Cette publication de SOS MEDITERRANEE a pour but de faire le point sur les évènements qui se sont déroulés en Méditerranée centrale au cours des deux dernières semaines. Il ne s’agit pas de livrer une revue exhaustive des faits, mais plutôt de fournir des informations sur l’actualité de la recherche et du sauvetage dans la zone où nous opérons depuis 2016, sur la base de rapports publiés par différentes ONG et organisations internationales ainsi que par la presse internationale.
Un nombre de morts important, des centaines de personnes disparues ou ramenées de force en Libye
Cette année encore, le mois d’août a été particulièrement meurtrier sur la route maritime migratoire la plus dangereuse du monde. Selon plusieurs rapports des ONG œuvrant dans ce domaine, de nombreuses embarcations de fortune ont été signalées en détresse en Méditerranée centrale, et leurs messages de détresse n’ont reçu que très rarement des réponses des autorités maritimes, ou bien des réponses extrêmement tardives. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 69 personnes sont mortes en tentant la traversée au mois d’août. Les témoignages et informations collectés la semaine du 17 août indiquent que la ligne d’urgence Alarm Phone a reporté beaucoup d’autres disparitions et certainement des morts au cours d’au moins quatre naufrages. Plusieurs corps ont été rejetés sur la côte libyenne. L’agence des Nations-Unies pour les réfugiés -UNHCR- et l’OIM ont appelé à une action d’urgence, annonçant la perte de 45 vies humaines le 17 août dans « le plus grand naufrage de l’année au large des côtes libyennes ». Les circonstances entourant cet événement dramatique ont été révélées par les témoignages de survivants ramenés en Libye : le bateau a pris feu et plusieurs personnes ont été brûlées.
Le 28 août, le navire de sauvetage Louise Michel a récupéré un corps sans vie dans un canot pneumatique en détresse. Selon le récit des 130 rescapés, trois personnes sont mortes pendant la traversée, en plus de la personne décédée qui a été transférée plus tard à Lampedusa par les garde-côtes italiens.
Selon l’OIM, au moins 700 personnes ont été interceptées en mer et ramenées de force en Libye au cours de la dernière quinzaine d’août.
De nouveaux bateaux civils de sauvetage en Méditerranée centrale
Les navires civils de recherche et de sauvetage Sea Watch 3 et l’Ocean Viking de SOS MEDITERRANEE sont toujours retenus par les autorités italiennes à Porto Empedocle, en Sicile. Le Alan Kurdi de l’ONG Sea Eye et l’Aita Mari de Salvamento Maritimo Humanitario (SMH) ne peuvent toujours pas reprendre leur mission de sauvetage, à la suite des inspections réalisées par les autorités italiennes au printemps. Pendant ce temps, la société civile européenne reste mobilisée pour assurer présence et disponibilité pour la recherche et le sauvetage (SAR) en Méditerranée centrale. La seconde moitié du mois d’août a vu l’arrivée de deux nouvelles ressources SAR :
- le Sea-Watch 4, un navire acheté par Sea-Watch et le groupement United4Rescue, dirigé par l’Eglise protestante allemande. Médecins Sans Frontières (MSF) fournit l’assistance médicale et humanitaire à bord ;
- le navire Louise Michel, acquis grâce au produit de la vente d’œuvres de l’artiste de rue Banksy.
A eux seuls, ces navires ont porté secours à plus de 400 personnes en détresse en mer.
De plus, les deux navires de l’ONG de secours en mer Proactiva-Open Arms, l’Astral et l’Open Arms, sont revenus en Méditerranée centrale après plusieurs mois d’absence, principalement grâce aux réparations techniques réalisées par l’Open Arms.
Des bateaux de commerce et d’ONG immobilisés : les survivants abandonnés en mer
Le mois dernier, les Etats ont franchi un nouveau cap dans le mépris de leurs obligations en terme de droit maritime en ce qui a trait à la recherche et au sauvetage en Méditerranée centrale. Les difficultés subies en mer par les navires ayant secouru des personnes en détresse et ne pouvant pas débarquer les rescapés se multiplient depuis plus de deux ans. Elles touchent aussi bien les ONG que les navires de commerce. Des rescapés vulnérables sont abandonnés pendant des jours ou des semaines dans des conditions précaires : un bateau ne peut pas être considéré comme un lieu sûr durable pour les personnes secourues.
Le 4 août, le pétrolier Maersk Etienne a secouru 27 personnes, répondant à l’appel de détresse d’une petite embarcation et, selon la compagnie de transport maritime Maersk, sur les instructions du Centre de coordination des secours de Malte. Depuis, le navire subit le plus long blocage jamais documenté à ce jour en Méditerranée centrale. Aucune solution n’a encore été trouvée pour le débarquement des personnes secourues vers un lieu sûr, comme l’impose le droit maritime. Appelant à un débarquement immédiat le 29 août, l’OIM et l’UNHCR ont déclaré qu’« il est vital que [les navires de commerce] soient autorisés à débarquer promptement les rescapés secourus car, sans traitement rapide, les capitaines de navires de commerce pourraient hésiter à répondre aux appels de détresse de peur d’être ensuite bloqués en mer pendant des semaines ». Une préoccupation partagée par SOS MEDITERRANEE, car plus de vies seraient perdues à l’avenir si des navires pouvant aider dans cette zone étaient dissuadés de remplir leur devoir de porter secours.
Le Sea Watch 4 a vécu une situation similaire, devant attendre plusieurs jours en mer sans solution en vue pour le débarquement de plus de 350 personnes secourues. Certaines d’entre elles étaient en mer depuis plus de onze jours quand elles ont finalement été informées de l’organisation de leur transfert vers un bateau de quarantaine à Palerme, prévu le 2 septembre.
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Les derniers chiffres de l’OIM sur les décès de migrants en Méditerranée centrale à ce jour.
Crédit photo : Yann Levy / SOS MEDITERRANEE