Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des deux dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous opérons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.
203 personnes assistées par un navire humanitaire puis secourues par des garde-côtes italiens ; trois navires d’ONG en mer
Entre le 22 et le 24 juillet, le voilier d’Open Arms l’Astral a participé au sauvetage de 203 personnes. Le 24 juillet, Astral a repéré 17 personnes en détresse à bord d’une embarcation en fibre de verre et leur a fourni des gilets de sauvetage. Elles ont été transférées à bord d’un bateau des garde-côtes italiens quatre heures plus tard. Selon le compte Twitter de cette organisation, cette opération faisait suite à trois autres effectuées entre le 22 et le 23 juillet, au cours desquelles l’Astral avait porté secours à 148 personnes, qui avaient ensuite été mises en sécurité par les garde-côtes italiens.
Deux autres navires humanitaires ont pu prendre la mer vers la Méditerranée centrale ces derniers jours. Sea-Watch 3, de l’ONG Sea-Watch, a commencé à patrouiller dans les eaux internationales au large de la Libye le 26 juillet. L’Ocean Viking, affrété par SOS MEDITERRANNEE, a quitté la Sicile le 24 juillet. Entre dimanche soir et lundi matin, notre navire a recherché pendant douze heures une embarcation signalée en détresse par la ligne d’urgence Alarm Phone dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise, sans partage d’informations ni coopération de la part des autorités maritimes. Selon les médias, les personnes en détresse ont finalement été secourues par les forces armées maltaises (AFM). Parmi les 46 personnes rescapées se trouvait un bébé.
Au cours du week-end, plus de trente embarcations sont arrivées à Lampedusa, en Italie. Selon l’ ADN Kronos, plus de 1 400 personnes ont débarqué sur l’île sicilienne entre le 22 et le 24 juillet.
Au moins 94 personnes disparues en Méditerranée centrale ces deux dernières semaines
Cet été, le nombre de morts bat des records en Méditerranée centrale. Le 26 juillet, au moins 57 personnes ont péri lors d’un naufrage au large de la ville côtière libyenne de Khoms, selon les témoignages de rescapés recueillis par les représentants libyens de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Parmi les victimes se trouvaient au moins vingt femmes et deux enfants.
Le 21 juillet, 37 personnes au moins ont été portées disparues en mer. Selon le Croissant Rouge tunisien, au moins 17 personnes, parties deux jours plus tôt de la ville portuaire de Zouara à bord d’un canot, ont trouvé la mort au large de la Tunisie. Selon les médias, elles auraient été intoxiquées par la fumée du moteur en flammes de leur embarcation. D’après La Stampa, parmi les 300 personnes rescapées récupérées au large de la ville tunisienne de Zarzis, 166 ont été amenées en Tunisie par les garde-côtes tunisiens, tandis que les autres étaient ramenées en Libye par les garde-côtes libyens.
Le même jour, lors d’un autre événement dramatique, au moins vingt personnes parties de Libye seraient mortes noyées, d’après l’OIM. 230 autres personnes ont été ramenées de force en Libye, pays qui ne peut pas être considéré comme un lieu sûr selon le droit maritime. Pourtant, 1 900 personnes ont été ramenées de force en Libye entre le 20 et le 24 juillet. Le 23 juillet, l’ONG Sea-Watch a témoigné dans un tweet avoir vu le navire de commerce Vos Aphrodite secourir près de 200 personnes en détresse en Méditerranée centrale puis les transférer sur un bateau des garde-côtes libyens, provoquant le retour forcé illégal en Libye des personnes rescapées.
Le 15 juillet, la chambre basse du Parlement italien (chambre des députés) a approuvé, parmi d’autres sujets, le renouvellement du financement d’un programme de formation des garde-côtes libyens. Ce vote a eu lieu au moment où Amnesty International publiait un nouveau rapport soulignant l’effroyable cycle de violence auquel sont soumis les hommes, les femmes et les enfants interceptés en mer par les garde-côtes libyens soutenus par l’UE. Intitulé « Personne ne te cherchera : la détention abusive des personnes débarquées en Libye », ce rapport détaille le sort de 49 personnes interceptées en mer et détenues dans des centres en Libye, officiellement sous le contrôle du Département de lutte contre l’immigration illégale.
Le même jour, l’Union africaine, l’Union européenne et le groupe de travail des Nations Unies sur la Libye ont publié une déclaration commune témoignant de leur grave préoccupation « au sujet d’évènements récents concernant la situation des migrant.e.s et des réfugié.e.s en Libye », décrivant « la surpopulation extrême, le manque d’installations adaptées et de services de base, l’accès restreint des organismes humanitaires et les violations des droits humains », représentant « des conditions inacceptables pour les hommes, les femmes et les enfants détenu.e.s »
Entre janvier et juillet 2021, les garde-côtes libyens soutenus par l’UE ont intercepté plus de 18 280 personnes en mer, selon l’Organisation internationale pour les migrations, soit davantage que pendant toute l’année 2020. Ces deux dernières semaines, pas moins de 2 256 d’entre elles ont été interceptées.
Les ONG de recherche et de sauvetage continuent de faire ce qu’elles peuvent pour combler l’absence de sauvetage
Le 26 juillet, le Geo Barents, le navire de sauvetage de Médecins Sans Frontières (MSF), a été libéré après 24 jours de détention. Quelques jours auparavant, l’association avait demandé aux autorités italiennes de délivrer son navire après avoir « répondu à toutes les exigences formulées par les autorités maritimes italiennes ».
L’ONG Sea-Eye – qui affrête le Sea-Eye4 – va vendre son précédent navire, l’Alan Kurdi, à l’ONG italienne ResQ. Il poursuivra sa mission de sauvetage en Méditerranée centrale sous un nouveau nom : ResQ People. La transition entre les deux ONG sera effective lorsque le navire sera libéré. Ce dernier est toujours sous le coup d’une détention administrative, qui n’a été suspendue par le Tribunal administratif régional de Sardaigne que pour se rendre dans un chantier naval à Burriana, en Espagne.
Enfin, la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) participera aux opérations de recherche et de sauvetage de SOS MEDITERRANEE à partir d’août 2021. Le 19 juillet, la FICR a annoncé que l’organisation lançait un appel d’urgence à fournir une aide vitale aux personnes en détresse en Méditerranée centrale à bord de l’Ocean Viking. La FICR fournira un soutien post-sauvetage, incluant soins d’urgence, soins médicaux, soutien psychologique, nourriture, vêtements secs, couvertures, produits d’hygiène et information pour les personnes mises en sécurité à bord de l’Ocean Viking.
« Au cœur de la pandémie de COVID-19 et de la crise climatique (…) il est inacceptable que des gens continuent de mourir en mer, aux portes de l’Europe : c’est un échec manifeste pour la communauté internationale », a déclaré le président de la FICR Francesco Rocca. C’est un honneur et une nouvelle étape pour notre organisation. L’engagement de la FICR à tendre la main aux personnes en détresse en mer grâce à ce partenariat souligne la nécessité absolue d’essayer de sauver des vies en Méditerranée centrale.