Sexisme, viols, esclavage sexuel, agressions répétées font malheureusement partie de la difficile réalité du parcours migratoire dont témoignent les personnes que nous secourons. Mais comment aborder des questions aussi sensibles lors des sensibilisations scolaires ? Cette année, le Planning familial 13 a accompagné les bénévoles de SOS MEDITERRANEE dans cette réflexion dans le cadre d’une démarche participative.
En 2024, 26 380 élèves ont été sensibilisé.e.s à l’urgence humanitaire en Méditerranée centrale. Les bénévoles de SOS MEDITERRANEE interviennent depuis 2015 dans les établissements scolaires sur tout le territoire, pour parler des missions de l’association, transmettre des valeurs de solidarité et de citoyenneté, en s’appuyant notamment sur les témoignages des personnes secourues par l’Ocean Viking.
Les actes de violences sexistes et sexuelles tout au long du parcours migratoire apparaissent souvent dans les témoignages des personnes rescapées qui sont présentés aux élèves. Même lorsque ces témoignages ne sont pas évoqués, comme dans les classes de collège, il peut arriver que ce soient les élèves qui abordent d’office les questions des violences sexuelles. « C’est important d’en parler, ce sont des violences qui ont pour but de détruire les femmes, voire les hommes et les enfants. Mais jusqu’où peut-on aller ? » s’interroge Laurence, bénévole à Marseille.
« Comment prendre soin tout en parlant de la violence du parcours migratoire ? »
Viviane Frankhauser-Medjahed, Planning familial 13
L’enjeu, en particulier face à un public jeune, est de trouver un équilibre entre la nécessité de répondre aux questions sur ces réalités, et le devoir de prendre soin des élèves auxquel.les on s’adresse, en s’adaptant aux différents âges : la majorité des interventions a lieu en collège, et le reste en lycée. Quelques séances ont également lieu au primaire et au niveau supérieur.
« Je fais de la sensibilisation scolaire en 4e », explique Maria*, bénévole à Rennes. « Je pense qu’il faut bien se préparer à en parler car même si ce n’est pas notre sujet principal, on doit pouvoir gérer les questions et les réactions, d’autant que certain.e.s jeunes en classe peuvent avoir subi ce type de violences. »
En 2024, SOS MEDITERRANEE a donc proposé aux bénévoles intervenant en sensibilisation scolaire dans toute la France une série d’échanges en visioconférence par petits groupes avec le Planning familial des Bouches-du-Rhône pour en discuter. « Je n’ai pas de mode d’emploi sur ce qu’on doit dire et à quel âge sur les violences sexuelles ; je privilégie des analyses de pratiques », explique Viviane Frankhauser-Medjahed, membre du Planning 13. « Qu’elles soient concernées ou pas par la violence sexuelle, certaines personnes peuvent être bouleversées par ce qu’elles découvrent avec vous. »
« On ne crée pas la réalité du fait d’en parler, elle existe déjà »
Bilan de ces échanges : inutile de “créer” des tabous. « Mieux vaut parler de ces choses violentes dans un cadre protégé avec des adultes qui apportent de la contenance, que d’entendre ces sujets à la télévision ou sur internet, sans avoir d’explication adaptée » souligne Viviane Frankhauser- Medjahed.
Tout en restant dans leur position de bénévoles dans une association non-spécialiste du sujet, les personnes qui interviennent en classe peuvent aborder ces questions en basant leur discours sur la loi et la notion de consentement, et renvoyer le personnel enseignant et les élèves vers des ressources développées par des associations spécialisées. « Face à un.e élève qui montre des signes de trouble, l’animateur.ice peut essayer de mettre des mots sur ce qui se passe, mais toujours en recentrant sur le collectif plutôt que de s’attarder à une réaction individuelle » explique la responsable.
Ainsi, les bénévoles savent désormais qu’il est essentiel de rester en observation des réactions des élèves et de « refermer les portes qui ont été ouvertes ». Certain.e.s bénévoles proposent de faire un « nuage de mots » en bilan de l’intervention pour permettre aux élèves de nommer leur ressenti pendant cette séance et de faire face aux émotions de manière collective.
Enfin, après la séance de sensibilisation, les relais sont très importants. Il peut s’agir de l’enseignant.e, de l’infirmier.e de l’établissement ou d’une association locale comme le Planning familial, afin d’accompagner les élèves face aux potentielles interrogations qui pourraient émerger à la suite de l’intervention.
Vanessa Rizk, directrice de la mobilisation citoyenne à SOS MEDITERRANEE, se réjouit du fait que « ces échanges ont permis de réfléchir à la manière de sensibiliser aux questions des violences en général, par exemple la posture à adopter ou la manière d’informer tout en protégeant les élèves. Finalement, ce qui est essentiel, malgré la dureté de certains témoignages partagés notamment avec les lycéen.ne.s, c’est de terminer la session sur une vision porteuse d’espoir : les émotions qu’ont pu ressentir les élèves peuvent être un moteur pour agir, pour être solidaires. Des associations comme SOS MEDITERRANEE ont été créées à partir de l’indignation, de la colère, mais sont aussi une magnifique expression de la solidarité et de l’humanité en action, pour sauver des vies ».
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* Prénom modifié
Crédits photo : Xavier Baler/SOS MEDITERRANEE