Un portrait

Une histoire

Ousman*

Gambie

Pays d'origine

16 ANS

Âge

14/02/2023

Date de sauvetage

« Je veux terminer mes études, je veux étudier l'art ou peut-être même devenir journaliste ou historien. »
À seulement 16 ans, Ousman* a tenté trois fois la traversée de la Méditerranée avant d’être secouru par l’Ocean Viking. Parti à 14 ans de chez lui en raison de violences intrafamiliales, il a traversé le Sahara et passé deux ans en Libye. En sécurité à bord du navire, il raconte son désir d’étudier : « Je veux retourner à l'école. C'est mon rêve. »
« Quand ma mère essayait de lui parler, il commençait à la battre elle aussi. »

J’ai perdu mon père quand j’étais petit. Ma mère s’est remariée avec un homme qui me détestait. Il me faisait peur. Il ne m’a laissé aucune chance. Il essayait toujours de me battre, me disant que j’étais inutile. Il m’envoyait toujours dehors. Quand ma mère essayait de lui parler, il commençait à la battre elle aussi. Un jour, ma mère m’a dit que ma seule chance était de quitter la Gambie et de faire ce voyage. C’est pour ça que je suis parti, en septembre 2021, à 14 ans. J’ai traversé tellement d’épreuves durant ce voyage.

« Ma mère a dû vendre ses vêtements pour me sortir de là. »

Ousman a passé deux ans en Libye, un pays en proie au chaos suite à une guerre civile. Il a travaillé dur, s'occupant d'animaux, pour gagner de l'argent dans l'espoir de trouver un jour la sécurité ailleurs. « J'ai essayé de traverser la mer trois fois. J'ai été intercepté deux fois. La première fois, j'ai réussi à m'échapper [de la détention arbitraire], mais la deuxième, ils m'ont emmené en prison**. Les Libyens [ndlr : les autorités libyennes] ne sont pas gentils. Ils ne respectent pas l'humanité ».

J'ai passé 43 jours en prison. Ils ne nous donnaient pas assez de nourriture. Je mangeais une fois par jour. Je dormais sur un sol sale, sans matelas. Il faisait froid. C'était dur pour moi. Je souffrais. La prison a été dure pour moi. J'ai même pleuré en me demandant : « pourquoi suis-je venu en Libye ? » J'étais fatigué ; j'ai dû faire face à de nombreuses difficultés. Si vous avez de l'argent, ils vous libèrent. Si vous n'avez pas d'argent, vous mourez là-bas. Personne ne vous aide. Ma mère a dû vendre ses vêtements pour me sortir de là. C’est ça la Libye. C'est très dur pour les personnes noires. Mais je savais que je devais y faire face. J'ai quitté mon pays pour faire ce voyage, pour rendre ma famille heureuse. C'est mon rêve. C'est ma foi.

« J'ai cru que j'allais mourir [en mer]. »

C'était difficile pour moi quand j'étais en mer. La petite embarcation sur laquelle je me trouvais bougeait beaucoup avec les vagues. Je me sentais mal. J'ai vomi. Je n'avais rien à manger, j'étais fatigué. J'ai cru que j'allais mourir jusqu'à ce que je voie l'Ocean Viking. J'étais tellement heureux que j'ai dit à mes amis [sur l’embarcation] : « Est-ce que je rêve ? Est-ce que je rêve ? » Ils m'ont dit : « Non, c'est la réalité ». Je n’y croyais pas parce que j'étais très fatigué à ce moment-là. J'avais froid et j'étais anxieux parce que j'avais peur des [autorités maritimes] libyennes. Je savais que s'ils m'avaient attrapé, personne ne m'aurait sorti de détention cette fois-ci. Ma mère est maintenant ruinée, elle n'a plus d'argent. J'ai eu peur, mais j'ai dû prendre le risque à cause de sa situation. Je dois l'aider. Je suis l'aîné, je dois la rendre fière. Je sais que la vie n'est qu'un risque. J'ai enfin réussi à traverser cette fois, je suis si heureux. En Europe, je veux terminer mes études, je veux étudier l'art ou peut-être même devenir journaliste ou historien. J'ai déjà appris beaucoup de choses dans la vie… Je veux retourner à l'école. C'est mon rêve.


Lorsque la dessinatrice Marie-Morgane Adatte, à bord comme reporter au moment de son sauvetage, lui demande où il voulait être dessiné, voici ce qu’Ousman lui répond :
« Sur l’Ocean Viking, c'est la période la plus heureuse de ma vie. »


Pour voir le travail de Marie-Morgane Adatte aux Editions Antipodes.

* Le nom du rescapé a été modifié pour protéger son anonymat.

** Les personnes rescapées parlent souvent de « prison » pour désigner les centres de détention libyens, officiels ou non officiels.

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