L’année 2023 a été marquée par une forte hausse de la mortalité et la fermeture progressive de l’espace humanitaire en Méditerranée centrale. Pourtant, 2 299 personnes ont pu être secourues. En 2024, en dépit des entraves croissantes, SOS MEDITERRANEE poursuit sa mission sans relâche pour sauver plus de vies.
Retour sur 2023 en vidéo
Regard sur 2023
Comme l’a affirmé François Thomas, président de SOS MEDITERRANEE France, dans l’éditorial du Rapport d’activité 2023, « on ne peut que déplorer l’absence totale de débats sur la protection de la vie humaine en mer, alors que l’année 2023 a été la plus meurtrière en Méditerranée depuis 2017, avec au moins 3 105 personnes mortes ou disparues (OIM). L’UNICEF a rappelé en juillet 2023 qu’en moyenne 11 enfants meurent chaque semaine en tentant la traversée. »
Dénonçant le « décret-loi Piantedosi » qui vise à éloigner les navires de sauvetage des zones de détresse, les attaques répétées des garde-côtes libyens envers les humanitaires qui, plutôt que de coordonner les sauvetages, procèdent à des interceptions illégales, il a souligné combien ces politiques sont non seulement mortifères, mais également inefficaces : « les arrivées de personnes en situation de migration en Italie, pays en première ligne, ont augmenté de plus de 60 % en 2023 alors même que les personnes secourues par l’ensemble des navires d’ONG représentent moins de 10 % de ces arrivées ».
2024 : ONG entravées, droit bafoué
Pour Sophie Beau, directrice et co-fondatrice de SOS MEDITERRANEE, les perspectives sont tout aussi sombres. « Le premier semestre 2024 a été marqué, pour SOS MEDITERRANEE comme pour les autres ONG humanitaires opérant en Méditerranée, par une recrudescence du harcèlement judiciaire en Italie : sept navires ont subi des détentions administratives sur les cinq premiers mois de l’année, dont deux de 20 jours pour l’Ocean Viking ».
De plus, les autorités maritimes italiennes continuent d’attribuer des ports très éloignés aux navires humanitaires en 2024. Le dernier en date était le port de Marina di Carrara, à plus de trois jours de navigation de la zone de détresse, où 64 personnes ont été débarquées ce 12 juin. « La conséquence directe [de l’attribution de ports lointains] est la très forte mortalité en mer, avec déjà plus de 900 victimes en Méditerranée depuis le début de l’année » rappelle la directrice. La douzaine de corps que l’Ocean Viking et le Geo Barents ont ramenés lors d’une récente mission en sont une illustration.
« Sur le plan européen », poursuit-elle, « les acteurs civils du sauvetage ne constatent malheureusement aucun progrès en la matière : le Pacte Asile et Migration n’apporte pas le moindre élément pour prendre en charge ou faciliter le sauvetage en Méditerranée. Et malgré son inefficacité démontrée par les faits au cours des dernières années et les violations du droit international qu’elle implique, la politique d’externalisation des questions migratoires par l’Union européenne semble le seul cap politique envisagé. De nouveaux accords ont été signés avec la Libye et la Tunisie, faisant fi du droit maritime et du droit humanitaire international. D’autres se profilent avec l’Égypte, le Maroc, la Mauritanie… Nouvelle étape dans cette direction, l’Italie s’apprête à délocaliser en Albanie le débarquement des personnes secourues par les navires italiens en Méditerranée centrale. »
Maintenir notre présence en mer et démultiplier notre impact
SOS MEDITERRANEE a affronté plus d’une crise depuis sa création en 2015 et va rester mobilisée face à ce contexte peu favorable avec le soutien de celles et ceux qui se mobilisent pour sauver des vies. Gardant comme boussole le droit maritime et humanitaire, sa gouvernance compte non seulement tout faire pour maintenir sa présence en mer mais cherchera à démultiplier son impact. Sophie Beau indique que l’association réfléchit également à « développer son analyse des besoins humanitaires sur d’autres routes maritimes à travers le monde pour envisager de nouvelles opérations ou la formation d’autres acteurs aux techniques de sauvetage de masse ».
Crédit photo en haut de page : Jérémie Lusseau / SOS MEDITERRANEE