 :
« Les Parties doivent coordonner et coopérer pour faire en sorte que les capitaines de navires qui fournissent une assistance en embarquant des personnes en détresse en mer soient libérés de leurs obligations avec un minimum de déviation supplémentaire par rapport au voyage prévu du navire, à condition que la libération du capitaine du navire de ces obligations ne compromette pas davantage la sauvegarde de la vie en mer ».

– « dans le cas où le RCC responsable de la zone où les survivants sont recueillis ne peut être contacté, tenter de contacter un autre RCC ou, si cela n’est pas possible, toute autre autorité gouvernementale qui pourrait être en mesure d’aider, tout en reconnaissant que la responsabilité incombe toujours au RCC de la zone où les survivants sont recueillis » [Rés. OMI MSC.167(78) de 2004]. 

– « Toute Partie devrait autoriser ses centres de coordination de sauvetage à prendre les dispositions nécessaires en coopération avec d’autres RCC pour identifier le ou les lieux les plus appropriés pour débarquer les personnes trouvées en détresse en mer. » [Annexe à la Convention SAR, chapitre 3 – 3.1.6]

Obligation de non-discrimination

« L’obligation de prêter assistance s’applique quels que soient la nationalité ou le statut de ces personnes ou les circonstances dans lesquelles elles se trouvent. » Convention SOLAS Chapitre V, Règle 33.1, 1974 (telle que modifiée en 2006)

– « 6.20 Toutes les opérations et procédures telles que le filtrage et l’évaluation de l’état des personnes secourues qui vont au-delà de la fourniture d’une assistance aux personnes en détresse ne devraient pas être autorisées à entraver la fourniture de cette assistance ou à retarder indûment le débarquement des survivants du ou des navires qui prêtent assistance. » RÉSOLUTION MSC.167(78) de l’OMI (adoptée le 20 mai 2004)

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