Avertissement : Le texte ci-dessous fait état d’actes de torture.
« Regarde ma main, c’est la Libye »
Jemal* a 16 ans. Il est originaire d’Érythrée. Il a été secouru d’une embarcation en bois surchargée avec 92 autres personnes le 12 février 2022. Lorsque je lui ai parlé pour la première fois sur le pont de l’Ocean Viking, il tenait dans ses bras un bébé ivoirien de cinq mois.
« J’ai quitté mon pays il y a plus d’un an avec ma sœur. Elle est restée au Soudan ; il était trop dangereux pour nous de venir en Libye. Elle m’a donc donné sa bague pour me protéger. Mais dès que j’ai franchi la frontière libyenne, j’ai été kidnappé. On m’a fait monter à l’arrière d’une voiture et nous avons roulé pendant longtemps, je ne sais pas combien de temps. J’ai passé six mois en prison**. Je suis heureux que ma sœur soit restée au Soudan, après avoir vu le traitement qu’ils réservent aux femmes ici. J’ai entendu leurs cris. Regardez ma main, c’est la Libye.
Cette femme sur le bateau m’a donné son bébé parce qu’elle pleurait. Je suis heureux de l’avoir dans mes bras, ça me calme moi aussi. »
Crédits photo et propos recueillis par Claire Juchat, coordonnatrice de la communication à bord de l’Ocean Viking
*Le prénom a été modifié pour protéger l’identité du rescapé.
** Les personnes rescapées parlent souvent de « prisons » en référence aux centres de détention libyens.